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Microorganismes, plantes et pluie

Temps de lecture : 5 minutes

Les microorganismes, déclencheurs biologiques de la pluie

Découvrez comment les microorganismes présents sur les feuilles des plantes contribuent à la formation de la pluie.

Date de publication : 22 novembre 2023

Pendant longtemps, les microorganismes présents dans l’atmosphère n’ont été considérés qu’en tant que particules inertes subissant les conditions hostiles de cet environnement. Cependant, de récentes études mettant en évidence la présence de microorganismes métaboliquement actifs dans la phase aqueuse des nuages incitent à s’interroger sur le rôle que ces organismes pourraient avoir sur les processus physiques et chimiques des nuages et donc la pluie. En effet, la formation de gouttelettes de nuage ou de cristaux de glace à des températures supérieures à -36 °C nécessite la présence de particules dites « noyaux de condensation » ou « noyaux glaçogènes ». Ces particules peuvent être minérales mais également biologiques.

La végétation influe sur l’eau et le climat à travers sept phénomènes :

  1. recyclage de précipitation,
  2. catalyseur de condensation et de pluie,
  3. transport d’humidité atmosphérique,
  4. chauffage et refroidissement,
  5. interception de pluie et de brouillard,
  6. infiltration et recharge des eaux souterraines,
  7. modération des inondations.

La vapeur d’eau présente dans l’atmosphère au-dessus des continents vient essentiellement de l’évapotranspiration des plantes. Mais les plantes jouent un second rôle moins connu dans le cycle de l’eau. En effet, elles hébergent à la surface de leurs feuilles des bactéries ou champignons qui agissent comme des catalyseurs des processus physiques conduisant à la pluie. Ces microorganismes sont principalement des pathogènes des cultures comme Pseudomonas ou Puccinia (rouille). Pour autant, ce sont des catalyseurs bien plus puissants que les particules minérales. Avec le changement climatique, se posera peut-être demain la question d’un compromis à trouver entre protection des cultures et fonction de ces microorganismes comme catalyseur de pluie.

Comment se forme la pluie ?

Rôle des aérosols dans la formation de la pluie

La circulation atmosphérique à grande échelle est le principal facteur à l’origine de la pluie. Les nuages sont constitués, non pas de vapeur d’eau, mais d’un ensemble de microgouttelettes d’eau liquide et/ou solide en suspension dans l’atmosphère. Ces gouttelettes sont toutefois trop légères pour tomber sous forme de pluie.

Les aérosols jouent un rôle primordial dans la formation de la pluie. En effet, ils agissent comme des catalyseurs des processus physiques qui impliquent des changements de phase de l’eau présente dans les nuages. On dénombre deux types d’aérosols impliqués :

  • Les CCN ou « Cloud Condensation Nuclei » : ces particules permettent la formation des nuages et donc le passage du gaz au liquide.
  • Les INP « Ice Nucleation active Particles » ou noyaux glaçogènes : ces particules catalysent la congélation.

Congélation, l’étape indispensable pour avoir de la pluie

La congélation dans les nuages peut s’effectuer selon deux processus. Le premier, appelé « congélation homogène », correspond au gel spontané de l’eau surfondue (i.e. eau liquide malgré une température inférieure à 0 °C) et intervient à partir de températures voisines de – 36 °C. En effet, l’eau pure ne gèle pas à 0 °C mais plutôt à – 40 °C. Or, la température des nuages avoisine les – 5 °C. Pour que la congélation ait lieu à cette température, il faut nécessairement un catalyseur. Ce sont les INP. En effet, le second processus, appelé « congélation hétérogène », fait intervenir des particules solides qui déclenchent le réarrangement des molécules d’eau surfondue et catalysent ainsi la formation de cristaux de glace. Ces derniers peuvent alors retourner à l’état liquide ou se maintenir dans un état solide. Leur masse peut s’accroître à mesure que le temps passe, jusqu’à atteindre une masse critique à partir de laquelle ces cristaux deviennent trop lourds pour rester en suspension.

Plantes, microorganismes et pluie

Le rôle des plantes dans le cycle de l’eau

La végétation, notamment les forêts, influe le cycle de l’eau à l’échelle locale, régionale et continentale par sept phénomènes.

Ces effets sont le fruit des interactions entre la végétation et l’air par échanges de masse (gaz, particules biologiques primaires, eau) et d’énergie.

Les microorganismes glaçogènes émis par les plantes

Environ 10 à 40 % de la totalité des aérosols présents dans l’atmosphère appartiennent à la classe des aérosols biologiques. On trouve par exemple entre 1022 et 1023 de bactéries dans la troposphère (zone située à 8 à 15 km d’altitude). Il existe différentes sources de microorganismes actifs en tant qu’INP pouvant être émis dans l’atmosphère par la végétation et le sol.

Le principal facteur responsable de leur émission depuis ces deux compartiments est la vitesse du vent qui permet de soulever directement les microorganismes ou les poussières sur lesquelles ils vivent. Ainsi, chaque année, 7,6*1013 à 3,5*1024 bactéries sont émises par la végétation.

Les microorganismes glaçogènes font partie de la microflore épiphyte naturelle des plantes saines, tout en restant toutefois minoritaires. Pseudomonas syringea est le principale composant glaçogène de cette microflore.

Les bactéries parmi les plus puissantes INP

Les bactéries ont un pouvoir glaçogène plus puissant que les INP minérales ou inorganiques. En effet, elles permettent une congélation à des températures plus faibles (entre – 10 °C et 0 °C).

Les bactéries parmi les plus puissantes INP

Par exemple, à – 7 °C, il faut seulement 1 000 bactéries Pseudomonas pour congeler de l’eau.

Avec le changement climatique, les nuages vont avoir plus souvent une température proche de 0 °C. Le type d’INP présent dans l’atmosphère deviendra donc primordial pour la formation de la pluie.

Lien entre microorganismes glaçogènes, agriculture et pluie

Effet du changement d’affectation des sols sur les pluies

Dans le Sud Ouest de l’Australie, 13 millions d’hectares de terre ont été convertis à l’agriculture. Ces terres ont ainsi été séparées des prairies indigènes par une clôture de 750 km pour empêcher lapins et herbivores d’y pénétrer.

Une étude de l’impact de ce changement d’affectation des sols sur la couverture nuageuse et les précipitations a été réalisée. Elle a montré que la couverture nuageuse suivait la clôture. Cela entraînait une baisse des précipitations à l’ouest de la barrière.

Effet du changement d’affectation des sols sur les pluies

Des bactéries glaçogènes souvent pathogènes pour les cultures

Pseudomonas syringae provoque le chancre bactérien des arbres et Puccinia triticania la rouille du blé.

Des bactéries glaçogènes souvent pathogènes pour les cultures

Pour 1 ml de pluie, il faut 1 INP. Le blé a besoin de 30 cm de pluie par saison soit 3*109 ml/ha. Pour avoir une cellule active à – 8°C, il en faut 10 pour Pseudomonas et 10 000 pour Puccinia . Ainsi, pour faire 30 cm de pluie, il faut 3*1010 bactéries Pseudomonas et 3*1013 pour Puccinia. Pour Pseudomonas, on a 108 bactéries par feuille malade. Donc pour atteindre 3*1010, il faut la présence de 300 feuilles malades par hectare sur 700 000 plantes/ha ce qui reste acceptable. Par ailleurs, Pseudomonas est également présente sur les feuilles saines et dans ce cas, il faut 300 000 feuilles saines. Par contre, pour la rouille, cela n’est pas acceptable car il faut que le champ soit complètement malade (3*106 feuilles malades par ha).

Ces travaux ont été menés à partir d’observations de terrain couplées à une modélisation. Il reste toutefois des inconnus comme le taux de flux des microorganismes ou encore la fraction des cellules présentes sur les plantes qui atteignent la bonne hauteur. Pour autant, pour atteindre des niveaux équivalents d’INP à – 8 °C avec de la poussière inorganique, il faudrait plus de 100 µg/m3. Or, les recommandations de l’OMS pour les particules est au maximum de quelques dizaines de g/m3. Cela posera peut-être demain la question d’un arbitrage entre protection des cultures et conditions de formation de la pluie.

N’hésitez pas à consulter nos autres articles sur le changement climatique.

Sources :

JOLY Muriel. Interactions microorganismes-nuage : activité glacogène et survie. Autre. Université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand II, 2013. Francais. <NNT : 2013CLF22424>. <tel01136212>

MORRIS Cindy, 2023. Les déclencheurs biologiques de la pluie. Vidéo youtube.

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