Réduire les symptômes de la jaunisse de la betterave grâce aux plantes compagnes
Découvrez comment les plantes compagnes pourraient contribuer à une gestion durable de la jaunisse de la betterave.
Depuis 2018, l’interdiction des néonicotinoïdes en traitement de semences a placé un certain nombre de filières en difficulté pour la gestion des insectes ravageurs. En 2020, la filière de la betterave sucrière a vu ses rendements chuter. Cela s’explique en partie par la jaunisse, une maladie virale dont le vecteur principal est le puceron vert du pêcher, Myzus persicae. En réponse à cette situation, le Ministère a déployé un Plan National de Recherche et d’Innovation pour identifier des solutions opérationnelles pour gérer durablement la jaunisse.
Les solutions testées
Parmi les solutions testées, l’implantation de plantes compagnes pendant les stades sensibles de la culture figurait parmi les plus prometteuses. Plusieurs essais en parcelles agriculteurs ont été mis en place au nord de la France afin d’évaluer leur intérêt. Le choix s’est ainsi porté sur trois espèces : avoine de printemps, orge de printemps et féverole de printemps. Cette expérimentation a inclus une évaluation des populations de pucerons Myzus persicae, des symptômes de jaunisse et des pertes de rendement liées à la compétition entre les plantes compagnes et les betteraves.
Résumé des résultats des essais
Les plantes compagnes permettent de réduire les populations de pucerons sur betterave, mais elles sont moins efficaces qu’un traitement aphicide. Ces essais n’ont pas démontré d’intérêt des plantes compagnes en combinaison d’un traitement aphicide. Mais cela n’exclut pas qu’elles pourraient en avoir un dans les cas où la protection aphicide ne serait pas suffisante. Par ailleurs, les trois espèces ont permis une réduction des symptômes de jaunisse. Les résultats sont toutefois très variables entre les essais. Enfin, on a observé une perte de rendement. Et elle était d’autant plus importante que la destruction des plantes compagnes était tardive. La réussite de ce levier repose donc sur une réduction du nombre de pucerons verts, des symptômes de jaunisse et une absence de concurrence avec les betteraves notamment en jouant sur la date de destruction des plantes compagnes.
Une expérimentation pour tester l’effet des plantes compagnes sur la jaunisse de la betterave
Deux objectifs
Le premier objectif de cette étude est d’évaluer l’effet de plantes compagnes sur :
- les populations de Myzus persicae
- et les symptômes de jaunisse dans la culture de betterave sucrière
L’efficacité du levier est évaluée seul et en combinaison avec une protection aphicide. Cela a permis de déterminer l’intérêt des plantes compagnes par rapport aux stratégies de protection déjà existantes et utilisées par les agriculteurs.
Le second objectif est d’identifier un itinéraire technique cultural limitant les pertes de rendement dues à la compétition. Pour cela, trois espèces de plantes compagnes sont testées : l’avoine rude (Avena strigosa), l’orge de printemps et la féverole de printemps et ce avec des dates de destruction différentes.
Un réseau de parcelles agriculteurs pour tester l’effet des plantes compagnes sur la jaunisse de la betterave
Le dispositif choisi est un dispositif en bandes de betteraves alternées avec et sans plante compagne. Par ailleurs, sur certaines parcelles, on a mis en place un dédoublement des bandes pour évaluer l’effet des plantes compagnes en combinaison avec une protection aphicide (Teppeki®). L’objectif est d’évaluer l’intérêt du levier dans une stratégie de protection classiquement utilisée par les agriculteurs. Au total, on a 54 essais mis en place et exploités en 2021 et 2022.
L’itinéraire technique des plantes compagnes testées pour réduire les symptômes de la jaunisse de la betterave
Les plantes compagnes ont été semées en plein, au moment du semis des betteraves ou deux à trois semaines avant, pour favoriser leur développement à l’arrivée des pucerons. La densité de semis visée des graminées est de 100 grains/m² en 2021 et de 75 grains/m² en 2022. La densité pour la féverole est de 20 grains/m² en 2021 et 2022. Les graminées ont été détruites à partir du stade six feuilles des betteraves. Et les légumineuses au stade huit à dix feuilles des betteraves.
Les observations réalisées dans le cadre de l’expérimentation plantes compagnes pour réduire les symptômes de la jaunisse de la betterave
Caractérisation des populations de betteraves et de plantes compagnes
Au stade deux à quatre feuilles des betteraves, on a compté le nombre de betteraves sur quatre rangs de dix mètres pour décrire la population de betteraves et noter une éventuelle hétérogénéité de levée sur l’essai. Puis, on a mesuré le nombre de plantes compagnes par mètre carré avec des quadrats. Enfin, à chaque date d’observation, on a noté le stade des betteraves et des plantes compagnes pour chaque objet (une valeur par objet). Un objet correspond au croisement de deux modalités (ex : Avoine rude X Sans protection aphicide, Sans plante compagne X Avec protection aphicide…).
Suivi des populations de pucerons
Dans chaque unité expérimentale, on a réalisé un comptage des pucerons verts (Myzus persicae), noirs (Aphis fabae), aptères et ailés sur deux rangs de cinq betteraves. Les comptages débutent à l’observation du premier puceron vert dans la parcelle, puis tous les 15 jours, et jusqu’à 15 jours après la destruction des plantes compagnes (stade 8 à 12 feuilles des betteraves selon les sites).
Suivi des symptômes de jaunisse
Avant la récolte, une échelle de notation de gravité visuelle permet de mesurer les symptômes de jaunisse. Une photographie par drone la complète en cas de difficulté :
- 0 : 0 % de la surface touchée ;
- 1 : 1 à 10% de la surface touchée ;
- 2 : environ 20 % de la surface touchée ;
- … ;
- 10 : 100 % de la surface touchée.
A chaque date d’observation, on donne une note de gravité jaunisse pour chaque objet (une valeur par objet).
Impact de la compétition sur le rendement des betteraves
Trois à quatre prélèvements de betteraves ne présentant pas de symptômes de jaunisse visibles ont été réalisés dans des zones avec et sans plante compagne pour chaque espèce de plante compagne testée sur chaque essai. Un prélèvement correspond à quatre rangs de betteraves sur 4 m. Cela a ainsi permis de mesurer la productivité (t/ha) et la richesse en sucre (%).
Les principaux résultats sur l’effet des plantes compagnes pour réduire les symptômes de la jaunisse de la betterave
Efficacité des plantes compagnes sur la dynamique des pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave
52 essais avec des suivis de pucerons verts aptères (sur les 54 essais) ont servi à l’analyse statistique.
A 14 jours après l’application, le traitement aphicide seul a une efficacité de 80,5 %. L’avoine en plante compagne sans protection aphicide permet de réduire de 45,5 % le nombre de pucerons verts aptères sur les betteraves.
La féverole et l’orge sont des plantes compagnes légèrement moins efficaces que l’avoine, avec 43,2 et 39,4 % d’efficacité respectivement.
Enfin, en associant un aphicide et l’avoine en plante compagne, le niveau de contrôle est légèrement plus fort. Cette combinaison conduit à une efficacité de 82,5 % à 14 jours.
Ainsi, dans les situations sans protection aphicide, les résultats montrent une réduction intéressante des populations de pucerons verts aptères sur betterave en présence des trois espèces de plantes compagnes. L’avoine rude semble ainsi être la plante compagne qui permet la meilleure efficacité. Il semble donc plausible que la présence des plantes compagnes puisse altérer la reconnaissance des betteraves sucrières par M. persicae par un mécanisme visuel et/ou olfactif.
En conclusion, dans les situations où la protection aphicide permet de contenir les pucerons, il n’y a pas un intérêt majeur à mettre en place des plantes compagnes. Toutefois, les plantes compagnes pourraient permettre une réduction du nombre de traitements aphicides.
Efficacité des plantes compagnes sur les symptômes de la jaunisse de la betterave
A 14 jours après l’application, le traitement aphicide seul a une efficacité de 80,5 %. L’avoine en plante compagne sans protection aphicide permet de réduire de 45,5 % le nombre de pucerons verts aptères sur les betteraves.
La féverole et l’orge sont des plantes compagnes légèrement moins efficaces que l’avoine, avec 43,2 et 39,4 % d’efficacité respectivement. Enfin, en associant un aphicide et l’avoine en plante compagne, le niveau de contrôle est légèrement plus fort.
Cette combinaison conduit à une efficacité de 82,5 % à 14 jours.
Impact de la compétition sur le rendement des betteraves
Une compétition peut s’établir entre les plantes compagnes et les betteraves sucrières. L’intitulé « graminées » regroupe l’avoine et l’orge de printemps car les résultats sont similaires pour les deux espèces. Les pertes de rendement les plus importantes observées avec des graminées, 19 % en moyenne, s’explique par une destruction plus tardive des plantes compagnes, lorsque les betteraves ont 8 feuilles ou plus.
Par ailleurs, des pertes de rendement plus faibles, d’en moyenne 3 %, sont observées pour une destruction au stade 6 feuilles des betteraves. La féverole a été détruite au stade 12 feuilles des betteraves. Cela a entrainé une perte de rendement d’en moyenne 15 %.
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Source
Audrey Fabarez, Armand Favrot, Paul Tauvel, David Makowski, Fabienne Maupas. Reducing sugar beet yellows symptoms with companion species. Innovations Agronomiques, 2023, 89, pp.28-38. ⟨10.17180/ciag-2023-vol89-art03⟩. ⟨hal-04338345⟩