Atouts et limites des algues marines pour des bio-solutions en productions végétales et animales
Découvrez quels sont les intérêts et limites attendus de l’utilisation des algues comme bio-solutions pour les plantes et les animaux.
Date de publication : 28 février 2024
Les bio-solutions contribuent à la transition agroécologique des exploitations agricoles. En effet, elles cherchent à répondre aux attentes sociétales en conjuguant performance agronomique, rentabilité économique et préservation de l’environnement. L’utilisation des macro-algues pour l’alimentation des animaux de ferme et la fumure des parcelles agricoles complémentairement à l’épandage de fumiers se pratique depuis des siècles dans les zones littorales tant en France qu’à l’étranger. Actuellement, si cette pratique est devenue marginale, des extraits algaux transformés industriellement sont de plus en plus utilisés par des agriculteurs.
Les solutions algosourcées pour les sols et pour les plantes agissent à différents niveaux :
- pour stimuler l’activité biologique du sol,
- pour un enracinement et une mycorhization accrus,
- pour stimuler la photosynthèse,
- pour stimuler les voies de signalisation hormonales de la plante
- pour accroitre l’acquisition des minéraux.
En élevage, l’étude des algues se fait notamment pour leur potentielle action inhibitrice de la méthanogenèse. Car elles renferment des quantités non négligeables de composés halogénés inhibiteurs forts et spécifiques de la méthanogenèse.
L’utilisation des algues comme bio-solutions présente de nombreux intérêts. Elles sont une biomasse renouvelable utilisant peu d’eau douce et de terres arables. Leur usage comme biostimulants peut permettre une fertilisation raisonnée et décarbonée. Enfin, elles peuvent être intégrées dans une économie plus circulaire de l’algue déjà utilisée dans d’autres secteurs. Toutefois, tout en étant renouvelables, les biomasses d’algues restent limitées sur le marché mondial. Par ailleurs, les procédés d’extraction doivent encore progresser vers des procédés plus verts. Enfin, il est encore nécessaire d’améliorer l’efficacité et la compréhension des modes d’applications et/ou modes d’action des produits algosourcés.
Place des algues dans les bio-solutions
Les bio-solutions en productions végétales et animales
En productions végétales, les bio-solutions englobent le cycle végétatif complet en utilisant des synergies entre les technologies afin de :
- réduire l’utilisation des intrants agrochimiques de synthèse comme les engrais et les pesticides,
- limiter les besoins hydriques ;
- contribuer ainsi à la décarbonation de l’agriculture.
Les biofertilisants sont des produits biologiques qui contiennent de microorganismes vivants qui, lorsqu’ils sont appliqués aux semences, aux végétaux ou au sol améliorent la croissance et le développement par différents mécanismes tels que :
- l’augmentation de l’apport de nutriments ;
- l’augmentation de la biomasse ou de la surface racinaire ;
- l’augmentation de la capacité d’absorption de nutriments par la plante.
Les biostimulants sont des produits qui stimulent les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’ils contiennent, dans le seul but d’améliorer une ou plusieurs des caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère :
- l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs ;
- la tolérance au stress abiotique ;
- les caractéristiques qualitatives ;
- la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère. (Règlement UE 2019/1009 du 5 juin 2019).
Les produits de biocontrôle protègent les plantes contre les stress biotiques. Ils regroupent l’ensemble produits phytopharmaceutiques qui sont composés de micro-organismes, de médiateurs chimiques tels que les phéromones et les kairomones, ou de substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. (Article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime).
En productions animales, les alternatives aux antibiotiques, la couverture des besoins essentiels en microéléments, et les enjeux de réduction de production de méthane par les ruminants font également appel à des bio-solutions.
Les bio-solutions, débouché prometteur des algues d’ici à 2030
Aujourd’hui le nombre d’acteurs industriels et commerciaux qui proposent des bio-solutions à base d’algues pour l’agriculture et l’élevage s’est fortement développé et structuré. L’espèce majoritairement présente dans la formulation des produits biostimulants distribués en France pour les productions végétales est Ascophyllum nodosum. En effet, c’est l’algue dont la biomasse accessible à la collecte est la plus importante dans l’Atlantique Nord.
Pour les animaux d’élevage et de compagnie, les algues marines sont principalement employées en tant qu’additifs pour la production d’aliments.
La Banque Mondiale a édité en 2023 un rapport sur les marchés nouveaux et émergents concernant les algues marines. Ce document rapporte que les marchés à court terme les plus prometteurs pour les algues marines sont les biostimulants, l’alimentation des animaux d’élevage et des animaux de compagnie et les additifs réduisant la production de méthane. Ils devraient atteindre 4,4 milliards d’USD d’ici à 2030.
La réalisation de ces potentialités sera soumise à différents défis parmi lesquels le besoin de résultats de recherches probants, la diffusion de recommandations d’utilisation robustes ainsi que la disponibilité de ressources algales à la hauteur des besoins tant au plan quantitatif que qualitatif, à des prix adaptés aux marchés identifiés.
Exemples de travaux sur les effets des algues comme bio-solutions en productions végétales et animales
Des modes d’action multiples des algues utilisées comme bio-solutions en productions végétales
Des travaux ont été menés par l’unité INRAE EVA sur l’effet d’extraits d’algues chez le colza. Dans un premier temps, ils ont screené l’effet biostimulant de cinq extraits issus de deux types d’algues : Fucus serratus (AZAL 1, 2, 3) et Ascophyllum nodosum (AZAL 4 et 5). Cela a mis en évidence des effets très différents selon les extraits.
Ainsi, seul AZAL 5 a eu un effet bénéfique sur l’ensemble des paramètres. Ils ont ensuite étudié les processus affectés par AZAL 5 pour en comprendre les modes d’actions.
Effet sur la photosynthèse
Les feuilles de colza traitées avec AZAL 5 ont des teneurs en chlorophylle significativement supérieur aux plantes témoins après 15 et 25 jours. Et le nombre de chloroplastes est significativement supérieur dès le premier jour et avec un effet durable.
Effet sur la nutrition
Après 30 jours, les quantités cumulées d’azote total dans les parties aériennes et les racines ont augmenté respectivement de 21 et 115 %. Toutefois, la quantité N totale dans la plante entière augmente proportionnellement à la biomasse. Cela signifie qu’il n’y a pas d’augmentation du stockage d’azote en réponse à AZAL 5. On obtient les mêmes types de résultats pour le calcium, le phosphore, le potassium et le bore.
Pour le soufre, on observe une absorption supérieure à la production de biomasse. Cela signifie que AZAL 5 augmente également le stockage de soufre vasculaire dans la plante. C’est également le cas pour le cuivre, le magnésium, le manganèse et le sodium.
Enfin, la quantité de Fe et Zn n’augmente pas au niveau de la plante entière mais la teneur racinaire diminue au profit de la teneur foliaire. AZAL 5 provoque donc une meilleure translocation des racines vers les feuilles.
A noter qu’on observe le même type de réponse avec de la silice et que les algues étant riches en silice, cela pourrait expliquer les bénéfices observés par les extraits d’algues.
Une réduction des émissions de méthane grâce aux algues utilisées comme bio-solutions en élevage
Les ruminants contribuent à hauteur de 30 % des émissions de méthane liées à l’activité humaine. La production de méthane entérique est liée à l’activité microbienne dans le rumen. Cet écosystème est parfaitement adapté à la dégradation et la fermentation des polymères végétaux non assimilables par l’être humain. Cependant cette activité microbienne résulte dans la production d’hydrogène métabolique qui est très vite capté par les archaea méthanogènes et incorporé dans du méthane.
Des travaux de l’INRAE ont montré que les algues rouges peuvent réduire la production de méthane chez les ruminants, grâce aux composés halogénés qu’elles contiennent et un effet direct sur les archaea méthanogènes. Toutefois, elles entraînent également une baisse de la production d‘acides gras volatils, source d’énergie pour l’animal. La supplémentation en algues a également des effets négatifs sur l’ingestion (notamment par manque d’appétence due à l’odeur) et in fine sur la production laitière.
Intérêts et limites des algues comme bio-solutions
Une biomasse d’algues renouvelable mais qui reste limitée au niveau mondial
Les extraits d’algues marines proviennent d’une biomasse renouvelable dont la récolte ou la culture émettent moins de GES, consomment peu d’eau douce et de terres arables par rapport à d’autres sources d’intrants d’origine terrestre. Toutefois, tout en étant renouvelables, les biomasses d’algues restent limitées sur le marché mondial.
Une production de bio-solutions algosourcées qui peut s’inscrire dans une économie circulaire
Les extraits d’algues marines utilisables en agriculture peuvent s’intégrer dans une économie plus circulaire de l’algue pour apporter un débouché complémentaire aux applications actuelles comme l’industrie des colloïdes et les bioraffineries. Toutefois, les procédés d’extraction d’algues doivent encore progresser vers des procédés plus verts et à des coûts plus compétitifs.
Une place à prendre dans une stratégie de fertilisation moins dépendante des engrais chimiques et plus décarbonée
L’utilisation d’extraits d’algues comme biostimulant peut être une opportunité pour réduire l’utilisation d’engrais de synthèse dont la fabrication est très gourmande en énergie et fortement émettrice en GES. Il est cependant nécessaire d’améliorer la compréhension des modes d’application et/ou des modes d’actions ainsi que leur efficacité. Les approches « omiques » devraient permettre de mieux déchiffrer les voies métaboliques ou les cascades de signalisation hormonale impliquées et les modifications des microbiotes de la plante, du sol ou des animaux d’élevage induites par ces extraits d’algues.
Si vous êtes intéressés par d’autres publications sur le sujet, n’hésitez pas à consulter notre rubrique Réduction des intrants en cultures et en élevage.
Sources
DARIDON B., 2023. Solutions algosourcées pour l’Agriculture. Séance de l’Académie d’Agriculture de France « Atouts et limites des algues marines pour des bio-solutions en productions végétales et animales » du 24 janvier 2023.
ETIENNE Philippe., 2023. Utilisation des algues marines comme biostimulants : des effets bénéfiques avérés mais des mécanismes d’action compliqués. Séance de l’Académie d’Agriculture de France « Atouts et limites des algues marines pour des bio-solutions en productions végétales et animales » du 24 janvier 2023.
Les algues comme levier pour réduire la production de méthane en élevage. Séance de l’Académie d’Agriculture de France « Atouts et limites des algues marines pour des bio-solutions en productions végétales et animales »