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Qualité des produits et pratiques d’élevage

Temps de lecture : 8 minutes

Impact des pratiques d’élevage sur la qualité des produits animaux

La consommation d’aliments d’origine animale par habitant est élevée en Europe. En effet, le régime alimentaire moyen en Europe contient 65-70 % de protéines animales. Ce régime est aujourd’hui questionné sur le plan de l’environnement, de la santé humaine. Et sur le plan de l’éthique, avec des préoccupations sociétales envers le bien-être des animaux (BEA). Ces questions s’adressent à un secteur où coexistent différents modèles de production/transformation. En effet, les conditions d’élevage des animaux et les procédés de transformation des aliments sont très divers. Cela a des effets majeurs sur la qualité des aliments.

La qualité d’un aliment est l’ensemble des propriétés et caractéristiques qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire les besoins d’un utilisateur, ainsi que ses effets sur la santé humaine. Elle s’analyse à travers sept dimensions : sanitaire, commerciale, organoleptique, nutritionnelle, technologique, d’usage et d’image. La qualité des aliments d’origine animale peut être construite mais aussi altérée à toutes les étapes de la ferme à l’assiette. La primauté accordée aux dimensions commerciales de la qualité, notamment pour les produits standards, peut avoir des effets collatéraux négatifs pour d’autres dimensions de la qualité. Cette priorité, qui se traduit notamment dans les critères de paiement aux éleveurs, a logiquement fortement orienté la sélection génétique et les pratiques d’élevage. Cela s’est parfois fait au détriment de critères organoleptiques et nutritionnels.

L’alimentation reste le facteur déterminant pour la qualité des aliments d’origine animale, notamment les propriétés nutritionnelles et organoleptiques. Les autres pratiques d’élevage (bâtiments, accès au plein air…) sont particulièrement importantes pour certaines dimensions, notamment l’image. Enfin, les propriété sanitaires dépendent à la fois :

  • de facteurs d’élevage (milieu de vie et alimentation)
  • de facteurs liés à la transformation (procédés de transformation et de conditionnement, formulation)
  • de facteurs liés aux pratiques de consommation (conservation et préparation culinaire).

Evolution des habitudes alimentaires et des attentes sociétales vis à vis de la qualité des produits issus d’élevage en Europe

Une consommation européenne dominée par la viande blanche

En Europe, la consommation de viandes, de produits laitiers, d’œufs et de poissons stagne ou baisse, sauf pour la viande de volaille. Elle a chuté de plus de 40 % pour les viandes bovines et ovines ces 30 dernières années. Cela s’est fait au profit de la viande de volaille, dont la consommation a augmenté de 60 % sur la même période. La viande porcine reste toutefois la principale viande consommée (35 kg équivalent carcasse/personne/an).

Une consommation française tournée vers les aliments “prêts à l’emploi” et les signes de qualité

En France, les tendances de consommation montrent deux évolutions concomitantes. La demande augmente pour les aliments « prêts à l’emploi » (plats préparés, à emporter…), mais aussi pour les aliments issus de l’agriculture biologique (AB), et au-delà pour les aliments bénéficiant d’un signe de qualité (SIQO).

L’évolution des comportements de consommation entre 2007 et 2015 montre ainsi une augmentation de :

  • 40 % de la consommation de plats préparés à base de viande et de poisson
  • 53 % des aliments contenant des « ingrédients » de viande et de poisson (pizzas, quiches, sandwichs).

Pour la viande de poulet, la part des achats de produits prêts à consommer à base de poulet (nuggets, panés…) a doublé en 20 ans. Elle représente aujourd’hui 31 % de la viande de poulet consommée. Alors que la part des achats de poulets entiers a été divisée par plus de 2 (de 52 % à 24 %). 

Les sept dimensions de la qualité des produits issus d’élevage

Les propriétés sanitaires, composante de base de la qualité des produits issus d’élevage

Les propriétés sanitaires d’un aliment sont relatives aux dangers associés à sa consommation. Elles sont des prérequis du fait du caractère périssable des aliments d’origine animale, et elles font l’objet d’une réglementation précise. Quel que soit le type d’aliment, les opérateurs qui le produisent, le transforment et le distribuent sont légalement responsables en matière de sécurité sanitaire. Il leur revient d’analyser et de maîtriser les risques en mettant en place des mesures de contrôle.

Les caractéristiques commerciales, composante de la qualité des produits issus d’élevage importante pour les éleveurs

Les caractéristiques commerciales sont à la base du paiement aux éleveurs et intéressent particulièrement les professionnels des filières animales. Elles dépendent du type de produit. Pour le lait, au-delà du volume livré, elles sont basées sur des critères sanitaires et de composition. Pour les autres produits animaux, elles reposent sur des critères de poids et d’aspect, voire d’homogénéité du lot.

Les propriétés organoleptiques, composante de la qualité des produits issus d’élevage importante pour le consommateur

Les propriétés organoleptiques correspondent aux caractéristiques perçues par les sens : la couleur, la texture (tendreté et jutosité), l’odeur et la flaveur. Elles intéressent particulièrement les consommateurs et affectent l’acte d’achat (et de réachat).

Les propriétés nutritionnelles, composante de la qualité des produits issus d’élevage importantes pour la santé

Les propriétés nutritionnelles d’un aliment sont évaluées sur la base de sa composition en nutriments (protéines, lipides, glucides, vitamines, minéraux) et de sa capacité à couvrir les besoins nutritionnels de l’homme. De même que les vitamines et minéraux, certains acides aminés constitutifs des protéines et certains acides gras (AG) de la fraction lipidique (acide linoléique (LA), acide alpha-linolénique (ALA) et acide docosahexaénoïque (DHA)) sont indispensables. En effet, le corps humain ne peut les synthétiser, ou en quantité insuffisante. C’est donc l’alimentation qui doit les apporter.

Les propriétés technologiques, composante de la qualité des produits issus d’élevage importante pour l’aval

Ces propriétés reflètent l’aptitude de la matière première à la transformation et à la conservation, en lien avec sa composition et les modalités de conservation.

Les propriétés d’usage, composante de la qualité des produits issus d’élevage importante pour le consommateur

Elles renvoient à la facilité de consommer l’aliment (économie de temps et d’efforts). Des enquêtes permettent de les apprécier.

Les propriétés d’image, composante de la qualité des produits issus d’élevage importante pour le citoyen

Les propriétés d’image recouvrent les dimensions éthiques, culturelles et environnementales associées à l’origine de l’aliment et à ses conditions de production et de transformation. Elles jouent un rôle important dans la perception du produit et les produits sous SIQO les valorisent particulièrement.

Une primauté accordée à la dimension commerciale de la qualité des produits issus d’élevage

La dimension commerciale de la qualité prime en particulier pour les produits standard. Ce sont par exemple les caractéristiques des carcasses qui dictent le prix payé aux éleveurs producteurs de viande. Cette priorité a fortement orienté la sélection génétique et les pratiques d’élevage et a accru la spécialisation des animaux. Elle a permis des gains considérables de teneur en maigre des carcasses de porc, du poids du filet chez le poulet de chair ou encore du poids de la carcasse des vaches de réforme. 

Cependant, ces dimensions « quantitatives » ne préjugent pas d’autres dimensions importantes de la qualité, telles que les dimensions organoleptiques et nutritionnelles. Ils ont même parfois été obtenus au détriment d’autres dimensions de la qualité. Par exemple, la sélection des races à viande sur le développement musculaire et l’efficacité alimentaire a conduit à une diminution du persillé, de la flaveur et de la jutosité.

Facteurs intervenant sur les différentes dimensions de la qualité des produits issus d’élevage

L’alimentation, facteur déterminant de la qualité des produits issus d’élevage

Un enjeu de teneur en AGPI n-3

L’alimentation des animaux est un facteur déterminant de la qualité des aliments d’origine animale. C’est notamment du fait de son rôle dans la teneur en lipides et la qualité des AG déposés, qui modulent les propriétés nutritionnelles et organoleptiques des aliments.

Le régime alimentaire occidental est très déficitaire en AGPI n-3, cette insuffisance contribuant à nombre de maladies chroniques. Les filières animales portent donc un intérêt particulier à cette famille d’AG. En effet, près de 60 % des AGPI n-3 dans notre alimentation sont apportés par les produits animaux. Le lien entre les AG ingérés et ceux qui sont déposés dans les tissus est particulièrement fort pour les monogastriques, moins pour les ruminants en raison des transformations de certains AG dans le rumen. Les AG sécrétés dans le lait sont également modulés par la synthèse de novo mammaire. 

La viande bovine produite à l’herbe deux fois plus riche en AGPI n-3

L’herbe verte est riche en AGPI n-3 et en antioxydants. Elle permet d’obtenir naturellement des produits plus riches en AGPI n-3 et en antioxydants. La viande bovine produite à l’herbe présente ainsi des teneurs environ deux fois plus élevés en AGPI n-3, des teneurs réduites (-21 %) en acide palmitique (proathérogène) et des teneurs plus élevées en CLA que la viande issue d’animaux nourris avec des régimes riches en concentrés. La finition en bâtiments diminue toutefois ces bénéfices et peut même les éliminer complètement.

Des apports possibles de co-produits riches en AGPI-3

La teneur en AGPI n-3 des produits peut également être augmentée par l’apport alimentaire d’ingrédients riches en AGPI n-3. C’est par exemple les graines de lin (pour les ruminants et les monogastriques). Cependant, comme cet ajout peut avoir des effets négatifs sur les propriétés organoleptiques (rancissement) et d’usage (durée de conservation), il doit être limité et associé à des antioxydants.

L’utilisation de coproduits végétaux riches en composés bioactifs (vitamines, AG insaturés, composés phénoliques, tannins et flavonoïdes) peut présenter un intérêt pour la qualité de la viande et des produits carnés. Ils permettent également de réduire les émissions de méthane entérique et d’azote. Mais il existe encore peu de documentation sur le sujet.

Les autres pratiques d’élevage impactant la qualité des produits issus d’élevage

Les pratiques d’élevage sont particulièrement importantes pour certaines dimensions de la qualité, notamment l’image. Les travaux montrent, qu’en moyenne, les consommateurs ont une attitude positive à l’égard des systèmes d’élevage plus respectueux du BEA, avec un accès des animaux à l’extérieur et un espace suffisant. Et qu’ils sont prêts à payer un prix plus élevé pour les produits issus de ces systèmes. 

Les pratiques d’élevage influencent également les propriétés sanitaires. Les élevages en bâtiments où la densité est élevée sont plus exposés aux maladies contagieuses, à la pollution ambiante et aux contaminants chimiques éventuellement présents dans les rations. Les élevages avec accès au plein air sont plus exposés aux parasites et aux contaminants environnementaux.

Les phases post-élevage à risque pour la qualité des produits issus d’élevage

Les phases de pré-abattage et d’abattage

Ces phases sont à risque pour la qualité des viandes. Des conditions inadéquates de chargement, de transport et/ou d’abattage génèrent un stress qui peut compromettre les dimensions organoleptiques (tendreté, couleur) et technologiques (rendement à la cuisson) du produit.

Le BEA, en particulier pendant le transport et à l’abattoir, influence aussi la qualité d’image. 

Les procédés de transformation

L’industrialisation des procédés de transformation a entraîné une standardisation de la matière première fournie à l’industrie. En effet, l’ajout d’additifs permet de moduler certaines dimensions de la qualité :

  • renforcer le goût (exhausteurs de goût comme le sel et le sucre),
  • rectifier les défauts (arômes) ou allonger
  • sécuriser la conservation (ex : sels nitrités).

L’engagement dans des signes de qualité pour une meilleure prise en compte des différentes dimensions de la qualité des produits issus d’élevage

Une prise en compte des dimensions de la qualité des produits issus d’élevage variable selon les signes de qualité

Les cinq SIQO en Europe sont :

  • AB (Agriculture Biologique),
  • AOP (Appellation d’Origine Protégée),
  • IGP (Indication Géographique Protégée),
  • STG (Spécialité Traditionnelle Garantie), reconnu en Europe,
  • et le LR (Label Rouge), qui est une spécificité française.

Des cahiers des charges indiquant leurs engagements encadrent les SIQO. Ils sont régulièrement contrôlés.

Les dimensions d’image sont partagées par tous, les SIQO conférant aux produits certifiés crédibilité et fiabilité. Bien que toutes les dimensions de la qualité soient au final concernées, chaque SIQO développe cependant des liens privilégiés avec certaines. L’AB s’engage surtout sur les dimensions sanitaires en promouvant des « procédés qui ne nuisent pas à l’environnement et à la santé humaine ». Les AOP, IGP, STG mettent en avant des dimensions organoleptiques liées à la typicité et à la spécificité des produits, ainsi qu’à leur origine géographique (à différents degrés). Le LR est associé dans sa définition règlementaire à « un niveau de qualité supérieure ».

Impact du cahier des charges de l’AB sur la qualité des produits issus d’élevage

Pour les produits issus de l’AB, on constate une grande hétérogénéité dans les résultats des études comparant la qualité des produits issus de l’AB versus de l’agriculture conventionnelle. C’est liée à la grande variabilité des pratiques d’élevage, à la fois en AB et en agriculture conventionnelle. Deux méta-analyses, l’une sur le lait de vache, l’autre sur les viandes, montrent que les produits AB présentent des propriétés nutritionnelles supérieures (teneur supérieure en AGPI, notamment en AGPI n-3), résultat lié aux différences dans l’alimentation des animaux.

L’AB réduit également les risques de résidus de médicaments, de pesticides et d’antibiorésistance. Toutefois, l’accès au plein air et la durée d’élevage généralement plus longue augmentent l’exposition des animaux aux contaminants environnementaux et donc le risque de leur bioaccumulation dans les produits. Enfin, les produits AB présentent généralement une qualité plus variable. Cela peut s’expliquer par une moindre sélection génétique (volailles), une moindre utilisation d’intrants et/ou une plus grande variabilité des conditions d’élevage (ruminants et monogastriques).

N’hésitez pas à consulter nos autres publications sur les enjeux de l’élevage ici.

Source

PRACHE, S., ADAMIEC, C., ASTRUC, T., BAÉZA, E., BOUILLOT, P.-E., CLINQUART, A., … SANTÉ-LHOUTELLIER, V. (2023). La qualité des aliments d’origine animale : enseignements d’une expertise scientifique collective. INRAE Productions Animales, 36(1), 17 p. https://doi.org/10.20870/productions-animales.2023.36.1.7480

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