Les nématodes, vers de taille minuscule mais d’une importance capitale pour le fonctionnement des sols
Les nématodes ne sont que très connus en comparaison avec d’autres groupes fonctionnels des sols ou alors quand ils le sont, on pense d’abord aux nématodes qui parasitent les plantes et qui peuvent causer des dégâts importants. En fait, la plupart des nématodes n’appartiennent pas à cette catégorie.
Les nématodes sont des vers aux corps cylindriques et transparents. Ils appartiennent à la microfaune des sols (majorité à moins d’1 mm). Ils ne sont pas segmentés comme les vers de terre et se déplacent par mouvement ondulatoire. Aujourd’hui, il y a environ 27 000 espèces décrites : 5 000 marines, 7 000 continentales et 12 000 parasites d’animaux. Mais on suppose qu’il y a plusieurs centaines de milliers d’espèces et on en découvre 40 à 80 espèces par an. De plus, on les retrouve dans quasiment tous les écosystèmes y compris extrêmes et de façon très abondante (plusieurs millions d’individus par m²).
Une très grande diversité trophique et des stratégies de vie très variées
Diversité trophiques des nématodes
Il existe une diversité trophique chez les nématodes :
- Herbivores,
- Fongivores,
- Bactérivores,
- Prédateurs notamment d’autres nématodes,
- Parasites
- Omnivores.
Si on regarde le réseau trophique des sols, on remarque que les nématodes sont présents à plusieurs niveaux trophiques.
Les nématodes herbivores sont majoritairement des consommateurs de racines. Ils présentent un stylet (sorte d’aiguille) qui permet de piquer la racine, d’y injecter des substances et d’absorber le contenu des cellules végétales. Au sein de ce groupe, on distingue des sous catégories en fonction de leur comportement alimentaire. Certains restent à l’extérieur des racines et ne provoquent pas la mort des cellules, d’autres sont ectoparasites, d’autres sont endoparasites qui vont pénétrer dans les racines.
Les nématodes fongivores se caractérisent aussi par la présence d’un stylet utilisé pour piquer les hyphes des champignons. Ils consomment aussi bien des champignons mycorhiziens que les champignons parasites des plantes.
Les nématodes bactérivores sont un groupe très diversifié et n’ont pas de stylet.
Les nématodes carnivores et omnivores, également très diversifiés, possèdent des armes (dent, denticule ou stylet).
Par contre, les nématodes ne consomment pas les virus présents dans le sol mais ils peuvent être vecteurs de virus pour les plantes.
Stratégie de vie des nématodes
Tous les nématodes se reproduisent par des œufs (de quelques dizaines à des milliers) mais on peut retrouver de la reproduction sexuée, de l’hermaphrodisme ou de la parthénogénèse.
Certains nématodes sont très sensibles aux perturbations de l’environnement car ils ont une cuticule fine et perméable et d’autres très résistants. Par exemple, certains nématodes peuvent rester plus de 8 heures à -270°C sans que cela ne leur pose de problème.
En croisant les deux critères reproduction et survie, on peut classer les nématodes selon un gradient de colonisation-persistance. Les colonisateurs sont plutôt des nématodes courts avec des petits œufs, bactérivores et ayant une sensibilité faible aux aléas environnementaux. A l’opposé, les persistants sont plutôt longs avec de grands œufs, omnivores ou prédateurs et sont sensibles aux variations.
5 grandes fonctions portées par les nématodes impactant les agrosystèmes
Il existe une multitude de fonctions mais certaines sont directement corrélées aux services écosystémiques des agrosystèmes :
- Dégâts causés par les nématodes phytoparasites : les pertes sont estimées au niveau mondial à plus de 100 milliards d’euros par an. Ils sont essentiellement endoparasitaires et provoquent des galles. Il faut mettre en œuvre des stratégies de gestion qui sont souvent complexes car ces nématodes sont polyphages. De plus, ils produisent souvent beaucoup d’œufs dans des kystes qui se conservent très longtemps dans les sols. Différentes pratiques peuvent favoriser leur présence : fréquence des plantes hôtes dans les rotations, fertilisation favorisant une très forte concentration de nutriments dans les plantes…
- Recyclage et disponibilité des nutriments : les nématodes même bactérivores et fongivores permettent une augmentation de la minéralisation nette de l’azote entre 1,2 et 5,8 mg d’azote par nématode par jour. Cette fonction est partagée par différentes espèces ce qui permet une continuité fonctionnelle. C’est également vrai pour le phosphore. Ils stimulent également l’acquisition par les plantes. C’est le concept de boucle microbienne. Les nématodes sont des organismes qui respirent beaucoup (et donc libèrent du carbone) et qui, pour maintenir leur rapport carbone/nutriments stable, doivent également libérer beaucoup de nutriments accessibles aux plantes.
- Flux de carbone : les nématodes respirent et libèrent du carbone environ 0,14 Gt de carbone par mois durant la période de croissance des plantes soit environ 2% des émissions totales de carbone par les sols. Mais ils contribuent aussi au stockage de carbone notamment au travers de la stimulation de la rhizodéposition des plantes (63 fois plus que sans nématode). L’effet net reste difficile à évaluer.
- Régulation des communautés microbiennes : les nématodes modifient la composition des communautés microbiennes et les stimulent. Ils participent également au transport des bactéries qui sont souvent peu mobiles.
- Biocontrôle : Les nématodes peuvent participer à la régulation d’organismes nuisibles. C’est notamment le cas des nématodes entomophages qui consomment des insectes (larves de charançons, de hannetons, chenilles…). Certains nématodes peuvent aussi contrôler des nématodes phyto-parasitaires.
Conclusion
Les nématodes sont des animaux très abondants, cosmopolites avec une grande capacité de résistance et d’adaptation. Ils présentent une grande diversité et participent à de nombreuses fonctions des sols. Certaines espèces peuvent causer d’importants dégâts mais d’autres participent à la nutrition des plantes, au contrôle des bioagresseurs ou encore à la stimulation de l’activité microbienne. Certaines pratiques influencent fortement les populations de nématodes comme la fertilisation (++), l’utilisation de produits phytos nématicides (—) ou encore la diversité végétale dans la rotation (+++). A l’inverse, le labour a finalement peu d’effets sur les nématodes.
Il reste encore beaucoup de travaux pour identifier les liens entre les facteurs de contrôle, la composition des communautés et les fonctions et services écosystémiques qu’ils peuvent procurer.
Source :
TRAP J. 2020. Les nématodes des sols, une taille minuscule mais une importance capitale. Webinaire AFES du 4 juin 2020 https://vimeo.com/channels/webinairesafes/425945028
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