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Diversification des systèmes de culture et agroécologie

Temps de lecture : 5 minutes

La diversification des systèmes de culture, élément clé de la transition agroécologique

Découvrez comment la diversification des systèmes de culture est un processus dynamique clé de la transition agroécologique.

Depuis les années 60, en parallèle de la forte diminution du nombre d’exploitations agricoles, l’agriculture française s’est peu à peu spécialisée en termes d’ateliers de production et d’espèces cultivées. L’objectif était d’accroître l’efficacité économique des systèmes de production. Cette phase de modernisation a permis d’atteindre les objectifs de production assignés à l’agriculture à l’époque. Mais elle a aussi engendré des impacts négatifs sur les écosystèmes. Une transition de l’agriculture vers des systèmes reposant davantage sur les services écosystémiques est une voie majeure pour relever les défis de l’équilibre entre production et préservation de l’environnement.

Dans ce contexte, la diversification des cultures permet d’accroître la biodiversité au sein des champs. Elle fournit de nombreux services écosystémiques. Et elle contribue à boucler les cycles des nutriments, tout en permettant de remplacer les intrants chimiques. Cependant, malgré ces bénéfices et les objectifs politiques affichés, la spécialisation est toujours à l’œuvre. La raison en est l’existence de nombreux freins interconnectés, non seulement techniques mais aussi organisationnels et institutionnels. Ces freins résultent de l’alignement et de la grande cohérence du régime sociotechnique mis en place pendant la phase de modernisation. Or, la transition agroécologique ne peut être menée avec les « règles du jeu » actuels. Ce « verrouillage » doit donc être surmonté par une transformation profonde du système sociotechnique qui gouverne l’agriculture actuelle.

La diversification nécessite une gestion fine de l’agencement des espèces dans le temps et dans l’espace et des pratiques associées pour maximiser les bénéfices et réduire les risques. Cette complexité pourrait être assouplie par des innovations à d’autres échelles : plus grand investissement en recherche, sélection sur les espèces mineures, rajout de valeur ajoutée par le développement de nouveaux marchés, innovations de machinisme… Enfin, le caractère dynamique de la diversification questionne aussi la façon de conseiller, d’accompagner, d’expérimenter et d’évaluer dans le cas de systèmes nécessitant des constantes évolutions.

Pas une mais des diversifications de systèmes de culture possibles

Principaux risques des systèmes de culture simplifiés

En agriculture conventionnelle, si la simplification des systèmes de culture a permis une augmentation des rendements des cultures, elle a également engendré une forte dépendance aux intrants de synthèse dont le coût et la disponibilité pose parfois question. Ces systèmes sont également plus sensibles aux évènements extrêmes, comme les sécheresses, qui sont de plus de plus fréquents. Enfin, les impacts environnementaux associés à l’usage important des intrants posent également question.

C’est également le cas en agriculture biologique dont les systèmes de culture sont plus diversifiés mais qui tendent également à se (re)simplifier. Cela entraîne une fragilité de ces systèmes en termes de niveau et de stabilité de rendement mais également de sensibilité aux facteurs biotiques comme les adventices.

Diversification de systèmes de culture, une dimension spatiale et temporelle

La diversification n’est pas un résultat à atteindre mais bien un moyen à mobiliser pour répondre à différents enjeux. Elle peut s’opérer dans le temps et dans l’espace. La diversification temporelle concerne l’insertion de nouvelles cultures dans une succession (en cultures principales ou en cultures intermédiaires), avec éventuellement plusieurs cultures se succédant la même année. La diversification spatiale concerne l’accroissement du nombre d’espèces cultivées en même temps sur la même parcelle (cultures associées en rang, en bandes …). Chacune de ses dimensions comprend elle-même une diversité de pratiques.

Diversification des systèmes de culture, un processus dynamique

La diversification n’est pas un état à viser, tel qu’un nombre d’espèces dans le système. C’est un processus dynamique nécessitant des adaptations successives tenant compte des aléas biotiques et abiotiques (auxquels les pratiques de diversification sont parfois très sensibles), d’un apprentissage progressif sur des nouvelles pratiques et d’un contexte lui-même évolutif (changement climatique, réglementation, prix…).

Performances et facteurs de réussite de la diversification des systèmes de culture

Projet européen DiverIMPACTS sur la diversification des systèmes de culture

Le projet européen H2020 DiverIMPACTS (2017-2022) visait à promouvoir et accompagner la diversification en Europe. Quatre objectifs scientifiques et technologiques ont été définis :

1) Identifier les freins et les leviers à la diversification à différentes échelles (parcelle, exploitations agricoles, filière, territoire)

2) Développer des innovations techniques et organisationnelles pour stimuler la diversification et les apprentissages

3) Démontrer les bénéfices de la diversification aux différentes échelles

4) Développer des stratégies sur le long terme, des méthodes et des outils pour soutenir la diversification. DiverIMPACTS s’est organisé autour de 25 cas d’étude répartis en Europe et de 10 expérimentations au champ. Il a notamment permis de développer des outils et des méthodes pour organiser et accompagner le changement. Mais également pour favoriser l’innovation pour lever les différents freins à la diversification.

Des réponses à la diversification des systèmes de culture très variables

La diversification n’aboutit pas toujours à des résultats positifs sur toutes les dimensions de la durabilité (cf figure ci-dessous). Les points représentent les systèmes de culture diversifiés étudiés dans DIVERIMPACT. La ligne rouge correspond aux systèmes simplifiés. Quand le point est à gauche, c’est que le système diversifié a une valeur plus faible que le système simplifié.

Tout d’abord, on note une diversité de réponses à la diversification en fonction notamment du point de départ, des stratégies mobilisées et du système de production (conventionnel, biologique). Dans un très grand nombre de situations, la diversification permet de réduire les intrants azotés, l’énergie fossile utilisée et les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que l’usage des pesticides (60% des systèmes). En revanche, seules 1/3 des séquences obtiennent une augmentation de rendement. Les gains de rendements via la diversification sont les plus élevés en agriculture biologique. D’autres séquences ont des rendements réduits, en particulier dans des systèmes conventionnels partant de systèmes simplifiés composés d’espèces dominantes très productives.

Six facteurs clés de réussite de la diversification de systèmes de culture

Malgré la diversité des situations, on peut observer que, quel que soit le point de départ et le système de production, on a des situations gagnantes sur plusieurs dimensions. L’analyse dans DiverIMPACTS a permis de dégager des ingrédients de réussite :

1. Maintenir une proportion suffisante de cultures dominantes dans le système diversifié pour sécuriser un certain niveau de production. Mais, il faut adapter l’itinéraire technique de ces cultures dominantes aux autres changements mis en place dans le système de culture notamment en prenant en compte les effets précédents pour réduire l’usage des intrants.

2. Ajouter des espèces mineures pour augmenter la diversité spécifique dans la séquence. Cela permet de produire davantage de services (légumineuses pour la fourniture d’N, espèces nettoyantes …) et réduire ainsi l’usage des intrants.

3. Privilégier des espèces et des pratiques « plastiques », qui ne sont pas trop dépendantes des aléas abiotiques et biotiques et contribuent ainsi à renforcer la résilience des systèmes.

4. Utiliser des stratégies agronomiques compensatrices (plusieurs cultures la même année, cultures associées) pour augmenter et sécuriser les rendements (à l’année et à l’hectare) tout en fournissant des services écosystémiques (régulation des adventices, maladies, ravageurs).

5. Avoir toujours une approche systémique combinant une diversité de leviers pour atteindre les services attendus et faire face à différents risques.

6. Gérer de façon adaptive les systèmes pour tenir compte des aléas, de l’apprentissage progressif sur de nouvelles espèces et pratiques et de l’évolution du contexte (climatique, réglementaire, marché…).

Si vous êtes intéressés par le sujet de la diversification, vous pouvez consulter notre article sur l’impact de la diversification sur la protection des cultures.

Source

CORRE HELLOU Guénaëlle, 2023. Synthèse des résultats expérimentaux et ingrédients pour un pilotage dynamique de la diversification au service de systèmes durables. Séance de l’Académie d’Agriculture de France du 29 novembre 2023 « Diversification des systèmes de culture : comment la piloter sur le terrain et l’accompagner au plan institutionnel ? » https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/diversification-des-systemes-de-culture-comment-la-piloter-sur?291123

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