Comment mettre en œuvre l’Agriculture Biologique de Conservation ? Enseignements d’agriculteurs expérimentateurs suisses et belges
La présentation des enseignements d’agriculteurs expérimentateurs est issue d’une étude basée sur la méthodologie de la traque à l’innovation réalisée par le Cerfrance Normandie Maine. Elle s’est déroulée en 2021 et 2022 auprès d’agriculteurs suisses (14), belges (19) et français (2).
L’Agriculture Biologique de Conservation (ABC) n’est certainement pas l’agriculture la plus facile et la plus reposante. Elle a encore de nombreuses limites et beaucoup de questionnements. Toutefois, les expériences se multiplient avec, certes, des échecs mais aussi des réussites. L’étude relatée ici présente des innovations réussies par des agriculteurs déterminés et, avant tout, passionnés.
Des enseignements encourageants des agriculteurs expérimentateurs
Différents enseignements ressortent de cette traque :
- La gestion des adventices est le frein principal à la réduction du travail du sol, et la prairie temporaire apparaît comme le levier le plus utilisé.
- La forte proportion de cultures de printemps permet de lutter contre les adventices (alternance et binage) et d’introduire de gros couverts dans la rotation. Toutefois, les désherbages successifs sont destructeurs du sol selon certains praticiens.
- Certains systèmes en TCS superficiel arrivent à maîtriser le salissement mais le travail du sol reste important (fréquence et/ou profondeur).
- La diversification des espèces et des rotations ainsi que la couverture maximale du sol sont globalement des points acquis.
- Le SD total semble laborieux en AB mais le SD opportuniste est parfois envisageable. Toutefois, il reste difficile à mettre en oeuvre.
- Les systèmes mis en place nécessitent d’être opportunistes et adaptables.
- La réintroduction quasi systématique des prairies et la dépendance aux effluents organiques questionnent sur la nécessité de réintroduire de l’élevage dans les systèmes céréaliers en ABC. L’élevage a aussi comme intérêt de pouvoir détruire des couverts ou valoriser des cultures sales.
Le contexte en Belgique et en Suisse
Le contexte belge, avec de forts potentiels de rendement et la présence de cultures industrielles (pommes de terre, betteraves, chicorée…) ne semble pas faciliter le développement de pratiques réduisant le travail du sol. A contrario, la politique agricole suisse (aides incitatives à la réduction du travail du sol et à l’utilisation des produits phytosanitaires), ainsi que des prix de vente rémunérateurs semblent créer un contexte économique favorable à la prise de risques et au développement de nouvelles pratiques. En Suisse, la proximité des organismes de recherche et de conseil avec les agriculteurs semble aussi être un élément qui facilite l’évolution des pratiques.
Il est important de rappeler que les systèmes observés évoluent rapidement et qu’il sera important de les observer sur un temps long, car les pratiques innovantes sont souvent encore récentes. Il apparaît aussi que c’est bien une combinaison de techniques qui permet de tendre vers des systèmes en ABC. Pour conclure, force est de constater que l’ABC peut prendre de multiples formes qui varient en fonction du contexte et des objectifs de chaque agriculteur.