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Changement climatique et mycotoxines

Temps de lecture : 6 minutes

Impact du changement climatique sur le risque mycotoxines

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires des champignons qui offrent un large spectre d’effets toxiques. Elles sont produites par des moisissures appartenant notamment aux genres Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Ces toxines sont les contaminants naturels les plus présents dans notre alimentation. Elles se retrouvent dans de nombreuses denrées d’origine végétale. En particulier dans les céréales mais aussi les fruits, les noix, les amandes, les grains, les fourrages, ainsi que dans les aliments composés et manufacturés issus de ces filières. 

Le climat et son impact sur la température, l’hygrométrie et la pluviométrie, notamment pendant les cycles de culture, représentent le facteur agroécosystémique le plus important pour expliquer le risque de colonisation de la plante et la production de toxines. Il existe en parallèle, des facteurs agronomiques susceptibles de modifier, d’atténuer ou d’amplifier l’effet d’un changement de climat. La capacité des moisissures mycotoxinogènes à répondre au changement climatique peut induire une modification de leur distribution géographique, du schéma d’apparition des mycotoxines et des mélanges présents. Ces changements peuvent avoir des conséquences significatives sur la santé humaine et animale qu’il est important de mieux comprendre. Enfin, ce changement climatique interagit avec l’évolution des pratiques culturales nécessaires pour s’adapter aux contraintes réglementaires, climatiques et sanitaires.

Changement climatique et mycotoxines : caractéristiques et risques mycotoxines

Caractéristiques des mycotoxines

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires sécrétés par des champignons. Ces champignons appartiennent principalement aux genres Aspergillus, Penicillium et Fusarium. La présence de mycotoxines dans les aliments destinés à la consommation humaine ou animale est potentiellement dangereuse. Notamment en raison de leurs effets toxiques (cancérigène, perturbateur endocrinien et de leur bonne stabilité thermique (résistant à la cuisson).

Un même champignon peut produire différentes mycotoxines. Mais différents champignons peuvent produire la même mycotoxine. Par ailleurs, le champignon peut être présent sans produire de mycotoxine. Et le champignon peut disparaître mais la mycotoxine reste.  Par ailleurs, la production de mycotoxines ne se fait que sous certaines conditions de température et d’humidité. 

Evaluation du risque mycotoxines

Le risque est la probabilité d’être exposé au danger. Pour caractériser le danger, on établit la dose journalière tolérable (DJT). Quand la mycotoxine est considérée comme cancérigène, on parle de marge d’exposition (MOE).

Changement climatique et mycotoxines : situation actuelle et évolutions prévisibles

Un risque mycotoxine dans la majorité des cas lié aux conditions climatiques

Le climat – température, eau disponible, lumière et fluctuations des cycles humides/secs – représente le facteur agroécosystémique le plus important qui influence les étapes du cycle de vie des champignons, leur capacité à coloniser les cultures, et la production de mycotoxines. D’après des travaux d’Arvalis, les risques DON pour le blé et DON pour maïs sont liés respectivement à 55 % et à 85 % au climat. Pour les fumonisines, c’est de l’ordre de 74 % et pour les aflatoxines, de l’ordre de 68 %. A l’inverse, pour l’ergot du blé, le climat joue un rôle minoritaire (1%). En effet, le problème de l’ergot est d’abord une question d’agronomie (qualité des semences et la gestion des adventices).

Un impact du climat des 20 dernières années variable selon les mycotoxines

En France, la température moyenne rencontrée sur l’ensemble du cycle du maïs a un impact significatif sur l’augmentation du dénombrement d’Aspergillus Flavi retrouvé dans les grains. Des travaux récents conduits par ARVALIS et non publiés démontrent une augmentation du risque fumonisine sur maïs. A l’inverse, les prévisions météorologiques basées sur les scénarios du GIEC corroborent les observations enregistrées ces 20 dernières années quant à une limitation possible du risque déoxynivalénol sur maïs comme sur blé.

Des changements de répartition géographique des mycotoxines liées au changement climatique

Dans l’hypothèse de poursuite du réchauffement climatique selon le scénario RCP4.5 ou RCP8.5, l’augmentation des températures à venir, entraînera une augmentation des risques aflatoxines et fumonisines sur maïs. Et une diminution du risque déoxynivalenol sur blé et maïs avec des variabilités annuelles et territoriales. Toutefois, dans ce contexte de changement climatique, la variabilité naturelle du climat perdure. Cela peut annuellement sur certains territoires permettre une installation significative d’un ou plusieurs de ces pathogènes en culture, induisant la présence des mycotoxines associées. 

La capacité des moisissures mycotoxinogènes à répondre au changement climatique peut induire une modification de leur distribution géographique. Ainsi, l’Europe a longtemps été considérée comme indemne d’aflatoxine notamment en raison de son climat tempéré. La gestion du risque reposait sur l’application de contrôles stricts des produits importés en provenance des zones à risque. Cependant, depuis quelques années, des alertes signalent la contamination de productions par les aflatoxines en Roumanie, Italie, Espagne, Portugal, Grèce…

Changement climatique, mycotoxines et changement de pratiques

Facteurs agronomiques augmentant le risque mycotoxines

Les principaux facteurs agronomiques qui augmentent le risque mycotoxines sont : 

  • La rotation des cultures. La succession maïs/ blé est un facteur de risque pour le déoxynivalenol. La succession culture d’hiver/blé et autres céréales à paille est un facteur de risque pour les alcaloïdes de l’ergot. 
  • Les dates de semis et de récolte. En effet, le risque pour les fumonisines, deoxynivalenol et les aflatoxines sur maïs est amplifiée avec des dates retardées. 
  • Les densités de semis. En effet, si elles sont trop élevées par rapport à l’eau disponible, le risque pour les fumonisines et les aflatoxines sur maïs est augmenté.
  • Le non travail du sol et principalement l’absence de labour, facteur de risque pour le déoxynivalenol sur maïs et sur blé et les alcaloïdes de l’ergot sur blé et autres céréales à paille. 
  • L’absence de gestion de certains insectes ravageurs, facteur de risque pour les fumonisines, le déoxynivalenol, les aflatoxines sur maïs et parfois les alcaloïdes de l’ergot sur blé. Sur maïs, les sésamies et les pyrales causent des dommages sur épi qui augmentent le risque mycotoxines. Du fait du climat plus chaud en été, on observe une progression de la sésamie vers le nord. On observe également une 2ème génération de pyrale plus fréquente au nord de la Loire
  • Une moindre gestion suffisante des graminées adventices, facteur de risque pour les alcaloïdes de l’ergot sur blé et autres céréales à paille. Cela s’explique par une forte régression de l’efficacité des principales substances actives herbicides et par l’apparition de populations de RG et de vulpin résistantes. 
  • Une fertilisation déséquilibrée et surtout le non recours à l’irrigation sous condition de stress hydrique, facteurs de risque pour les fumonisines et les aflatoxines sur maïs. Ainsi, dans les sols à faible réserve en eau et dans les régions à la pluviométrie incertaine en période estivale et sans irrigation, on observe une remise en cause de la diversification des cultures avec une tendance à implanter davantage de culture d’hiver avec un risque d’ergot du seigle majoré. 
  • Le choix de génétiques les plus sensibles à ces champignons toxinogènes, facteur de risque générique. 

Des évolutions de pratiques impactant d’ors et déjà le risque mycotoxines

Ces pratiques subissent déjà des modifications permanentes. C’est notamment le cas du labour qui a fortement régressé depuis le début des années 2000 sur cultures d’hiver. Avec comme objectif de préserver les sols et économiser du carburant. Il existe aussi les variétés de blé et de maïs actuellement cultivées, sélectionnées moins sensibles aux fusarioses. 

La gestion directe de ces champignons avec un fongicide reste peu performante. Il faut donc faire appel en priorité au choix judicieux de ces pratiques pour limiter l’impact du changement climatique lorsqu’il est défavorable ou accentuer son effet dans le cas contraire. Dans tous les cas, l’objectif est bien d’assurer le respect des seuils imposés pour l’ensemble de ces contaminants. Ces seuils sont désormais tous réglementés dans l’alimentation humaine sur le territoire de l’UE.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter nos autres publications liées au changement climatique.

Source :

AAF, 2024. Changement climatique et mycotoxines. Séance de l’Académie d’Agriculture de France du 27 mars 2024.

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