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Utilisation des ressources nutritionnelles du sol par les cultures

Temps de lecture : 7 minutes

Pourquoi et comment améliorer l’efficience d’utilisation des ressources nutritionnelles du sol par les cultures ?

Dans cette publication nous répondrons à pourquoi et comment améliorer l’efficience d’utilisation des ressources nutritionnelles du sol par les cultures ?

Au cours des dernières décennies, un succès indéniable a été obtenu dans la production agricole mondiale. Ces progrès ont été principalement réalisés par la conjonction de :

  • l’utilisation d’une plus grande quantité de ressources externes telles que l’azote (N), mais aussi d’autres minéraux (P, K),
  • l’irrigation (eau),
  • la progression de la sélection en capacité de rendement maximale (Ymax) des génotypes. Lorsque la fourniture de toutes les ressources externes se fait en quantité non limitative.

Cependant, cette approche montre ses limites depuis quelques années. L’augmentation des rendements stagne s’il n’y a pas d’augmention de l’apport d’intrants, induisant des problèmes environnementaux liés à l’usage massif de ces ressources externes. Par conséquent, l’amélioration de l’efficacité de l’utilisation des nutriments est essentielle pour rendre l’utilisation des intrants plus efficace. Ceci premet également d’atteindre de manière plus durable les objectifs de sécurité alimentaire.

Amélioration des cultures pour l’acquisition des ressources

Les perspectives futures d’amélioration des cultures pour l’acquisition des ressources devront donc se concentrer sur :

  1. une exploration plus efficace des ressources du sol (N, P, autres minéraux et eau) par le système racinaire, en se concentrant sur son architecture ;
  2. une capacité des plantes à interférer plus efficacement avec le microbiome du sol pour augmenter les ressources minérales disponibles au niveau de la rhizosphère ;
  3. une amélioration des caractéristiques des plantes impliquées dans la capacité globale d’absorption des nutriments et de l’eau. Lorsqu’il y a une quantité limitées de ces ressources dans les sols.

Ainsi, la sélection de traits racinaires convergents devrait être entreprise pour une amélioration de la capacité des plantes à rechercher, extraire et utiliser plus efficacement toutes les ressources endogènes du sol (eau, N, P, K et autres minéraux) de manière plus synergique. Pour atteindre ces objectifs, une nouvelle révolution doit être engagée pour recentrer la sélection sur l’amélioration de l’efficacité de l’utilisation des ressources, plutôt que sur l’utilisation de concepts anciens tels que l’efficience de l’eau ou de l’azote. Ces derniers se basent essentiellement sur la réponse des cultures à des apports exogènes.

Point de vue des « Agronomes » : D’une approche de l’efficience de la réponse des cultures aux apports d’engrai, à une approche de la capacité des cultures à produire avec le moins d’engrais possible ?

Les courbes de réponse « doses-rendements »

La fertilisation minérale des cultures a été basée sur une approche linéaire de leurs réponses aux apports d’engrais. L’analyse des courbes de réponse « doses-rendements » permettait de déterminer l’apport optimal pour atteindre, en conditions non limitantes, le rendement potentiel (Ymax). En dehors de ses fortes incertitudes qui ont incité à des surfertilisations d’assurance, trois erreurs fondamentales ont entachée cette approche :

  1. La demande en N, P, K… des cultures augmente proportionnellement avec leur niveau de production. Or ceci s’est avéré faux puisque la teneur de ces éléments dans les plantes diminue lorsque la biomasse de la culture augmente conformément aux lois de dilution. En effet, le prélèvement de l’azote s’auto-régule par la dynamique de croissance.
  2. L’offre du sol en N, P, K… est considérée comme un « facteur externe » à la plante. Or la disponibilité de ces éléments étant directement contrôlée par la capacité de croissance de la plante elle-même. Il n’y a pas d’indépendance entre offre et demande.
  3. La disponibilité de chacun des éléments dépend aussi de la disponibilité des autres éléments. Il y a donc co-limitation entre éléments ce qui rend les approches élément par élément peu pertinentes.

Une approche plus systémique du système « plante-sol-microbiome du sol »

La plante étant actrice de la disponibilité de l’azote dans le sol. Une approche plus systémique du système « plante-sol-microbiome du sol » permet de revisiter le concept d’efficience d’utilisation de l’azote, et des autres minéraux, d’une manière plus dynamique et plus intégrative.

Cette nouvelle approche consiste à cibler non pas la réponse des cultures aux apports d’engrais, mais plutôt leur non-réponse. Pour cela, il importe d’augmenter la capacité des plantes à explorer les ressources du sol et intervenir dans les interactions rhizosphériques afin d’améliorer la disponibilité des ressources minérales pour satisfaire la demande des plantes, réduisant du même coup les besoins en apports exogènes. Enfin, ce progrès génétique concerne aussi la ressource en eau du sol. Celle-ci conditionne en grande partie la disponibilité de la ressource minérale pour la plante.

Une approche plus intégrative de la fertilisation minérale

Une approche plus intégrative de la fertilisation minérale, basée non plus sur un pronostic mais sur :

  • un diagnostic in situ de l’état nutritionnel des cultures (indice de nutrition des plantes comme INN pour l’azote),
  • une proposition d’analyse plus fonctionnelle des interactions génotype-milieu.
analyse plus fonctionnelle des interactions génotype-milieu est proposée
Analyse plus fonctionnelle des interactions génotype-milieu est proposée

Il est également important d’identifier les traits racinaires impliqués dans la capacité des plantes à maintenir des INN, INP ou INK élevés en absence d’apports d’engrais, et donc dans leur capacité à prospecter le sol et à y prélever les ressources minérales présentes. Ces traits racinaires sont liés aux :

  • architecture et au développement racinaire,
  • effet des plantes sur le turn-over microbien dans le sol,
  • efficacité des transporteurs membranaires,
  • interactions plantes-microbiome du sol.

Point de vue des « Biologistes » : Adaptation de l’architecture racinaire aux contraintes nutritionnelles du sol … identification des mécanismes et exploitation de la variabilité génétique

La connaissance des mécanismes impliqués dans le contrôle du développement racinaire a beaucoup progressé chez de nombreuses espèces, y compris celles de grandes cultures. La plasticité impressionnante de l’architecture racinaire en réponse aux contraintes nutritionnelles est maintenant bien caractérisée.

Plus que la taille, c’est l’architecture racinaire qui compte. En fonction de la concentration en azote présente dans les sols, une même plante peut avoir des architectures complètement différentes.

En fonction de la concentration en azote présente dans les sols, une même plante peut avoir des architectures complètement différente
En fonction de la concentration en azote présente dans les sols, une même plante peut avoir des architectures complètement différente

La plante, quelle que soit l’espèce, a la capacité très importante à modifier son développement racinaire pour répondre aux variations des éléments minéraux dans le sol. Mais cette capacité est spécifique à chaque nutriment.

Il existe également une très forte variabilité génétique au sein de chaque espèce.

La profondeur d’enracinement constitue un trait racinaire important à la fois pour l’efficience du prélèvement de l’eau et de l’azote. Car en fin de cycle cultural, l’eau et les éléments nutritifs sont davantage disponibles en profondeur.

La profondeur d’enracinement constitue un trait racinaire important
La profondeur d’enracinement constitue un trait racinaire important

Par ailleurs, le plus n’est pas forcément le mieux. Par exemple, chez le maïs, moins il y a de racines coronaires, plus le maïs est résistant à la sécheresse. En effet, moins il y a de racines coronaires, plus elles vont profondément. Il s’agit de la profondeur d’enracinement qui détermine la résistance à la sécheresse.

De nombreux gènes régulateurs de l’architecture racinaire ont été identifiés. Par exemple, il y a beaucoup de documentation sur un gène agissant sur l’angle de croissance des racines et le rôle central des signalisations hormonales (auxine notamment). Une approche qui se renforce est celle exploitant la variabilité génétique naturelle des mécanismes du développement racinaire, qui peut fournir des outils précieux aux sélectionneurs. Toutefois, le phénotypage racinaire en conditions agronomiques reste très complexe à mettre en œuvre.

Point de vue des « Améliorateurs » : Efficacité d’utilisation de l’azote par le blé tendre … variabilité et progrès génétiques

L’efficacité d’utilisation de l’azote

Environ 20 % des engrais azotés utilisés pour les cultures arables sont appliqués sur le blé. Ils représentent un coût croissant pour les agriculteurs, car leur prix est lié aux combustibles fossiles nécessaires à leur fabrication et à leur application. Ils ont également un impact important sur l’environnement. Dans ce contexte, la sélection de variétés qui utilisent l’azote de manière plus efficace, à la fois pour produire un rendement en grain et une concentration en protéines élevée, devient un objectif important pour les obtenteurs.

L‘efficacité d’utilisation de l’azote (NUE) peut être définie comme le rendement en grain par unité d’azote disponible pour la culture, provenant du sol et des engrais. La NUE est souvent divisée en deux composantes principales :

  • l’efficacité d’absorption ;
  • l’efficacité de conversion, définie comme le rendement par unité d’azote absorbée par la culture.
Corrélation négative connue de longue date entre le rendement en grain et la concentration en protéines
Corrélation négative connue de longue date entre le rendement en grain et la concentration en protéines

La NUE et les protéines du grain doivent être considérées en même temps. Car la concentration et la composition des protéines sont des déterminants majeurs de la qualité du grain en panification. Il est par contre difficile d’améliorer ces deux caractères simultanément. En raison de la corrélation négative connue de longue date entre le rendement en grain et la concentration en protéines. Ainsi, si on augmente avec le progrès génétique le rendement en blé de 1t/ha, cela induit une baisse d’un point de protéines. Le Grain Protein Deviation (GPD) utilisé en sélection de blé est l’écart de la concentration de protéines, quand on considère un rendement en grains équivalent. Ce dernier se mesure en déviation par rapport à la droite de régression. Le GPD est corrélé non pas à l’azote, qui est remobilisé par la plante (environ 60 à 90% de l’azote des grains), mais à l’absorption post floraison.

Une variabilité génétique significative pour la NUE

Plusieurs études ont montré qu’il existait une variabilité génétique significative pour la NUE, ses deux principales composantes et le GPD. Ce sont tous des traits polygéniques complexes sujets à des interactions génotype × environnement fortes, notamment dépendantes du statut azoté de la plante. La plupart des études montrent un progrès génétique continu sur le rendement en blé, mais pas sur l’efficacité d’absorption de l’azote. Le progrès génétique a plutôt eu lieu sur l’efficacité de conversion et l’efficacité de remobilisation de l’azote (production de grains/quantité d’azote absorbé).

Source sur l’utilisation des ressources nutritionnelles du sol par les cultures :

« Pourquoi et comment améliorer l’efficience d’utilisation des ressources nutritionnelles du sol par les cultures. Séance Académie Française d’Agriculture du 18 janvier 2023

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