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Digestats et biologie des sols

Temps de lecture : 6 minutes

Impact des digestats sur la biologie des sols : Résultats des essais 2018-2020

L’ARAD2 a réalisé des essais entre 2018 et 2020, sur l’impact des digestats sur la biologie des sols. Ces dernières années, la promotion de production d’énergie renouvelable a entraîné un développement significatif de la méthanisation agricole. En plus du biogaz, le processus de digestion anaérobie produit du digestat utilisé aujourd’hui largement comme fertilisant en agriculture. Il existe de plus en plus de références sur la valeur fertilisante et amendante des digestats. Il y a toutefois peu d’études menées pour évaluer l’impact de leur utilisation sur la qualité notamment biologique des sols. De plus, la conduite de ces études s’est déroulée en Allemagne, avec des systèmes méthanisation très différents de ceux en France. Donc les digestats ne présentant pas les mêmes caractéristiques.

Pour pallier ce manque de références, l’ARAD² suit, depuis 2018, 3 sites chez des agriculteurs. Ils sont dans le Calvados, la Manche et l’Eure. L’analyse des 3 premières années ne montre pas un impact marqué des digestats sur les vers de terre, la variabilité interannuelle étant très importante.

Peu d’études menées sur l’impact de l’utilisation des digestats sur la vie du sol

Par le processus de fermentation anaérobie, la méthanisation produit du biogaz et du digestat. Pour rappel, il n’existe pas un mais des digestats. Car ses caractéristiques sont fortement influencées par la qualité des substrats utilisés, les conditions du procédé et par les post traitements éventuels. Si de nombreux travaux permettent maintenant de bien appréhender la valeur fertilisante de ces produits. Il reste encore de nombreuses interrogations sur l’impact de leur utilisation sur les sols, et notamment sur la vie biologique des sols.

Les études menées en Allemagne (notamment Koblenz B. et al, 2015) montrent que le digestat, comme le lisier, ont un effet positif sur l’abondance et la biomasse des vers de terre, en comparaison avec le témoin sans fertilisation et la modalité engrais chimique (tableau de gauche). De plus, cet effet se poursuit à long terme (3 ans) mais de façon non significative (tableau de droite) en comparaison à la modalité engrais chimique.

Influence des différentes modalités sur le nombre et la biomasse des vers de terres
Influence des différentes modalités sur le nombre et la biomasse des vers de terres

Trois essais ARAD2 suivis depuis 2018

Pour évaluer l’impact des digestats sur les sols, l’ARAD² suit depuis trois ans trois sites d’expérimentations :

  • Montreuil sur Lozon dans la Manche
  • Le Theil Bocage dans le Calvados
  • Campigny dans l’Eure.

Deux modalités sont comparées : digestat liquide selon les pratiques de fertilisation de l’agriculteur versus engrais chimique uniquement. L’apport de quantité d’azote est indique au digestat. Les mesures réalisées sont résumées dans le tableau ci dessous :

Tests sur la biologie des sols : digestats liquides versus engrais chimique
Tests sur la biologie des sols : digestats liquides versus engrais chimique

Essai Montreuil en Lozon (Manche)

Le type de sol est limono-argileux, de profondeur moyenne sur granit. La rotation pratiquée sur la parcelle pendant la période de suivi est CIVE/Maïs/Blé. L’apport de 50 à 60 m3 de digestat liquide se fait début mai entre la récolte de la CIVE et le semis du maïs soit à une fréquence d’une année sur deux.

Les mesures de reliquat sortie hiver en montrent aucune différence significative entre les deux modalités.

Le test Beer Kan réalisé en 2020 montre un temps d’infiltration bien supérieur pour la modalité engrais minéral. La macroporosité est donc plus importante dans la modalité digestat.

Le comptage de vers de terre de 2020 montre également un net avantage pour la modalité digestat. La différence entre les deux modalités s’explique par une forte présence d’endogés (50 sur 75). Ceci est vrai, quand le nombre d’épigés et d’anéciques sont du même ordre entre les deux modalités. Par ailleurs, la biomasse est légèrement plus élevée pour la modalité digestat.

Abondance des vers de terres sur le site Montreuil en Lozon
Abondance des vers de terres sur le site Montreuil en Lozon

Essai Le Theil Bocage (Calvados)

Le type de sol est du limon sablo-argileux. La rotation pratiquée pendant la période de suivi sur la parcelle est Blé/Orge/CIVE/.Maïs. Du digestat liquide est apporté chaque année : sur céréales d’hiver 30 m3 en 2 à 3 fois, fin août avant implantation de la CIVE et avant le semis de maïs.

Les mesures de reliquat sortie hiver ne montrent pas de réelle tendance entre les deux modalités.

Le test Beer Kan réalisé en 2020 montre un temps d’infiltration bien plus élevé pour la modalité digestat. La macroporosité est moins importante dans la modalité digestat. Les comptages de vers de terre ne montrent cependant aucune différence en terme d’abondance, de biomasse et de composition de la communauté entre les deux modalités.

Abondance des vers de terre sur le site de le Theil du Bocage
Abondance des vers de terre sur le site de le Theil du Bocage

Essai Campigny (Eure)

Le type de sol est du limon moyen à profond. La rotation pratiquée pendant le suivi est Blé/RGI/Maïs/Blé. 25 à 30 m3 de digestat liquide sont apportés chaque année en sortie hiver.

Les mesures de reliquat post récolte et sortie hiver sont systématiquement plus élevées dans la modalité digestat.

Le test Beer Kan réalisé en 2020 montre un temps d’infiltration plus faible pour la modalité digestat. La macroporosité est plus importante dans la modalité digestat. Les comptages de vers de terre ne montrent cependant aucune différence en terme d’abondance entre les deux modalités. La modalité digestat présente une biomasse de vers de terre un peu plus élevée et davantage d’anéciques.

Abondance des vers de terre sur le site de Campigny
Abondance des vers de terre sur le site de Campigny

En résumé

L’existant

Le digestat résulte de la fermentation anaérobie de matières organiques fraîches lors de la méthanisation. Si le processus est conservatif pour les éléments nutritifs (N, P, K), ce n’est pas le cas pour le carbone. En effet, sa fraction la plus stable se retrouve dans le digestat. On peut donc raisonnablement se demander : quelles sont les conséquences d’un retour au sol de ce type de produit sur les propriétés du sol en particulier sur la vie biologique ?

Il existe très peu de publications scientifiques sur le sujet. Les quelques études menées en Allemagne ne démontrent pas d’impact négatif de l’épandage de digestat sur l’abondance et la biomasse des vers de terre. C’est même le contraire, il augmente ces deux indicateurs si on le compare à une fertilisation uniquement chimique. Les critères abondance et biomasse des vers de terre sont donc améliorés par l’apport de digestat. Ceci, dans des proportions qui sont équivalentes à l’apport de lisier.

Les essais menés par l’ARAD2

L’ARAD² a démarré des essais en 2018 pour suivre l’impact du digestat sur les propriétés chimiques, physiques et biologiques des sols. Trois sites différents ont servis pour l’étude :

  • Montreuil en Lozon dans la Manche en sol limono-argileux,
  • Le Theil Bocage dans le Calvados en sol limon sablo-argileux
  • Campigny dans l’Eure en sol limoneux.

Les tests bêches réalisés en 2020 n’ont donc montré aucune différence de structure entre les modalités digestat et engrais chimique. Sur un site, la modalité digestat présentait visuellement un réseau d’hyphes de champignons plus élevé.

Les tests d’infiltration Beer Kan montrent dans deux cas sur trois un temps d’infiltration plus faible. Il y a donc une meilleure macroporosité du sol recevant du digestat.

Annuellement, des comptages vers de terre selon la méthode OPVT (test moutarde) sont réalisés. Aucune différence significative d’abondance entre les modalités digestat et engrais chimique n’a été observée. Excepté pour 2020 sur le site de Montreuil en Lozon où le nombre de vers de terre est quasiment le double pour le digestat. Par contre, en 2020, pour deux sites, leur biomasse était plus élevée. Mettant donc en évidence des vers de terre qui sont plus gros dans la modalité digestat. Enfin, concernant la composition de la communauté, c’est-à-dire la proportion d’épigés, d’anéciques et d’endogés, les résultats sont différents pour chaque site. Il n’est donc pas possible de conclure.

Les conclusions des essais

Les suivis de rendement n’ont donc mis en évidence aucune différence entre les modalités digestat et engrais chimique. Les cultures valorisent donc bien les éléments présents dans les digestats. Ils permettent alors des économies d’engrais chimiques sans pénaliser les cultures.

Le suivi des trois sites devrait se poursuivre pendant les trois prochaines années afin d’évaluer cet impact sur le long terme. Une mise à jour des résultats obtenues sur 2021 et 2022 est prévue pour juin 2022.

Retrouvez toutes nos publications sur l’amélioration des sols en ligne.

Photo des essais menés chez nos agriculteurs sur l'impact du digestats du la biologie des sols
Photo des essais menés chez nos agriculteurs sur l’impact du digestats du la biologie des sols

Bibliographie

KOBLENZ B. et al, 2015. Influence of biogas digestate on density, biomass and community composition of earthworms. Industrial Cops and Products 66, 206-209.

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