Quelle est la place des protéines laitières dans un système alimentaire européen durable ?
D’après la FAO, les régimes alimentaires durables sont de régimes qui contribuent à protéger et à respecter la biodiversité et les écosystèmes. Ces régimes sont culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement sûrs et sains et permettant d’optimiser les ressources naturelles et humaines. Pour l’élevage, il se traduit par trois enjeux :
- contribuer à nourrir une population mondiale qui augmente,
- mieux utiliser les ressources,
- répondre aux attentes sociétales en termes d’environnement, de bien-être animal ou encore de compétition alimentaire entre l’homme et l’animal.
En Europe, un programme de trois ans a été lancé pour travailler sur la place des produits laitiers dans ces systèmes alimentaires durables. La filière lait française l’a traduit au travers de sa démarche France Terre. Cette démarche ambitionne de répondre à une quadruple performance :
LE CNIEL a organisé le 22 octobre 2021 un symposium sur la question de la compétition entre l’alimentation humaine. Il a abordé l’alimentation animale au travers de deux angles :
- Est-ce que l’élevage gaspille des ressources pour produire des protéines animales ?
- Quelles différences de qualité nutritionnelles entre protéines animales et végétales ?
Des ruminants laitiers producteurs nets de protéines
L’Idele conduit un projet ERADAL ayant pour objectif d’évaluer objectivement la contribution des élevages laitiers à la production alimentaire pour l’homme. Le postulat de base est que les productions animales seront socialement acceptables si :
- Rémunératrices pour l’éleveur
- Respectueuses du bien-être animal
- Vertueuses sur le plan environnemental
- Peu en compétition avec l’alimentation humaine
- Légitimes dans l’occupation et l’entretien du territoire
Pour répondre au quatrième point, ils ont travaillé sur la notion d’efficience nette de conversion des aliments par les animaux d’élevage. Afin de déterminer s’ils sont consommateurs ou producteurs de protéines. Par efficience, on entend alors le rapport entre les résultats et les moyens mis en œuvre.
L’efficient protéique brute des protéines laitières
Si on raisonne en efficience protéique brute. L’efficience protéique brute c’est le ratio : Protéines des produits de l’élevage consommables par l’homme / Protéines végétales consommées par les animaux. Pour produire 1 kg de protéines animales, les vaches laitières consomment 5 kg de protéines végétales. Pour les chèvres laitières, il s’agit de 6,5 kg. Et pour brebis laitières la consommation monte à 7,8 kg. Toutefois, une partie des protéines végétales n’est pas directement consommable par l’homme.
L’efficience protéique nette des protéines laitières
L’efficience protéique nette permet de prendre en compte la fraction des protéines végétales consommable par l’homme
L’efficience protéique nette devient positive . Pour les vaches, il faut 500 g (900g pour petits ruminants) de protéines végétales consommables par l’homme pour produire 1 kg de protéines animales.
L’énergie efficiente brute et nette des protéines laitières
Si on regarde l’énergie avec la même logique. Les systèmes d’élevage laitiers de petits ruminants sont, par contre, consommateurs nets d’énergie. Toutefois, elle est juste à l’équilibre pour les vaches laitières.
Se pose alors la question : Les ruminants piétinent-ils dans notre assiette ? C’est-à-dire les surfaces aujourd’hui utilisées pour produire les aliments des animaux pourraient-elles être utilisées directement pour produire des protéines végétales ?
Les terres agricoles en France se répartissent aujourd’hui de la façon suivante :
Ainsi, 64 % de la SAU sont utilisés pour l’alimentation animale dont 50% pour les fourrages. Or, sur les 50 %, 35 % sont sur des terres non arables. Cela signifie donc que, seulement 29 % de la SAU actuellement utilisée pour l’alimentation animale peut être disponible pour produire directement des protéines pour l’alimentation humaine.
Méthodologie d’évaluation de la compétition d’utilisation des terres agricoles
Une méthodologie pour évaluer la compétition d’utilisation des terres pour produire des denrées alimentaires à l’échelle du système de production a été mise au point dans le cadre du projet ERADAL. Elle comprend alors quatre étapes :
- Déterminer la surface nécessaire pour nourrir le troupeau (surface de l’exploitation + aliments achetés
- En repérer la part de surface arables
- Proposer des rotations adaptées à une alimentation 100% végétale avec une estimation des rendements
- Calculer le ration Quantité de protéines végétales potentiellement produites / Quantité de protéines animales actuellement produites.
Des résultats préliminaires montrent une forte variabilité en fonction :
- de la part de terres arables utilisées pour nourrir les animaux
- des hypothèses de rotations
- des rendements végétaux estimés, notamment sur le long terme
Toutefois, avec cette approche, de nombreuses questions persistent :
- Quel impact de l’arrêt de toute fertilisation organique (car plus d’élevage) sur les rendements et la qualité des sols ?
- Quelle(s) rotation(s) pour avoir un régime 100% végétal peut-on mettre en place ? Cela pose donc la question de la faisabilité agronomique, aux niveaux de rendement et régularité. De part l’introduction massive des protéagineux dans les systèmes de culture.
- Que deviennent les coproduits actuellement valorisés par l’élevage (9 tonnes de MS /an soit 3/4 des coproduits) ? S’il n’y a plus d’élevage, qu’en fait-on ? la méthanisation ne pourra pas tout absorber.
- Quelle gestion des surfaces non arables faut-il mettre en place, l’élevage contribuant à entretenir les paysages ?
- Comment prendre en compte les différences de qualité nutritionnelle entre les protéines animales et les protéines végétales ?
Protéines de qualité et d’intérêt pour l’alimentation humaine
La qualité nutritionnelle d’une protéine dépend avant tout de sa capacité à satisfaire les besoins en acides animés indispensables. C’est-à-dire que, l’homme ne sait pas en fabriquer à notre organisme.
Le profil en acides aminés du lait montre que les protéines laitières permettent de couvrir l’ensemble des besoins en AA indispensables. Toutefois, il ne suffit pas qu’ils soient présents, il faut également qu’ils soient biodisponibles. Cette biodisponibilité s’évalue par la digestibilité qui atteint 95% pour le lait. Il n’y a d’ailleurs pas de perte de digestibilité des protéines due à la transformation agroalimentaire pour le lait.
Afin d’évaluer la qualité nutritionnelle des produits vis-à-vis des acides aminés, un score a donc été mis en place par la FAO. Il s’agit du score des AA indispensables Digestibles (DIAAS). Ce score est moins élevé pour les protéines végétales (problème sur lysine et acides Aminés soufrés).
Outre l’apport d’acides aminés, il a été démontré que les protéines laitières permettaient la production de peptides bioactifs, lors de la digestion gastro-intestinale. Ces peptides jouent un rôle important dans l’absorption minérale et la sécrétion d’hormones digestives, l’immunomodulation (anti microbien, anti tumorale) ou encore dans la densité osseuse (davantage que le calcium).
Conclusion
Les dernières méta-analyses, sur la relation entre consommation de produits laitiers et santé, n’ont démontré aucun effet délétère de la consommation de produits laitiers sur la santé. Ce n’est toutefois pas le cas pour la viande. La consommation de produits laitiers aurait aussi des effets bénéfiques pour : le diabète de type 2, la prévention du cancer colorectal et la santé osseuse.
Le débat ne doit pas être que sur la qualité des protéines. Les protéines laitières sont donc des protéines avec une qualité nutritionnelle élevée. Elles sont aussi une source potentielle de bioactifs, de vitamines et d’éléments minéraux. Quand on veut réduire la part de protéines animales dans son alimentation, il faut donc trouver un équilibre pour se couvrir en acides aminés. Si on augmente la part de végétal, il faudra donc augmenter l’apport total (manger plus de protéines végétales) pour avoir la même quantité d’acides aminés. Des études ont toutefois montré qu’on pouvait descendre jusqu’au ratio 45 % de protéines animales / 55 % de protéines végétales, chez un homme adulte. Mais pour certaines populations, il faut maintenir au minimum 50 % de protéines animales. C’est notamment le cas pour les personnes âgées.
Source :
“Quelle place pour les protéines laitières dans un système alimentaire européen durable ?” Webinaire Cniel du 22 octobre 2021.
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