Diversifier la composition génotypique des prairies multi-espèces pour gagner en robustesse
Découvrez l’impact de semer des prairies multi-espèces et multi-variétés sur leur robustesse.
Date de publication : 14/02/2024
La recherche d’autonomie protéique est un enjeu de durabilité des systèmes d’élevage. Pour les systèmes ruminants français, le taux moyen d’autonomie protéique est de 75 %. Toutefois, cette moyenne cache de fortes disparités qui sont fonction :
- de la catégorie de ruminants (86 % pour les bovins viande contre 47 % pour les caprins),
- des systèmes d’exploitation (contextes pédoclimatiques, niveau de productivité…),
- de la part d’herbe et du pâturage.
De nombreux programmes de recherche ont été menés depuis dix ans comme le programme Cap Protéine. Ce dernier a notamment étudié quatre leviers : diversifier la composition génotypique des prairies pour plus de robustesse, pâturer des légumineuses, développer des dérobées d’été et pâturer en automne et en hiver.
Dans le cadre du projet Cap Protéines, quatre fermes expérimentales F@rm XP ont étudié le premier levier. Il en ressort que la diversité génotypique de prairies multi-espèces n’améliore pas la productivité de la prairie. Mais, elle semble être un facteur de stabilité du rendement. Dans tous les cas, elle ne permet pas de se dispenser de prendre en compte d’abord le comportement social des espèces (exemple du dactyle qui reste peu sociable) dans la construction de prairies multi-espèces. Et il reste primordial que les schémas de sélection des variétés fourragères passent d’une approche en mono-spécifique à une réelle sélection en mélange.
Intérêts attendus des prairies multi-espèces multi-variétés
Des expérimentations récentes menées à l’INRAE de Lusignan ont montré :
- l’intérêt de l’asynchronie de croissance des composants d’un couvert prairial à la fois au niveau des espèces et des variétés pour chaque espèce pour le maintien de la production au cours du temps
- l’intérêt de la diversité au sein des espèces du mélange pour maintenir un équilibre entre les espèces.
- sans effet sur la productivité globale des mélanges.
Afin de confirmer ces résultats dans d’autres contextes pédoclimatiques, dans le cadre de Cap Protéine, des essais ont été menés dans quatre fermes expérimentales F@rm XP.
Des dispositifs expérimentaux de prairies multi-espèces multi-variétés dans quatre fermes du réseau F@rm XP
Modalités testées de prairies multi-espèces multi-variétés orientée fauche sur le site de Mauron et de Jeu les Bois
La fétuque et le dactyle ont été choisis pour le côté engazonnement et les légumineuses pour l’apport d’azote, et les variétés pour la recherche de diversité de port, de précocité…
Modalités testées de prairies multi-espèces multi-variétés sur le site de Derval et Trévarez
Quelques résultats préliminaires sur les prairies multi-espèces multi-variétés
Un effet trèfle violet sur les premières coupes des prairies multi-espèces multi-variétés
On observe un effet des espèces de courte durée comme le trèfle violet qui booste la productivité sur les premières coupes.
Pas d’amélioration mais une meilleure stabilité du rendement global avec la diversité génotypique des prairies multi-espèces
On ne renforce par la production des prairies multi-espèces avec des mélanges de variétés comme c’est le cas en augmentant le nombre d’espèces dans les prairies. Toutefois, les prairies multi-espèces et multi-variétés ont un comportement plus lissé.
Pas de stabilisation de la composition du mélange multi-variétés des prairies multi-espèces
La diversité des mélanges se mesure avec l’indice d’équité. Plus cet indice se rapproche de zéro, moins le mélange est diversifié. On observe ainsi une perte de diversité des variétés entre deux années de suivi. La diversité génotypique ne semble pas stabiliser la composition des mélanges.
Ainsi, même en augmentant le nombre de variété des espèces, il faut d’abord tenir compte du comportement social des espèces. Par exemple, le dactyle reste une espèce peu sociale même si on augmente la diversité génotypique des autres espèces.
Un besoin d’adapter les modalités de sélection des variétés fourragères pour les prairies multi-espèces multi-variétés
La plupart des efforts de sélection et d’inscription de variétés fourragères sont actuellement réalisés en culture mono-spécifique même si les variétés sont utilisées en mélange. Plusieurs études montrent que la valeur d’une variété en mélange n’est pas bien prédite par sa valeur en culture pure. L’aptitude générale d’une plante cible est la somme de son effet direct (i.e. sa valeur moyenne lorsqu’elle est mélangée à un ensemble de génotypes d’une ou d’autres espèces) et de son effet associé (i.e. la valeur moyenne de tous les génotypes de ou des autres espèces auxquelles elle a été mélangée). L’évaluation de ces effets directs et associés est donc essentielle bien qu’assez complexe à mettre en œuvre. La sélection génomique pourrait permettre de simplifier ces dispositifs et d’améliorer leur efficacité.
Pour d’autres publications sur les prairies, n’hésitez pas à consulter notre rubrique Nourrir les animaux.
Sources :
Barre P., Barillot R., Bourgoin T., Combes D., Durand J.L., Escobar.Gutierrez A., Firmat C., Frak E., Ghesquière M., Julier B., Keep T., Litrico I., Louarn G., Meilhac J., SampouxJ.P., Surault F., Wolff B., Volaire.F., (2020). « La diversité génétique pour l’adaptation des prairies au changement climatique ». Fourrages 244, 47-53
Pierre P., et al, 2024. Une diversité de leviers fourragers au service de l’autonomie et de la robustesse du système. Biennales F@rm XP du 30 janvier 2024