Rôle des vers de terre dans le cycle du carbone et la croissance des plantes
Découvrez comment les vers de terre impactent le fonctionnement du sol, le cycle du carbone et des nutriments et la croissance des plantes.
Date de publication : 19 septembre 2023
Les vers de terre jouent un rôle prépondérant dans le fonctionnement des sols. Ils fournissent ainsi des services essentiels à l’humanité. Leur rôle bénéfique concerne les effets sur la structure du sol, le cycle du carbone et des nutriments, ainsi que sur la communauté microbienne du sol. L’optimisation du rôle des vers de terre dans les systèmes agricoles est donc cruciale pour maintenir ou améliorer la qualité des sols et soutenir une agriculture plus durable.
Les vers de terre ingèrent, fragmentent, mélangent et transportent à la fois des matières organiques et inorganiques. Mais, les modalités différent d’une espèce à l’autre. Pour rappel, on distingue trois catégories écologiques :
- Les épigés se nourrissent principalement de litière à la surface du sol et sont actifs juste sous l’interface sol-litière.
- Les endogés se nourrissent quant à eux de matières organiques des sols et forment des galeries sans orientation préférentielle.
- Les anéciques se nourrissent principalement de litière à la surface du sol et vivent dans des galeries verticales permanentes.
Les vers de terre affectent donc les processus fondamentaux du sol (structure du sol, communautés microbiennes et cycles biogéochimiques). Grâce à ces changements, ils affectent indirectement la croissance des plantes et le bilan des gaz à effet de serre dans le sol. Toutefois, les vers de terre ne sont pas une solution autonome pour améliorer la durabilité des systèmes de culture, mais une pièce essentielle du puzzle, afin d’optimiser les avantages qu’ils offrent dans les systèmes agronomiques.
Vers de terre et structure des sols
Des turricules majoritairement déposés dans les galeries
En creusant , les vers de terre consomment du sol. Ils déplacent des particules de sol pour se nourrir et faciliter leur déplacement sous terre. Selon les espèces, il existe une très grande diversité de galeries en termes de diamètre, de profondeur, de continuité et d’intensité de ramification (figure ci-dessous).
Le sol ingéré est déposé sous forme de turricules soit en surface (concerne moins de 50 % des turricules et exclusivement ceux produits par les anéciques) soit dans leurs galeries. Ces turricules se composent d’agrégats organo-minéraux biogènes. La structure des turricules évolue rapidement après leur production. Ils passent d’un agrégat instable et riche en eau à un agrégat stable dans l’eau.
Un rôle dans la circulation de l’eau
Même si les galeries des vers de terre occupent rarement plus de 5 % de la porosité totale, elles peuvent jouer un rôle clé dans l’infiltration de l’eau en raison de leur continuité et de leur orientation générale verticale. Les turricules ont également une capacité de rétention d’eau plus élevée que le sol environnant. Cela peut s’expliquer par la préférence des vers de terre pour les particules minérales fines et la matière organique (MO). Les endogés ont la plus grande influence sur la teneur en eau du sol. Les anéciques ont eux un effet limité.
Aération, compactage et érosion du sol
Si le compactage peut limiter l’abondance et l’activité des vers de terre, les vers de terre sont également des agents de décompactage importants. Capowiez et al (2012) ont montré que les vers de terre étaient capables de recoloniser rapidement un champ de blé fortement compacté. En atteignant l’abondance initiale de galeries et le taux d’infiltration de l’eau après deux ans. Les vers de terre, en particulier les anéciques, peuvent limiter l’érosion en favorisant l’infiltration et en limitant ainsi le ruissellement de surface. A noter toutefois que les turricules peuvent également jouer un rôle dans l’imperméabilisation de la surface.
Vers de terre et communautés microbiennes
Effets contrastés sur la biomasse et l’abondance microbienne
Une récente étude montre que les trois catégories écologiques peuvent avoir un effet positif, neutre ou négatif sur la biomasse et l’abondance des communautés microbiennes. On retrouve une proportion plus faible d’études faisant état d’un effet positif et neutre pour les endogés que pour les autres. La réduction de biomasse microbienne en présence de vers de terre suggère qu’ils consomment d’abord la biomasse microbienne. Cependant, en mettant les microbes en contact étroit avec des substrats dégradables, ils pourraient entraîner une augmentation de la biomasse dans leurs galeries.
Diversité et composition des communautés microbiennes
Comme pour la biomasse microbienne, il n’y a pas de tendance générale. Par contre, l’effet sur la composition des communautés est plus claire. Il y a une surreprésentation des espèces à croissance rapide dans les turricules et les galeries de vers de terre. Ils sont particulièrement efficaces pour stimuler les protéobactéries, les actinobactéries et les acidobactéries.
Vers de terre, matière organique et cycle du carbone
Un régime semi-détrivore
Les vers de terre se nourrissent à la fois de résidus végétaux, d’autres résidus organiques et de sol. Le taux d’ingestion de résidus organiques peut varier de 2,6 à 80 mg de matière sèche par jour. En conséquence, à l’échelle mondiale, la perte de masse de la litière double en présence de vers de terre. Les vers de terre ont tendance à préférer les résidus organiques riches en protéines et en hydrates de carbone, pauvres en composés phénoliques, avec un rapport C/N relativement faible, des particules de taille relativement fine (<1 mm) et colonisés par des microorganismes.
Mécanismes régissant l’effet des vers de terre sur le cycle du carbone
L’effet des vers de terre sur le cycle du carbone est déterminé par :
- Les processus dans le corps du ver de terre. Cela comprend l’activité microbienne intestinale, le broyage dans le gésier, les conditions chimiques spécifiques et la production de mucus dans l’intestin.
- Les processus se produisant dans le sol affecté par le ver de terre. Cela comprend l’activité microbienne et le vieillissement des turricules.
L’effet des vers de terre sur la décomposition de la litière est lié à leur capacité à ingérer de la terre. Dans les sols arables tempérés, la quantité de sol ingérée varie de 0,7 à 3,3 g de sol sec par jour. Toutefois, malgré une transformation alimentaire poussée, la quantité de carbone assimilée par les vers de terre est relativement faible. Le taux d’assimilation est estimé entre 1 et 6 %. Ainsi, la majeure partie du carbone ingérée va se retrouver dans les excréments.
Impact sur la stabilité du carbone organique
La teneur en carbone organique des turricules est jusqu’à 48 % plus élevée que celle du sol environnant. La minéralisation accrue est favorisée d’abord par des teneurs élevées en eau et en mucus. Mais également par une stabilité structurale relativement faible qui empêche la protection physique du carbone contre la décomposition.
La stabilité du carbone se produit principalement pendant le vieillissement des turricules, quelques mois ou années après leur production par :
- Une augmentation des liaisons argile-cations polyvalents-MO et une attraction des particules de sol
- Une adsorption sur des surfaces minérales favorisée par un degré d’oxydation plus élevé des composés organiques
- Une accumulation de la nécromasse microbienne, réservoir important de matières organiques stables des sols
Les vers de terre créent donc des points chauds de carbone organique dans les sols. Toutefois, l’ampleur de la stabilisation du carbone induite par les vers de terre reste particulièrement difficile à quantifier, surtout en présence de plantes en croissance.
Vers de terre et cycle des nutriments
Création de points chauds transitoires pour l’azote minéral
La teneur en azote (N) minéral est généralement plus élevée dans l’intestin des vers de terre et dans les sols affectés par les vers de terre que dans le sol environnant. L’origine de ces teneurs accrues en N minéral est le résultat direct de la minéralisation de N organique (<30 à 90 kgN/ha/an) et le résultat indirect via l’urine, le mucus et les tissus morts des vers de terre.
Une part importante de l’azote minéral libéré dans les turricules peut rapidement être minéralisée. La plante absorbe cet azote, immobilisé par les communautés microbiennes, piégé dans les agrégats ou encore lessivé.
Augmentation de la biodisponibilité du phosphore
La teneur en phophore (P) potentiellement disponible est plus élevée (en moyenne 84 %) dans les turricules que dans le sol environnant. Il existe plusieurs voies par lesquelles les vers de terre peuvent affecter la disponibilité du P pour la plante (figure ci-dessus) :
- La stimulation de l’activité microbienne peut entraîner une augmentation de la production de phosphatases et une minéralisation ultérieure du P organique.
- La stimulation microbienne peut également entraîner une augmentation du carbone organique dissous (DOC) dans le sol. Cela conduit à une désorption compétitive du P adsorbé sur la phase solide du sol.
- De fortes variations du pH dans les excréments de vers de terre affecteront la spéciation et l’adsorption du P.
- Le faible potentiel d’oxydoréduction dans l’intestin du ver de terre peut conduire à une diminution de la surface réactive des oxydes métalliques (Me-hydr), y compris les oxydes de fer-(hydr) et donc à une diminution de l’ortho-P adsorbé.
Vers de terre et bilan des GES dans le sol
En l’absence de vers de terre (A de la figure ci-dessus), les émissions de N2O sont principalement affectées par le pH, la teneur en eau du sol, la température, le carbone et l’azote disponibles et les processus de transformation microbienne.
La présence de vers de terre (B), en plus d’augmenter le carbone et l’azote disponibles et de modifier la teneur en eau du sol, affecte les émissions de N2O en :
- renforçant l’activité microbienne
- en produisant des turricules et en créant des galeries qui représentent respectivement une source importante de N2O et un moyen facile pour ce gaz d’atteindre l’atmosphère.
A noter que les effets des vers de terre sur le bilan GES du sol pourraient se modifier par la présence de plantes en croissance qui fixent le dioxyde de carbone (CO2) et absorbent l’azote, par exemple sous forme de nitrate (NO–).
Rôle des vers de terre dans le cycle du carbone et la croissance des plantes au format PDF :
Pour en savoir plus sur les vers de terre et comment les compter :
Vous pouvez consulter notre autre article consacré aux vers de terre. suivant :
Source
VIDAL A., et al, 2023. The role of earthworms in agronomie : consensus, novel insights and remainign challenges. Advances in Agronomy 181.