Effets du non labour sur la qualité et les services écosystémiques des sols en systèmes Agriculture Biologique
Se passer de labour en agriculture biologique (AB) reste un grand défi pour les agriculteurs bio. Le projet SUSTAIN avait pour objectif d’évaluer, en systèmes AB, les effets de la réduction du travail du sol sur la qualité et les services rendus par les sols. Pour cela, il s’est appuyé sur l’analyse de données collectées durant 15 ans sur la station de Kerguéhennec en Bretagne.
Il en ressort que le travail réduit du sol améliore les services de régulation et de soutien. Il permet une réduction de l’érosion et du transfert d’éléments de 70 à 90 %. Sur le long terme, le travail réduit du sol n’a aucun effet significatif sur les stocks en carbone des sols. Mais, il modifie leur répartition avec une plus forte accumulation en surface. Comparé au labour, le travail réduit du sol ne modifie pas la biomasse microbienne totale. Toutefois, il en modifie sa distribution spatiale. Par ailleurs, il a des effets positifs sur les populations de lombrics.
La biomasse croît de + 40 à + 60 %. De plus, il augmente la richesse et la régularité des espèces en favorisant les lombrics anéciques et épigéiques. Toutefois, ses effets sur le niveau de production culturale sont plus variables, de l’ordre de –10 % à +7%. De plus, ils sont fortement liées au type de culture et aux autres pratiques culturales. Ainsi, la diminution de la profondeur et de la fréquence du travail du sol est généralement bénéfique si elle s’accompagne d’une gestion adaptée de la matière organique (cultures de couverture, résidus, rotation, déchets organiques) et d’une réflexion contextualisée aux cultures, types de sol et climat local.
Une comparaison de quatre modalités de travail du sol en système Agriculture Biologique
L’essai a été conduit sur la station expérimentale de Kerguéhennec en Bretagne. Ce site est subdivisé en quatre blocs et géré selon les règles de l’Agriculture Biologique. Il présente un sol glaiseux avec un taux de matière organique élevé de 4 % et un pH de 6. La rotation appliquée est maïs/triticale/sarrasin/pois/triticale /luzerne deux ans/triticale/maïs/blé. La fertilisation organique se fait avec du fumier ou lisier de porcs.
Dans chaque bloc, quatre techniques de travail du sol ont été comparées depuis 2003 :
- LC = labour conventionnel à 25 cm
- LA = labour agronomique à 15 cm
- C15 = travail réduit à 15 cm
- C8 = travail superficiel à 8 cm
Différents paramètres ont été mesurés :
- Chimiques : carbone, azote, phosphore, matière organique
- Physiques : densité et conductivité hydraulique
- Biologiques : vers de terre, nématodes et biomasse microbienne
Principaux résultats obtenus
Comparé au labour conventionnel, le travail réduit du sol ne modifie pas la biomasse microbienne totale mais modifie sa distribution spatiale en concentrant les microorganismes à la surface du sol. Ainsi, après 10 ans de travail minimum, la biomasse microbienne augmente de 19 % dans l’horizon 0 – 15 cm.
Le travail réduit a un effet positif sur les populations de lombrics avec une augmentation de la biomasse en g/m² de 40 à 60 %. Il favorise principalement les espèces anéciques et épigéiques. Se nourrissant des résidus en surface, ces catégories écologiques accèlerent la décomposition des matières organiques. Les espèces anéciques, qui forment de grandes galeries verticales dans le sol, améliorent également la capacité d’infiltration hydrique des sols.
Le projet SUSTAIN a confirmé que les systèmes avec travail réduit du sol diminuaient à la fois l’érosion et le transfert d’éléments (pesticides et phosphore particulaire) grâce à une meilleure couverture du sol par les plantes et les résidus végééaux. Les essais montrent globalement une réduction de 70 à 90 % des phénomènes d’érosion et de ruissellement. Toutefois, on observe de fortes variations en fonction des cultures. Le ruissellement est considérablement plus faible en cultures de printemps (exemple : maïs) avec un travail réduit, qu’en cultures d’hiver (exemple : blé). Cela s’explique notamment par les conditions spécifiques à la saison (humidité du sol élevée, évènements pluvieux plus marqués).
Après 5 et 10 ans, le travail réduit du sol n’a aucun effet significatif sur le stockage de carbone mais modifie sa répartition, la matière organique ayant tendance à s’accumuler en surface du sol. Par ailleurs, les émissions de N2O liées à la réduction du travail du sol, généralement plus élevées au moment du changement de systèmes se réduisent après une dizaine d’années (- 26 %).
Des études globales regroupant différents types de cultures, climats et sols montrent que l’impact du travail du sol réduit sur la production est généralement négatif de l’ordre de – 5 %. Le projet SUSTAIN a mis en évidence que ces modifications de rendement sont toutefois très variables, de négatives à positives, et qu’elles sont surtout étroitement dépendantes des cultures, de l’année et des autres pratiques mises en œuvre.
Ainsi, le travail réduit n’a pas eu de conséquence sur le rendement des cultures telles que le colza ou l’association trèfle-graminées. A l’inverse, pour le blé, les rendements étaient en moyenne inférieurs de 10 % en semis direct mais ils retrouvaient des valeurs proches du labour dans le cas du travail réduit.
Le projet SUSTAIN montre qu’aucune des quatre techniques de travail du sol en AB n’a un profil favorable sur l’ensemble des paramètres mesurés. Concernant les critères agronomiques, l’avantage est au labour conventionnel.
Pour la qualité chimique et physique, c’est le travail réduit qui est le plus favorable mais il impacte plus fortement les critères agronomiques notamment en raison d’une plus forte concurrence par les adventices.
Enfin, pour la composante biologique, c’est le labour agronomique qui est le plus favorable notamment pour la biomasse microbienne.
Sources des effets du non labour sur la qualité et les services écosystémiques des sols en systèmes Agriculture Biologique
PERES Guénola., 2022. Do reduced tillage practices applied under organic faming represente a realistic approach to maintain soil biological, physical and chemical quality and the linked ecosystem services, 29, 239-274
PODESTA Gwenaël, 2016. Résumé rapport projets SNOWMAN