Bioéconomie : le fondement d’un nouveau régime de croissance pour l’agriculture ?
La bioéconomie englobe l’ensemble des activités de production et de transformation de la biomasse. Cette biomasse peut être d’origine agricole, forestière ou aquacole. Les finalités sont alors la production alimentaire, de chimie biosourcée, de matériaux biosourcés ou d’énergie. Elle offre de nombreuses opportunités pour répondre aux grands enjeux de l’agriculture de demain, tant environnementaux que sociaux et économiques. La bioéconomie est devenue une priorité nationale en se dotant d’un plan d’action interministériel en 2018.
Vers une économie décarbonée
Le concept de bioéconomie n’est pas récent, il date des années 1970. C’est un changement de paradigme. La dégradation de l’environnement ne fait plus l’objet d’un calcul économique rationnel. Mais la logique économique devient un sous ensemble de la biosphère d’où le terme bioéconomie. Il existe différentes approches de la bioéconomie. Pour l’OCDE, c’est d’abord une approche biotechnologique. Pour l’Union Européenne, il s’agit de valoriser les surplus agricoles avec la notion de chimie verte, tout en maintenant la sécurité alimentaire. Enfin, il existe une version très radicale basée sur la notion de décroissance. En France, d’après l’arrêté du 19 août 2019, la bioéconomie regroupe l’ensemble des activités liées à la production, à l’utilisation et à la transformation de bioressources.
C’est dans tous les cas une économie de la biomasse dont la finalité est de contribuer à réduire les effets sur le climat des activités centrées sur le pétrole. Les débouchés sont donc :
- la production alimentaire humaine et animale,
- les bioénergies,
- les matériaux biosourcés (fibres végétales…),
- les molécules biosourcées (chimie du végétal),
- la production de services environnementaux comme le stockage du carbone.
Pour le secteur agricole, la bioéconomie propose de nouvelles opportunité. Les agriculteurs peuvent devenir biomassiculteurs pour l’approvisionnement des bioraffineries, moléculteurs pour la production de molécules biosourcées ou encore énergiculteurs pour la production de biogaz.
Des marchés en forte demande de produits biosourcés
Le marché cosmétique
Le marché des cosmétiques est un marché en croissance. Il l’est en particulier sur le segment du naturel,(+ 10 % chaque année) et surtout en Europe. L’enjeu est donc de développer de nouveaux ingrédients et process tout en privilégiant l’approvisionnement en circuit court.
Le projet V2C est issu d’une collaboration entre une coopérative agricole, AGRIAL, une savonnerie, un laboratoire et une unité de recherche en chimie organique et macromoléculaire. Il vise à valoriser des co-produits issus de la fabrication du cidre. L’objectif est de mettre au point des produits cosmétiques enrichis en huile de pépin de pomme (coproduit) et en tourteau de pépin de pomme (coproduit de coproduit) comme agent exfoliant. Ils sont en cours de finalisation des formulations et les produits issus de ce projet devraient être commercialisés fin 2022. Ce projet pourrait donc permettre à la fois de pérenniser la filière cidricole normande et de créer des emplois dans la cosmétique dans la région.
D’autres exemples de valorisation de produits agricoles dans la cosmétique existent. Comme par exemple, l’incorporation d’huiles issues de graines de lin dans des crèmes de beauté. Dans ce cas, le lin pourrait être valorisé à trois niveaux pour :
- sa fibre dans le textile,
- son huile de graines dans le cosmétique,
- le tourteau de lin dans l’alimentation animale.
Le marché des matériaux biosourcés
Utiliser l’herbe pour maintenir les prairies
Agriculteur dans le Pays de Caux en polyculture élevage bovin viande situé dans zone de captage Grenelle, Patrick AUGER a démarré un projet dont l’objectif est de maintenir les prairies (pas de phytos, pas d’érosion, biodiversité, stockage de carbone) en proposant des matériaux à base d’herbe permettant de stocker du carbone durablement. En 2020, avec UniLasalle, il a réalisé une étude de faisabilité pour utiliser de l’herbe pour la fabrication de produits biosourcés. Pour des questions de logistique et stockage, il a alors choisi de travailler sur l’herbe sèche enrubannée ou en balle de foin : granulés, panneau d’herbe isolant, film plastique.
Des prototypes de matériaux sont en cours d’étude. Comme par exemple, des panneaux isolants à base d’herbe sèche à 170°C avec une qualité proche de la laine minérale.
De l’anas de lin à la brosse à cheveux
La société NATTA dans l’Orne produit des pièces plastiques par injection. Aujourd’hui elles sont principalement issues du pétrole notamment pour le secteur de l’automobile. Leur objectif est donc de pouvoir proposer des matériaux 100% recyclés. Mais aujourd’hui, souvent les matériaux biosourcés sont d’origine exotique : maïs, canne à sucre… L’idée est de travailler sur une résine issue de matériaux français. Ils ont comme projet une brosse à cheveux à base d’anas de lin ou d’un peigne à partir de miscanthus.
« PaïPack » : un matériau à base des chutes de production de pailles en paille La Perche
Depuis 3 ans, le studio de design Fertile propose une paille en paille appelée La Perche en réponse à la problématique des produits plastiques à usage unique. Cette paille permet de valoriser un coproduit agricole du seigle et d’apporter un revenu complémentaire aux agriculteurs. Toutefois, la fabrication de ces pailles n’utilise que 30 % d’une paille bio de seigle. En effet, elle peut faire jusqu’à 3m de haut. Cela génère beaucoup de déchets. Le projet PaïPack vise donc à mettre au point un matériau biosourcé issu des broyats de déchets de paille. Les débouchés possibles sont la production de bouchons ou encore de boutons…
La bioéconomie offre de nombreux débouchés aux agriculteurs. Si le plus connu aujourd’hui est la production d’énergie, le marché des matériaux et molécules biosourcés reste encore à défricher. Pour les agriculteurs, c’est l’opportunité de se diversifier avec des productions à haute valeur ajoutée. Mais elle présente souvent aussi un intérêt agronomique (chanvre, lin…) ou de maintient des cultures comme les prairies.
Source :
Rencontres normandes de la bioéconomie du 21 janvier 2021
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