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Lien entre adventices, état du milieu et pratiques

Temps de lecture : 6 minutes

Les adventices, plantes bio-indicatrices du milieu et des pratiques

Découvrez comment les communautés d’adventices peuvent être bio-indicatrices de l’état du milieu et des pratiques.

Certaines adventices sont présentes dans de nombreuses parcelles quand d’autres semblent plus spécifiques. Ces différences de répartition s’expliquent par une réponse distincte des espèces adventices au climat, au sol et aux interactions avec les plantes cultivées. Ainsi, la composition d’une communauté d’adventices et leurs densités relatives au mètre carré sont sans conteste le reflet de l’ensemble des conditions pédoclimatiques et de l’action de l’homme, ainsi que de certains processus aléatoires comme la dispersion.

Par leurs préférences écologiques très marquées, certaines adventices peuvent être à elles seules de bonnes plantes bio-indicatrices. Mais c’est seulement sur un nombre restreint de critères. Toutefois, beaucoup d’agriculteurs ne connaissent pas ces espèces car elles ne sont pas parmi les espèces ciblées par le désherbage. Par la connaissance des préférences écologiques des espèces les plus « spécialistes », il est possible de diagnostiquer des tendances de pH, de texture, d’humidité, de richesse en nutriments ou encore de tassement des sols. Il reste toutefois plus pertinent d’analyser une communauté d’adventices. Et il faut garder en tête quelques précautions comme notamment réaliser suffisamment de relevés dans le temps et l’espace. Enfin, les espèces dites « généralistes » sont indicatrices d’une agriculture rythmée par des perturbations intenses, où l’adaptation aux conditions pédoclimatiques locales n’est pas le premier facteur de réussite du développement de l’espèce adventice.

Dans tous les cas, s’intéresser aux plantes bio-indicatrices permet un regain d’intérêt pour la biodiversité végétale et sauvage. Cela offre également l’occasion de mieux connaître les liens entre flore adventice, sol et pratiques agricoles. Et c’est une étape indispensable au développement de systèmes agroécologiques.

Le concept de bio-indication des plantes

Le principe des niches écologiques

La répartition des adventices dans les territoires s’explique par une réponse distincte des espèces au climat, au sol et aux interactions avec les plantes cultivées. L’ensemble des paramètres physico-chimiques (pH, température, richesse en nutriments…) et biologiques nécessaires à la croissance et à la reproduction d’une plante caractérise sa niche écologique. Cette notion permet de définir les conditions optimales de croissance et de reproduction.

Toutefois, dans le cas des adventices, un désherbage très efficace peut faire disparaître une espèce d’un milieu qui lui est a priori adapté. A l’inverse, on peut observer une espèce dans un milieu qui lui est a priori défavorable si elle est amenée par des engins agricoles ou des lots de semences insuffisamment épurés. Ainsi, la présence/absence d’une espèce permettra difficilement de caractériser l’état du milieu de manière fiable.

Exemples de caractères indicateurs de quelques adventices

Le vulpin des champs

Le vulpin des champs est une graminée annuelle à germination hivernale . Exception faite des sols sableux, secs et trop acides, l’espèce est présente sur de nombreux types de sols. Avec une préférence pour les textures de type limono-argileuse. Les fortes densités observées depuis les années 1960 semblent davantage associées à la simplification des rotations autour de quelques cultures d’hiver et la sélection de gènes de résistance aux herbicides.

Le jonc des crapauds

Décrit comme espèce des sols tassés et hydromorphes, le jonc des crapauds se retrouve sur les parcelles agricoles à texture limoneuse (ou limoneuse sableuse) présentant une stagnation d’eau en hiver. Sa présence dans les passages de roues de tracteurs confirme ses préférences écologiques. Le jonc des crapauds est une espèce calcifuge que l’on rencontre rarement en dehors de sa niche écologique.

Le séneçon vulgaire

Le séneçon vulgaire est une des adventices les plus communes sur l’ensemble du territoire français. Sa forte production de semences (plus de 5 000 par plante) disséminées par le vent lui confère la capacité de rapidement coloniser de nouveaux milieux ouverts. L’espèce est relativement indifférente à la culture en place car elle peut germer toute l’année et réaliser son cycle biologique en moins de trois mois. Ces caractéristiques représentent également un avantage majeur pour tolérer les perturbations fréquentes et intenses (travail du sol et herbicides). Il est toutefois favorisé par les techniques culturales visant à limiter/arrêter le travail du sol. C’est le cas de nombreuses petites astéracées à petites graines (laiteron, pissenlit…).

Les communautés d’adventices, bio-indicatrices du milieu et des pratiques agricoles

De nombreux filtres agissant sur les communautés d’adventices

Un diagnostic plus fiable des caractéristiques de la parcelle nécessitera :

  • d’intégrer l’ensemble des espèces adventices présentes
  • de donner plus de poids aux espèces abondantes et/ou spécialistes.

De nombreux facteurs appelés filtres en écologie expliquent pourquoi un très faible pourcentage des 1 400 espèces adventices se retrouvent généralement ensemble dans une parcelle donnée.

Premièrement, l’espèce adventice doit être capable de coloniser la parcelle soit par dissémination soit par contamination. Puis elle devra être adaptée aux conditions pédoclimatiques (texture, pH, température, humidité…) et agronomiques (travail du sol, fertilisation, désherbage…) locales. Ces conditions lui permettront de germer, croître, fleurir et produire des semences viables. Ainsi, les communautés d’adventices ne renseignent pas uniquement sur les conditions pédoclimatiques mais aussi et surtout sur les pratiques agricoles actuelles et passées (figure 4).  

Des effets directs ou indirects des pratiques sur la communauté d’adventices

Certaines pratiques pourront agir directement sur les adventices alors que d’autres ont des effets indirects, notamment à travers une modification des conditions du milieu. Un travail sur sol pourra détruire directement les adventices en place. Mais il pourra également assécher l’horizon de surface qui deviendra alors favorable à l’expression d’autres adventices (effet indirect). La fertilisation peut stimuler la germination de certaines espèces (effet direct). Mais elle peut aussi favoriser d’autres espèces par une acidification du milieu (effet indirect).

A noter que certaines adventices sont plutôt influencées par les pratiques, alors que d’autres le sont davantage par le milieu (tableau 2).

Enfin, dans les milieux cultivés, seule une petite fraction du stock semencier (1 à 20%) s’exprime chaque année. Cela rend complexe l’étude de la flore adventice qui nécessitera de multiples relevés dans le temps. Une fois les différentes espèces nommées, les caractéristiques de la parcelle pourront être approchées à travers les caractéristiques biologiques des différentes espèces. Ces caractéristiques sont accessibles dans diverses bases de données.

Les outils disponibles pour caractériser les préférences écologiques des adventices

La classification des préférences écologiques d’Ellenberg

La classification d’Ellenberg retranscrit l’affinité des espèces à différents paramètres tels que : la lumière (L), la température (T), le pH du sol (R), la disponibilité en azote (N), l’humidité (F)… selon une échelle allant de 1 à 9.

Dans le cas des communautés adventices, ce sont les indices Ellenberg-L, Ellenberg-N et Ellenberg-F qui sont les plus régulièrement utilisés. Par exemple, l’affinité de différentes adventices vis-à-vis de la disponibilité en azote est illustrée dans le tableau 3.

Les espèces dites « nitrophiles », c’est-à-dire répondant positivement à la disponibilité en azote, présentent des valeurs comprises entre 7 et 9. Fried et al. (2007) ont ainsi mis en évidence une augmentation des espèces dites « nitrophiles » après 1950. Cela s’explique par l’intensification des pratiques de fertilisation minérale (augmentation des quantités d’engrais azotés de x10 entre 1950 et 1990) en mobilisant cet indicateur.

IndVal, un indicateur simple pour identifier les espèces indicatrices d’une culture, d’un habitat particulier ou d’un groupe de parcelles avec des pratiques similaires

L’indicateur IndVal combine deux pourcentages :

  • L’abondance relative (spécificité). Elle correspond au nombre d’individus de l’espèce vus dans les parcelles d’une culture donnée, au regard du nombre total d’individus de cette espèce vus dans les parcelles de toutes les cultures inventoriées.
  • La fréquence relative (fidélité). Elle correspond au nombre de parcelles d’une culture donnée où l’espèce est vue, rapporté au nombre total de parcelles inventoriées de cette même culture.

Ainsi, une espèce est dite « fidèle » à un milieu donné lorsque la probabilité de la retrouver dans ce même milieu est forte. Une espèce est dite « spécifique » à un milieu donné si son abondance (densité, biomasse, pourcentage de recouvrement) se concentre dans ce même milieu.

Grâce à cet indicateur, des travaux scientifiques ont montré que les espèces spécialistes du colza en 1970 ne sont plus les mêmes en 2000. Ainsi, les 9 espèces les plus fréquentes en 2000 n’appartenaient pas à la liste des 26 les plus fréquentes en 1970 (par exemple le géranium disséqué, le laiteron rude ou le chénopode blanc). Et la stellaire intermédiaire, 2ème adventice la plus fréquente en colza en 1970, n’occupe plus que la 16ème place dans les années 2000.

Le tableau 4 recense les valeurs indicatrices de 30 espèces adventices vis-à-vis de quatre cultures emblématiques. Ces valeurs sont assez connues pour des systèmes avec travail du sol. Mais elles mériteraient d’être revisitées dans des systèmes de culture où le travail du sol est réduit voire absent. Comme c’est le cas en agriculture de conservation.  

D’autres articles relatifs aux adventices sont disponibles dans la rubrique Protéger les cultures

Source :

Stéphane Cordeau, Guillaume Adeux, Bruno Chauvel, Simon Giuliano, Alain Rodriguez, et al.. Caractérisation de l’état du sol. Les adventices sont-elles (bio)indicatrices ?. TCS. Techniques Culturales Simplifiées, 2023, 122, pp.8-17. ffhal-04114763f https://anses.hal.science/hal-04114763/

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