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Régulation biologique des adventices par les couverts végétaux

Temps de lecture : 6 minutes

Mécanismes de régulation des adventices par les couverts végétaux

Découvrez dans cet article quels sont les mécanismes de régulation biologique des adventices par les couverts végétaux.

Les systèmes de culture agroécologiques ont pour objectif de valoriser les services rendus par les interactions entre organismes dans la parcelle agricole afin de réduire le recours aux intrants chimiques. La régulation biologique des adventices par les couverts végétaux cultivés en est un exemple et peut impliquer différents mécanismes.

La compétition pour les ressources est le mécanisme prépondérant mais l’allélopathie peut également jouer un rôle même si ses effets au champ sont difficiles à démontrer. Les couverts végétaux peuvent également affecter les adventices en modifiant le microclimat à la surface du sol. Cette régulation peut aussi se faire par l’intervention d’organismes auxiliaires comme des insectes responsables de prédation ou des microorganismes pathogènes responsables de parasitisme. Cependant, on ne sait pas à ce jour si ces mécanismes peuvent avoir un impact significatif sur la banque de graines et la flore adventice exprimées dans les cultures suivantes.

Deux catégories de mécanismes de régulation biologique des adventices par les couverts végétaux

Les mécanismes de régulation biologique des adventices par les couverts végétaux se répartissent en deux catégories :

  • Les mécanismes à effet direct regroupant la compétition pour les ressources (lumière et ressources du sol), l’allélopathie (libération de composés biochimiques par une plante vivante ou par les résidus de la plante après sa destruction) et la modification du microclimat à la surface du sol.
  • Les mécanismes à effet indirect faisant intervenir des organismes auxiliaires comme des insectes prédateurs ou des microorganismes parasistes.
mécanismes régulation adventices

Compétition sur les ressources entre couvert et adventices

Cinq facteurs influençant le niveau de compétition

La compétition générée par les couverts cultivés sur les adventices dépend :

  • Des dates de levée relatives des différentes plantes composant la communauté. Les adventices les plus nuisibles sont celles qui lèvent au même moment que le couvert cultivé. Celles qui lèvent avant sont le plus souvent détruites lors d’opérations culturales, alors que celles qui lèvent après subissent la compétition générée par le couvert déjà en place.
  • Du niveau de disponibilité en ressources : pour une plante donnée, l’accès à la lumière dépend fortement de son positionnement hiérarchique dans le couvert.
  • De la dynamique des besoins des plantes qui sont dépendants de la vitesse et du potentiel de croissances des plantes.
  • De la capacité des plantes à prélever les ressources. Ainsi, une colonisation du sol rapide en largeur et en profondeur, avec une forte densité de racines et/ou une forte capacité d’absorption par les racines seront favorables à un accroissement du pouvoir compétitif.
  • De la capacité des plantes à s’adapter à une limitation des ressources en modifiant par exemple leur morphologie et/ou l’allocation de biomasse entre les différents compartiments aérien et racinaire.

D’abord une compétition pour la lumière

La compétition pour les ressources est le mécanisme considéré comme prépondérant dans la régulation des adventices par les couverts végétaux. Elle se produit lorsque les plantes partagent un pool de ressources commun, dans l’espace et dans le temps, et qui est insuffisant pour répondre aux besoins de toutes les plantes.

Les plantes les plus efficaces pour réprimer les adventices par compétition pour la lumière sont celles qui s’installent rapidement avec des feuilles fines et larges (plutôt que petites et épaisses), qui ont tendance à croître en largeur et qui sont capables d’adapter leur morphologie en cas d’ombrage par les plantes voisines.

Encore peu de références sur la compétition pour les ressources du sol

Si la lumière a longtemps été considée comme la principale ressource pour laquelle la compétition s’exerce, celle pour les ressources du sol peut être très importante dans les couverts végétaux. En effet, ils sont souvent implantés en été, période pendant laquelle les ressources en nutriments et en eau peuvent être faibles.

Une analyse détaillée de la littérature scientifique indique, dans la moitié des articles analysant les effets de la fertilisation azotée sur les rapports culture-adventices, qu’une réduction de la quantité d’azote apportée favorise les adventices au détriment des cultures. Un quart des études montre l’inverse alors qu’aucun effet n’est observé pour le dernier quart.

Les adventices les plus problématiques en culture sont généralement des espèces très nitrophiles car elles occupent préférentiellement des habitats riches en azote. Plus une espèce est nitrophile, plus son potentiel de croissance aérienne est élevé et plus sa croissance dépend de la disponibilité en azote du sol. En outre, moins elle alloue de biomasse à ses racines mais chaque unité racinaire est plus efficiente à prélever l’azote du sol.

Allélopathie pour réguler les adventices

L’allélopathie est un mécanisme par lequel une plante (vivante ou ses résidus en décomposition) affecte la croissance des plantes voisines par la production de composés chimiques libérés dans l’environnement. Alors que de nombreuses études montrent des effets allélopathiques en laboratoire, les effets au champ sont difficiles à démontrer car ils sont difficiles à dissocier de ceux de la compétition pour les ressources. En effet, le proximité des racines des plantes vivantes et des adventices nécessaire pour que des effets allélopathiques soient décelables favorise également la compétition pour les ressources.

Modification du microclimat à la surface du sol

Les couverts végétaux sont en capacité de modifier le microclimat à la surface du sol, notamment en termes de température, lumière et humidité. Ces facteurs influencent notamment la germination et l’émergence des adventices. En effet, environ la moitié des espèces adventices sont photosensibles, c’est-à-dire nécessitant de la lumière pour germer. La présence d’un couvert peut réduire l’exposition à la lumière mais également modifier sa qualité (diminution du ratio rouge clair/rouge sombre). Ainsi, des travaux ont montré qu’en présence d’un couvert, l’émergence des adventices a tendance à diminuer significativement de 17,1 % mais de manière variable entre les espèces adventices.

émergence adventices

Prédation des adventices par la faune auxiliaire

La prédation est une interaction qui relève d’une approche verticale entre niveaux trophiques. La flore adventice est composée essentiellement d’espèces annuelles produisant d’importantes quantités de graines tombant au sol et qui réalimentent le stock semencier chaque année. Ces graines représentent une ressource alimentaire importante pour de nombreux arthropodes tels que les carabes, petits mammifères et oiseaux.

prédation adventices

Sur la base d’une dizaine d’études menées en Europe et aux Etas Unis, le taux annuel de prédation est d’environ 40% mais il est très variable de 8 à 70 % en fonction des espèces adventices et du contexte agronomique.

Des travaux de modélisation suggèrent qu’une perte annuelle de 25 à 50 % des graines adventices serait suffisante pour affecter la dynamique des populations et les faire régresser. Dans les régions tempérées, les carabidés sont les principaux invertébrés consommateurs de graines d’adventices. La présence d’un couvert peut les favoriser en leur fournissant un abri et des ressources. Toutefois, encore peu de travaux démontrent que cette régulation est suffisamment intense pour avoir un impact significatif sur le stock semencier et la flore adventice qui va s’exprimer dans les cultures suivantes.

Parasitisme des graines d’adventices

La présence d’un couvert peut induire une augmentation de l’humidité de l’air et une diminution de l’humidité du sol. Il peut aussi tamponner la température du sol, en particulier diminuer sa température en période chaude en limitant l’intensité du rayonnement solaire atteignant le sol.

Ces conditions sont a priori favorables aux champignons qui agissent sur les adventices de différentes manières.

parasitisme adventices

Parmi ces champignons, certains sont phytopathogènes des semences et/ou des plantes adventices. Très peu de données sont disponibles sur cet aspect. L’accroissement des connaissances sur l’action de champignons phytopathogènes sur les adventices pourrait permettre de mieux quantifier les effets de ce mécanisme et ses déterminants, afin de déterminer s’il pourrait jouer un rôle pour favoriser la régulation des adventices sans affecter les cultures de rente.

Pour en savoir plus sur les couverts, vous pouvez consulter notre dernière publication sur les choix d’espèces et modes d’implantation via le lien : https://normandiemaine.cerfrance.fr/arad2/couverts-vegetauxe-et-services-ecosystemiques/

Source

MOREAU D., et al, 2022. Mécanismes de régulation biologique des adventices par les couverts végétaux. Revue AE&S 12-1.

https://doi.org/10.54800/tre343

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