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Oléoprotéagineux et autonomie protéique

Temps de lecture : 8 minutes

Les oléoprotéagineux : quelle contribution possible à l’autonomie protéique des élevages en France ?

Découvrez notre nouvelle publication sur les oléoprotéagineux et leur contribution à l’autonomie protéique dans les élevages français.

Pour nourrir ses animaux, la France peut cultiver une grande variété d’espèces riches en protéines. Mais cette production n’est pas encore suffisante pour satisfaire complètement aux besoins des filières animales. Ainsi, les surfaces cultivées d’oléoprotéagineux oscillent depuis une quarantaine d’années autour d’un plateau à 2,5 millions d’hectares. Tirée par la production d’huile alimentaire et de biodiesel, la production de tourteaux de colza s’est établie à 2,5 millions de tonnes en 2021. La même année, la production française de tourteaux de tournesol s’est élevée au total à 689 000 tonnes. Elle reste toutefois insuffisante, elle aussi, pour satisfaire la demande nationale. Enfin, la production française de tourteaux de soja est insuffisante au regard des besoins nationaux.

Malgré tout, l’utilisation de tourteaux de soja d’importation a fortement diminué ces 20 dernières années. Elle ne représente plus que 45 % des tourteaux consommé. Toutefois la part des tourteaux de colza et de tournesol a progressé pour atteindre respectivement 34 % et 18 %. Les filières ruminant ont très largement participé à cette diversification de consommation de tourteaux. Les quantités de matières premières riches en protéines produites sur le territoire restent insuffisantes par rapport aux besoins de l’alimentation animale. Toutefois, elles permettent à la France d’afficher une autonomie protéique proche de 50% (quand l’Union européenne ne dépasse pas 30%).

Le cas des ruminants sur la place des oléoprotéagineux et de l’autonomie protéique

Chez les ruminants, les vaches laitières et jeunes bovins sont les principaux consommateurs de tourteau de soja. L’utilisation de tourteau de colza représente la première solution pour remplacer le tourteau de soja en élevage bovin ainsi qu’améliorer l’autonomie protéique nationale. Mais elle n’améliore pas l’autonomie à l’échelle des élevages. Le remplacement du tourteau de soja par des graines crues de pois, féverole, lupin est possible. Mais ces graines affichent des teneurs en matières azotées totales nettement inférieures. De plus, elle se caractérisent par une forte dégradabilité de l’azote. Les procédés de toastage ou d’extrusion permettent de remédier à cette forte dégradabilité de l’azote. Des essais récents ont mis en évidence une amélioration de la valeur PDI des graines grâce à ces procédés. Cela n’a cependant pas amélioré les performances des animaux. Ce qui limite à ce jour leur intérêt pour gagner en autonomie protéique.

La place actuelle des oléoprotéagineux dans l’alimentation animale et de l’autonomie protéique

Des surfaces en oléagineux qui ne progressent pas

La France bénéficie de conditions pédoclimatiques proprices à la culture d’une grande variété d’espèces riches en protéines comme :

  • colza,
  • tournesol,
  • pois,
  • féverole,
  • lupin,
  • de façon plus restreinte le soja.

Ces cultures sous forme de graines ou de tourteaux présentent un taux de protéines de 20 à 40 %.

La production mondiale d’oléoprotéagineux est dominé par le soja. En Europe et en France, c’est le colza et dans une moindre mesure le tournesol qui domine.

La production mondiale d’oléoprotéagineux est dominé par le soja
Le soja domine la production mondiale d’oléoprotéagineux

Les surfaces françaises d’oléoprotéagineux ont atteint depuis 40 ans un plateau autour de 2,5 millions d’hectares, loin des objectifs du plan Protéines. Tout particulièrement pour les surfaces de soja, elles doivent être multipliées par 1,6 pour atteindre l’objectif en 2028.

Les surfaces françaises d’oléoprotéagineux ont atteint depuis 40 ans un plateau autour de 2,5 millions d’hectares
Les surfaces françaises d’oléoprotéagineux ont atteint depuis 40 ans un plateau autour de 2,5 millions d’hectares

Des importations nécessaires pour couvrir les besoins

La trituration est le premier débouché des graines de colza, tiré principalement par la production de biodisel. Environ 70% des tourteaux de colza sont d’origine France, le reste étant issu majoritairement du canola produit au Canada (plus riche en protéines mais OGM). La trituration se positionne également comme le premier débouché des graines de tournesol, tiré cette fois-ci par la production d’huile alimentaire. L’importation concerne principalement les tourteaux, permettant de couvrir plus de 50 % de nos besoins. La production de graines de soja couvre moins de 10 % des besoins avec des imports de 400 à 600 000 tonnes de graines (Brésil et USA) et de plus de 3 Mt de tourteaux.

Une consommation de tourteaux de colza qui augmente

On observe une réduction de l’utilisation de tourteau de soja de – 30 % sur 20 ans au profit du tourteau de colza et de tournesol. Mais le tourteau de soja représente encore 45 % des consommations.

Le tourteau de soja est d’abord consommé par les vaches laitières et les volailles de chair suivies par les porcins et les bovins viande.

Quant au tourteau de colza, il est consommé en priorité par les bovins (lait et viande) puis par les porcs et enfin les volailles de chair.

Enfin, le tourteau de tournesol est plus polyvalent : bovins lait et viande, porcs et volailles de ponte.

Consommation de tourteau par la filière animale
Consommation de tourteau par la filière animale

Une place restreinte pour les protéagineux dans l’alimentation animale

Les protéagineux (pois, féverole, lupin) constituent également une alternative intéressante et présentent la particularité d’être à la fois riches en protéines et en énergie.

Le pois a connu un très fort développement dans les années 80/90, permettant de fournir jusqu’à deux millions de tonnes de matières premières pour l’alimentation animale (essentiellement pour l’alimentation des porcs).

Surfaces de protéagineux en France
Surfaces de protéagineux en France

Les surfaces ont fortement décliné depuis les années 2000. De plus, les volumes utilisés en alimentation animale ne dépassent pas les 300 000 tonnes aujourd’hui. Cela s’explique notamment par des rendements qui ont fortement chuté depuis les années 90.

Les quantités de matières premières riches en protéines produites sur le territoire restent insuffisantes par rapport aux besoins de l’alimentation animale. Toutefois, elles permettent à la France d’afficher une autonomie protéique proche de 50% (quand l’Union européenne ne dépasse pas 30%).

Autonomie protéique à l’échelle des élevages bovins : quels aliments pour remplacer le tourteau de soja ?

En valorisant des fourrages majoritairement produits sur l’exploitation, les élevages bovins affichent des niveaux d’autonomie massique élevés (83% en bovins lait et 89% en bovins viande). Néanmoins, leur autonomie protéique est nettement plus faible (70% en bovins lait et 86% en bovins viande). En effet, le tourteau de soja représente en moyenne 2,7 à 4,6 % de la matière sèche consommée par les vaches laitières et 6% pour les JB. Trois pistes se dégagent pour améliorer l’autonomie protéique à l’échelle des élevages :

  1. produire des protéines par les fourrages,
  2. optimiser le niveau protéique de la ration
  3. produire ses concentrés.

Ne vont être abordées par la suite que les deux dernières pistes, la production par les fourrages faisant l’objet d’une prochaine note.

Ajuster les quantités de concentrés riches en protéines

La première piste est de limiter le gaspillage en trouvant un juste équilibre entre les apports et les besoins pour assurer des performances zootechniques confomres aux objectifs de l’éleveur.

Chez les vaches laitières, au dessus de 10 gPDI/UFL, l’amélioration des performances est faible au regard des apports supplémentaires. Les protéines en plus sont moins bien utilisées et l’azote excrété (urée) dans le lait augmente fortement.

Effet de l'équilibre azotée de la ration suir la production laitière et le taux protéique de vaches laitières recevant une ration à base d'ensilage de maïs
Effet de l’équilibre azotée de la ration suir la production laitière et le taux protéique de vaches laitières recevant une ration à base d’ensilage de maïs

Réduire le niveau protéique des rations permet d’économiser du concentré protéique, notamment acheté. Les performances zootechniques diminuent légèrement jusqu’à 90-95g de PDI/UFL. En deçà de 90 grammes de PDI/UFL. La baisse de performances est plus forte surtout lorsqu’elle est associée à une baisse possible de la consommation :

  • -1,7 kg de lait/vache/jour pour une réduction de l’apport de tourteau de soja de 1 kg/j/vache,
  • jusqu’à 5 kg de lait/vache/jour pour une baisse de l’apport de tourteau de soja de 2 kg/j/vache.

Améliorer l’efficience d’utilisation des protéines

L’efficience des protéines métabolisables (effPDI) est le rapport entre les protéines utilisées pour les fonctions non productives (phanères, azote urinaire endogène, azote fécale endogène) et productives (lait et viande) d’une part, et les PDI disponibles (g/j) d’autre part. Cette efficience est variable et dépend de plusieurs facteurs. En effet, contrairement à l’énergie, les vaches laitières peuvent accroître l’efficience d’utilisation des protéines lors d’apports restreints. Lorsque la concentration de la ration en PDI/kg MS augmente, l’effPDI diminue. Ainsi, pour une vache laitière, il faut seulement 45 g de PDI pour produire 1 kg de lait à 32 g/kg de taux protéique avec une effPDI de 72 % (soit une ration à 90 g de PDI/kg MS). Alors qu’il en faut 51 g avec une effPDI de 63 %.

Quantité de PDI pour produire 1 kg de lait
Quantité de PDI pour produire 1 kg de lait

Remplacer le tourteau de soja par des graines protéagineux autoproduites

Pour réduire la quantité de tourteau de soja importé, des coproduits permettant de densifier la ration en protéines (> 15 % MAT) comme le tourteau de colza ou la luzerne déshydratée, ont montré un intérêt zootechnique. De plus, ils permettent d’améliorer l’autonomie protéique à l’échelle nationale. Cependant, à l’échelle de l’exploitation, ces coproduits sont achetés à l’extérieur. Le pois, la féverole et le lupin sont les trois principales graines qui peuvent remplacer le tourteau de soja dans l’alimentation des vaches laitières et des jeunes bovins.

Le pois, la féverole et le lupin présentent une valeur énergétique équivalente aux céréales, mais des teneurs en MAT intermédiaires, entre les céréales et le tourteau de soja. La teneur en MAT du pois (233 g/kg MS) est inférieure à celle de la féverole (311 g/kg MS). Alors que celle du lupin est la plus élevée des trois graines (380 g/kg MS). Ces teneurs restent toutefois inférieures de 25 à 50 % à celles du tourteau de soja. Par ailleurs, les protéines de ces graines sont rapidement dégradées dans le rumen ce qui explique leurs faibles teneurs en PDI.

Comparaison de la composition et des valeurs alimentaires des graines protéagineuses au tourteau de soja et au blé tendre
Comparaison de la composition et des valeurs alimentaires des graines protéagineuses au tourteau de soja et au blé tendre

En brut, pour remplacer 1 kg de tourteau de soja, il faut compter :

  • 2,6 kg de pois,
  • 2,5 kg de féverole
  • ou 1,6 kg de lupin.

Dans ces conditions, le pois et la féverole peuvent être utilisés comme seuls concentrés protéiques pour des niveaux de production ne dépassant pas 25 à 28 kg de lait/jour. Alors que le seuil est porté à environ 30 kg de lait/jour avec du lupin. Cela suppose d’accepter un excès d’azote soluble (se traduisant par une balance protéique du rumen élevée). Au-delà de ces niveaux de production, il faudra associer les protéagineux à des aliments plus concentrés en PDI.

D’un point de vue zootechnique, le pois, la féverole, le lupin, et dans une moindre mesure la graine de soja, peuvent remplacer tout ou une partie du tourteau de soja de la ration. Il semble néanmoins difficile, avec des animaux à forts besoins et dans des régimes comportant plus de 65 % de maïs ensilage pour les vaches laitières, de remplacer en totalité le tourteau utilisé par des graines crues de protéagineux pour corriger le fort déficit protéique de la ration, sans pénaliser les performances.

Le toastage et l’extrusion sont des pistes séduisantes pour améliorer la teneur en protéines métabolisables des protéagineux. Malgré une amélioration de la valeur PDI des graines permise par ces process, aucune amélioration significative des performances zootechniques n’est observée dans les essais in vivo récents. De plus, il semble que l’amélioration des valeurs PDI permise par ces techniques soit contrebalancée par un déficit accru en acides aminés limitants (méthionine).

Les graines protéagineuses ne constituent donc pas une solution unique pour remplacer le tourteau de soja. Leur culture et leur introduction dans la ration des bovins doivent s’intégrer dans l’équilibre global de l’exploitation, en particulier l’assolement et les coûts associés. Enfin, l’intérêt économique pour l’éleveur de remplacer le tourteau de soja par un protéagineux reste à préciser dans le contexte actuel.

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Sources utilisée pour rédiger notre publication : les oléoprotéagineux : quelle contribution possible à l’autonomie protéique des élevages en France ?

JURQUET J. et al, 2023. Autonomie protéique des élevages bovins : quels aliments pour remplacer le tourteau de soja ? Journées de printemps AFPF https://afpf-asso.fr/archives-themes-et-actes/journees-de-printemps-2023

PEYRONNET C. et al, 2023. Les oléoprotéagineux : contribution à la souveraineté protéique. Journées de printemps AFPF https://afpf-asso.fr/archives-themes-et-actes/journees-de-printemps-2023

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