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Métabolites spécialisés des plantes

Temps de lecture : 6 minutes

Place des métabolites spécialisés des plantes en agriculture

Les plantes produisent de nombreux métabolites dits « spécialisés » généralement regroupés en trois grandes catégories :

  • les terpénoïdes,
  • les alcaloïdes,
  • les composés phénoliques.

Certains de ces composés jouent des rôles physiologiques et écologiques majeurs tout au long du cycle de vie des plantes. Ils peuvent les protéger contre des maladies, des ravageurs et des stress abiotiques ou, au contraire, faciliter leurs interactions avec des organismes bénéfiques ou symbiotiques.

Compte tenu de ces fonctions, les métabolites spécialisés suscitent un intérêt croissant pour des applications agroécologiques allant de la protection à la nutrition des plantes, en particulier dans le contexte de changement climatique et de développement d’une agriculture plus durable utilisant moins d’intrants de synthèse. De plus, certains de ces métabolites présentent des effets positifs sur la nutrition et la santé animales et humaines, et constituent des sources de médicaments, de colorants, d’arômes ou de parfums pour l’industrie alimentaire, cosmétique ou de la santé.

Malgré leur importance, ces composés ont été caractérisés chez un nombre limité d’espèces. Leur biosynthèse, le transport ou la régulation, ainsi que les fonctions biologiques de la plupart d’entre eux restent mal connus, en particulier pour des raisons techniques (exemple : quantités faibles, structures chimiques complexes). Les progrès récents des connaissances de ces métabolites et le développement des nouvelles techniques d’amélioration des plantes permettent d’envisager de réintroduire ou d’optimiser les quantités de certains de ces composés de façon raisonnée dans les plantes cultivées. Ainsi, il doit être possible de bénéficier de leurs impacts positifs en agriculture et sur la qualité des produits végétaux pour des usages alimentaires ou industriels.

Métabolites spécialisés des plantes

Quatre grandes classes de métabolites spécialisés des plantes

Les plantes produisent un très grand nombre de métabolites spécialisés (MS). On en recense actuellement 200 000, même si on estime qu’on est plutôt de l’ordre d’un million de MS synthétisés

Les métabolites spécialisés, anciennement appelés « métabolites secondaires », sont des composés organiques de faible poids moléculaire se caractérisant par une très grande diversité dans le règne végétal. Les MS s’accumulent et ont des fonctions spécifiques dans certaines espèces ou tissus végétaux, et pas dans d’autres. Les MS des plantes sont divisés en quatre classes principales : les terpènes, les acides gras, les composés azotés et les composés phénoliques. 

Quatre grandes classes de métabolites spécialisés des plantes

Les métabolites spécialisés sont toxiques pour les plantes. Une fois fabriqués, ils sont stockés notamment dans les trichomes glandulaires. Ces derniers sont présents chez plus d’un tiers des plantes supérieures. C’est la première ligne de défense pour la plante car ils sont très sensibles au contact et explosent en libérant les MS.

De nombreuses fonctions des métabolites spécialisés des plantes

Chaque classe de métabolites comprend une grande diversité structurelle et, par conséquent, un large éventail de fonctions physiologiques et biologiques jouant un rôle clé dans l’interaction des plantes avec l’environnement

  • Protection vis à vis des stress biotiques et abiotiques. Ils ont notamment permis aux plantes de s’adapter à la vie terrestre et aux conditions d’environnement fluctuantes 
  • Capacités de signalisation pour attirer ou repousser d’autres organismes.

Les limites actuelles de l’utilisation des métabolites secondaires des plantes dans une stratégie de protection agroécologique

Les limites sont de deux ordres : 

  1. La sélection génétique a entraîné une réduction volontaire ou non de la diversité et des teneurs de MS dans les plantes cultivées. L’objectif était de limiter la toxicité, les activités anti nutritives, certaines odeurs, ou de faciliter la transformation et augmenter le rendement des produits végétaux.
  2. On connait plutôt bien les grandes voies de biosynthèse des métabolites primaires mais assez peu celles des MS. Cela s’explique par une grande diversité de MS, par leurs faibles quantités et par leur stockage dans des compartiments intracellulaires de cellules spécifiques. 
Les limites actuelles de l’utilisation des métabolites secondaires des plantes dans une stratégie de protection agroécologique

Des spécificités des métabolites spécialisés dans les graines liés majoritairement à l’environnement

Les graines ont un profil de métabolites secondaires très différent des autres stades de la plante. Par ailleurs, 70 % des calories consommées par les humains dérivent des graines. Il est donc important d’avoir un équilibre entre les métabolites bénéfiques (exemple : flavonols) et les métabolites antinutritionnels (exemple : saponins). Mais ces métabolites antinutritionnels jouent souvent un rôle important pour la plante (glucosinolates, tannins…). 

Des analyses métabolomiques ont montré que l’environnement avait un fort impact sur la diversité des MS de la graine. Par ailleurs, les MS présentent une plasticité liée à l’environnement plus élevée que les métabolites primaires. Des stress abiotiques, en particulier le stress thermique régulent les MS.  Ainsi, la production de glucosinolates augmente en cas de fortes températures à la floraison. A l’inverse, des températures plus basses vont favoriser les flavonoïdes. 

Métabolites spécialisés des plantes et insectes : vers de nouvelles stratégies de contrôle des ravageurs

Le rôle des métabolites spécialisés dans la reconnaissance des plantes

En plus d’indices physiques (forme, couleur…), les métabolites spécialisés jouent un rôle essentiel dans la reconnaissance de la plante hôte par les insectes phytophages. Ils peuvent être émis. C’est le cas des composés organiques volatils. Les COV interviennent au moment de la localisation de la plante mais également pour l’acceptation par l’insecte. Il peut aussi avoir des composés de surface qui peuvent agir sur l’acceptation. 

Recherche de métabolites spécialisés des plantes pour la gestion agroécologique de la mouche du chou

Une fois la plante hôte trouvée, la mouche du chou pond au collet des plantes et les larves creusent des galeries dans les racines et s’y développent en causant des dégâts pouvant être importants. Puis la nymphose a lieu dans le sol. Des chercheurs de l’IGEPP ont travaillé sur la recherche de COV dissuasifs. En effet, il est possible de moduler les niveaux d’infestation avec des odeurs. Grâce à un screening de composés, ils ont identifié le disulfure de diméthyle (DMDS). 

Ainsi, le DMDS diminue durablement l’infestation initiale de la culture qui, excepté pour une date, passe en dessous du seuil critique de déclenchement d’un insecticide. Toutefois, il ne réduit pas l’infestation finale des plantes.

En réalisant un second screening, ils ont identifié l’eucalyptol qui présente l’intérêt de réduire également le nombre de pupes par plante (infestation finale).

L’objectif in fine est d’intégrer ces composés dans des stratégies push pull. Il s’agit d’associer ces produits répulsifs avec l’implantation de plantes plus attractives pour la mouche du chou comme le chou chinois

Recherche de métabolites secondaires des plantes pour la gestion agroécologique de la grosse altise du colza

Le retrait de substances actives (phosmet) a entraîné une impasse technique pour la gestion de la grosse altise du colza et une chute des surfaces de colza en France. Une thèse a été menée pour trouver des composés permettant de gérer ce ravageur.  En effet, les isothiocyanates et les glucosinolates sont impliqués dans la reconnaissance de la plante hôte. Ce sont toutefois des composés attractifs ne pouvant être utilisés en biocontrôle car toxiques. D’autres COV attractifs ont été identifiés en analysant la notion de gradient de préférence chez les adultes des Brassicacées. Mais leur effet dépend de la dose sans que cet effet soit linéaire. Des travaux au champ sont en cours avec l’entreprise Agriodor. 

Pour trouver des odeurs pour manipuler le comportement des insectes, il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte : concentration, proportion des composés dans les mélanges et qui varient avec la distance de la source et le contexte odorant sur le terrain.

Vous pouvez consulter d’autres publications sur les composés volatils dans la rubrique Protéger les cultures.

Sources :

BOUALEM A., 2024. Les trichomes glandulaires, des usines à Métabolites spécialisés. Séance de l’Académie d’Agriculture de France du 24 avril 2024

CORTESERO AM., 2024. Métabolites spécialisés et manipulation comportementale des insectes : vers de nouvelles stratégies de contrôle des ravageurs ? Séance de l’Académie d’Agriculture de France du 24 avril 2024

CORSO M. , 2024. Diversité, plasticité et rôle des Métabolites spécialisés chez les graines Séance de l’Académie d’Agriculture de France du 24 avril 2024

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