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Microbiote des semences et protection agroécologique

Temps de lecture : 9 minutes

Le microbiote des semences : un enjeu de protection agroécologique

Les semences constituent le premier maillon de la production agricole et par conséquent, de la chaîne alimentaire. En tant que telles, elles ont une influence déterminante sur les modèles agricoles ainsi que sur la diversité et la qualité des aliments. Les semences représentent donc un  matériel végétal de grande valeur économique. L’augmentation de la production passe irrémédiablement par une qualité physiologique et sanitaire optimale des semences. En effet, les graines sont soumises à un ensemble de stress biotiques (les attaques par les agents pathogènes, les insectes…) et abiotiques (le manque d’eau ou de nutriments…) qu’il est nécessaire de contrôler et de limiter.

La graine est non seulement le vecteur du patrimoine génétique des plantes. Mais, elle est également impliquée dans la transmission de nombreux micro-organismes dont des agents pathogènes. À ce jour, la gestion des agents pathogènes transmis à et par les semences repose sur la prophylaxie, l’utilisation de cultivars résistants et les traitements de semences utilisés pendant la production des semences ou après la récolte. La grande majorité de ces traitements de semences est constituée de fongicides et d’insecticides. Les solutions biologiques, à savoir la biostimulation (exemple : pratiques agricoles favorisant les microorganismes bénéfiques) ou le biocontrôle (exemple : enrobage des semences), sont des options prometteuses mais encore trop peu efficaces.

De nouvelles approches pouvant limiter ces variations d’efficacité sont en cours de recherche. Par exemple, dans un premier temps, on pourrait utiliser spécifiquement des micro-organismes natifs du microbiote des semences comme agents de biocontrôle, en enrobage aux semences. Il serait également intéressant de cibler directement les organes reproducteurs de la plante pour intégrer de manière naturelle les inoculants microbiens aux semences.

Qualité des semences et microbiote

Trois enjeux majeurs pour les semences

Les semences constituent le premier maillon de la production agricole. En tant que telles, elles ont une influence déterminante sur les modèles agricoles ainsi que sur la diversité et la qualité des aliments. Trois enjeux se posent autour de la production de semences : 

  1. Disposer de semences à forte valeur agronomique, qui soient donc productives tout en restant qualitatives.
  2. Proposer de variétés de semences moins consommatrices d’intrants et plus résistantes aux stress biotiques (maladies, ravageurs) et abiotiques (sécheresse, froid). 
  3. Produire des semences adaptées aux différents types d’agricultures : conventionnelle, biologique….

Pour répondre à ces enjeux, il est essentiel de garantir une qualité physique et germinative des semences. Ces deux facteurs sont souvent influencés par des paramètres dépendants du génotype et des conditions de culture des plantes porte-graines. D’autre part, les semences sont enclines à l’invasion par des agents pathogènes. Il est donc nécessaire de contrôler la qualité sanitaire des semences. 

A ce jour, la liste de référence de l’ISTA (International Seed Testing Association) recense 290 agents phytopathogènes associés aux semences de 11 espèces végétales. Soit 126 combinaisons hôte-organisme nuisible, pour lesquels les semences sont une voie de propagation. On retrouve des champignons, des bactéries, des virus, des nématodes…

La lutte contre les agents phytopathogènes transmissibles par les semences

La protection chimique, premier levier de lutte contre les agents phytopathogènes transmissibles par les semences

Pour pouvoir être commercialisées dans l’Union européenne, les semences doivent être certifiées pour leur faculté germinative, leur pureté spécifique et également pour leur qualité sanitaire. En France, le Service Officiel de Contrôle et de certification (SOC) réalise contrôle et certification. Ce certificat est obligatoire pour les semences de grandes cultures et permet de garantir l’absence d’agents pathogènes. Les tests d’évaluation de la qualité sanitaire des semences sont très coûteux. Il est donc nécessaire de limiter au maximum la présence des agents pathogènes sur les semences. Cette limitation dépend majoritairement des produits phytosanitaires et chimiques utilisés lors de la culture ou en traitement post-récolte. Ces traitements post-récoltes reposent sur l’utilisation de fongicides ou d’insecticides en enrobage ou en pelliculage sur les semences.

Les méthodes de lutte alternatives contre les agents phytopathogènes transmissibles par les semences 

Trois catégories regroupent ces méthodes : 

  • Les méthodes physiques. Cependant, elles ne permettent pas d’éliminer les agents pathogènes présents dans les tissus internes de la graine. 
    • thermothérapie (eau, air, vapeur),
    • rayonnement infrarouge,
    • UVC,
    • pression osmotique,
    • ultrasons,
    • application de vide poussé (250 mbar)
    • ,brossage.
  • Les méthodes chimiques, application aux semences (ces techniques peuvent se révéler coûteuses et ne sont actuellement que très peu étudiées)  :
    • de sulfate de cuivre,
    • d’acides (lactique, acétique),
    • d’alcool,
    • d’extraits organiques (poudre de lait, moutarde, extraits de plantes, huiles essentielles).
  • Les méthodes biologiques. Il existe peu de formulations commercialisées et les efficacités sont variables. 
    • biostimulation : basée sur la stimulation des microorganismes bénéfiques dans les cultures.
    • biocontrôle : utilisation de micro-organismes antagonistes en enrobé ou en application aux semences.

Afin de développer plus largement la dernière catégorie, il reste nécessaire de mieux comprendre le microbiote des semences. Notamment les processus écologiques et moléculaires impliqués dans son assemblage et dans sa transmission à et par la graine.

Impact du microbiote sur la santé des plantes et les semences

Les plantes ont développé des cascades de réseaux moléculaires permettant d’activer une réponse au stress et de rétablir leur homéostasie, de se protéger et de réparer les dommages cellulaires provoqués par ces différents stress. Elles peuvent aussi se reposer sur les communautés de micro-organismes qui lui sont associées pour surmonter ces stress et augmenter leur fitness. Une large diversité de micro-organismes (archées, bactéries, champignons, oomycètes, protistes et nématodes) est associée aux différents organes de la plante. Les variations d’abondance voire de prévalence sont en partie expliquées par :

  • la dynamique spatio-temporelle du microbiote au sein de son hôte ;
  • l’espèce végétale étudiée

Des changements de composition et de structure taxonomique du microbiote ont notamment été corrélés à un certain nombre de modifications phénotypiques de l’hôte. Au niveau de la graine, des modifications de la structure du microbiote s’expliquent par des différences de cinétique de germination voire de taux de germination. En effet, certaines bactéries associées aux graines peuvent réprimer la germination des plantes notamment par la production d’oxyviniglycines ou bien encore diminuer la dormance des graines par la production de cytokinines. Le microbiote des graines peut également avoir un impact direct sur le phénotype de la plantule. Par exemple, il peut améliorer les capacités d’assimilation des nutriments par la plante. Par ailleurs, la présence de certains micro-organismes au sein des graines peut également favoriser l’établissement de micro-organismes bénéfiques pour la croissance des plantes. Enfin, les micro-organismes associés aux graines peuvent aussi diminuer l’impact de stress abiotiques.

Facteurs influençant le microbiote des plantes et des semences

Sources d’inoculum du microbiote des plantes et des semences

La majeure partie des micro-organismes est transmise de manière horizontale à la plante, principalement par le sol. Il existe un gradient négatif de diversité en termes de micro-organismes d’origine tellurique allant de la rhizosphère aux organes reproducteurs de la plante. En ce qui concerne les parties aériennes des plantes, celles-ci sont colonisées par des micro-organismes issus de l’air, de la pluie, des insectes, des poussières ou encore des couverts végétaux. Enfin, les taxons transmis par les graines sont aussi une source d’inoculum pour la plantule et par conséquent pour la future plante. Mais ils représentent une faible proportion de l’inoculum de la future plantule par rapport au sol. 

Processus impliqués dans l’assemblage du microbiote des plantes et des semences

Les processus sont de quatre ordres : 

  1. Dispersion. Elle se définit par les mouvements des micro-organismes dans l’espace. Elle joue un rôle important dans l’assemblage du microbiote des plantes, notamment lors des phases précoces de son développement. 
  2. Diversification. C’est un processus qui va générer de la diversité au sein des communautés mais qui reste difficile à étudier et à dissocier de la dispersion.
  3. Dérive écologique.  La diversification est un processus qui va générer de la diversité au sein des communautés. Ce processus est particulièrement important dans les communautés composées de peu d’espèces ayant une abondance relativement faible et un faible taux de sélection. 
  4. Sélection. Elle correspond aux changements dans la structure des communautés, causés par des différences de fitness entre individus.

L’environnement, qu’il soit biotique ou abiotique, peut fortement impacter la structure des communautés microbiennes associées aux plantes. Le sol seul n’est pas le seul facteur influençant la structure taxonomique du microbiote des plantes. Les saisons, la température, les radiations UV, la lumière ou encore la disponibilité en eau jouent également un rôle. Enfin, les pratiques agricoles ou la présence d’organismes macroscopiques comme les insectes pollinisateurs ou les insectes herbivores vont moduler la composition des communautés associées aux plantes.

Impact des interactions entre les micro-organismes sur le microbiote des plantes et des semences

Les micro-organismes interagissent constamment entre eux dans un continuum allant du mutualisme au parasitisme. La principale interaction reste la compétition et ce à deux niveaux : 

  • Compétition par interférence. Cette compétition est médiée par la production par des micro-organismes de composés qui vont inhiber la croissance d’autres micro-organismes. Cela peut se faire par contact ou par sécrétion dans le milieu. 
  • Compétition pour les ressources. Cela consiste à exploiter les ressources de manière plus efficace que son compétiteur. Pour cela, les bactéries vont développer des stratégies par
    • une meilleure métabolisation des ressources
    • et/ou par la sécrétion de métabolites permettant de dégrader ou de capturer les nutriments dans le milieu.

Sélection par l’hôte des micro-organismes présents dans le microbiote des plantes et des semences

La plante va en partie sélectionner son microbiote. Ainsi, le génotype de l’hôte est responsable de 1 à 10 % de la variation de la composition des communautés microbiennes de la plante. Outre le génotype, le compartiment de la plante , la sécrétion de métabolites, l’âge, les exsudats excrétés ou encore l’immunité de la plante peuvent tous être des facteurs influençant la structure du microbiote de la plante. Ainsi, la plante peut réguler son microbiote par son système immunitaire, mais réciproquement, le microbiote joue un rôle dans l’établissement et la maturation du système immunitaire de la plante

Pilotage du microbiote des semences en vue de mieux protéger la plante

Transmission verticale du microbiote à et par la semence

La transmission par la voie verticale, implique la transmission d’un micro-organisme ou d’une communauté microbienne sur plusieurs générations. Cette héritabilité du microbiote a son importance en agronomie car elle va permettre de moduler le microbiote de la plante entre les générations de plantes. La transmission des membres du microbiote par les graines a été explorée chez un grand nombre de plantes d’intérêt agronomique. Par exemple, chez le maïs, les semences d’hybrides de maïs génétiquement apparentées possèdent des taxons bactériens similaires. Chez le riz, environ 45 % des communautés bactériennes associées aux graines sont retrouvées sur deux générations successives.

Transmission à la semence

Trois voies principales régissent la transmission de micro-organismes à et par la graine :

  • interne,
  • florale,
  • externe.

Globalement, la colonisation précoce des graines en développement se fait par la voie interne via le xylème ou les tissus non vasculaires de la plante mère. Puis, les graines en développement peuvent être colonisées par la voie florale via le stigmate de la plante mère. Enfin, la voie externe influencera plus la colonisation tardive des graines matures. C’est le contact de la graine avec les micro-organismes présents sur les fruits ou les résidus de culture qui va permettre cette colonisation externe.

Transmission par la semence

La graine est colonisée par un ensemble de micro-organismes. Mais leur présence ne garantit pas leur transmission à future plantule. La germination débute par une phase d’imbibition des tissus de la graine et se termine lors de la sortie de la radicule . Pendant cette phase, de nombreux composés vont être relargués au voisinage de la graine, créant une zone d’intense compétition microbienne, la spermosphère. La plantule va ensuite se développer jusqu’à percer le sol et atteindre l’atmosphère, c’est ce qu’on appelle l’émergence. Cette étape établit le début de l’autotrophie de la plante. C’est à partir de cette étape que va majoritairement se différencier le microbiote des parties aériennes et racinaires de la plante.

Pendant la germination et l’émergence, va se dérouler la coalescence des communautés de micro-organismes associés aux graines et au sol. Elle correspond à la rencontre et au mélange entre deux ou plusieurs communautés. Elle est majoritairement asymétrique. En effet, des travaux ont montré que seulement 0,3 % à 15,0 % de la diversité en micro-organismes retrouvés sur la plantule de colza provient de la graine contre 35 à 72 % du sol.

Deux approches de pilotage du microbiote des semences

Biostimulation du microbiote des semences

Le lieu de production ou encore les itinéraires techniques sont des facteurs qui vont fortement influencer le microbiote des plantes. Par exemple, l’apport en fertilisants et pesticides, le labour, les propriétés du sol, de l’air ou encore de l’eau d’irrigation vont moduler les communautés microbiennes associées à l’environnement et aux plantes.

Le génotype de la plante influence également la composition du microbiote. Il doit donc être pris en compte dans des objectifs de biostimulation. Utiliser la sélection variétale pour moduler le microbiote des plantes serait ainsi possible. Et le microbiote offre une nouvelle source génétique héritable pour la sélection variétale et par conséquent, la sélection de son microbiote. On pourrait ainsi sélectionner des plantes excrétant des exsudats de graines spécifiques, ou encore des plantes ayant des fleurs avec des caractéristiques morphologiques particulières afin de sélectionner les microorganismes qui y sont associés.

Biocontrôle du microbiote des semences

Le biocontrôle par l’inoculation de taxons microbiens sur les plantes vise à moduler le microbiote des plantes. L’une des approches prometteuses est de cibler directement l’incorporation de micro-organismes dans les graines. En effet, les micro-organismes sont peu nombreux dans les graines. Il serait ainsi plus facile d’y intégrer un inoculum microbien, en comparaison à une plante mature qui possède un microbiote préexistant qu’il faudrait d’abord supprimer pour que l’inoculum puisse s’installer. 

Le premier levier pour l’établissement des inoculants est la pression de propagule. Il s’agit d’optimiser à la fois la dose et la fréquence d’application des inoculants pour optimiser leur installation dans la graine. Le second levier face au filtre environnemental consiste à sélectionner des taxons qui sont adaptés à l’habitat dans lequel on veut les inoculer. Dans le cas de la graine, il faut, notamment, des taxons capables de résister aux stress osmotiques. Enfin, dans un troisième temps, il est nécessaire que les taxons inoculés puissent résister aux stress biotiques et ne pas être inhibés par des taxons indigènes présentant des traits de compétition. 

D’autres publications sur la notion de microbiote sont disponibles dans notre rubrique Agroécologie.

Source

Guillaume Chesneau. Décryptage des processus d’assemblage du microbiote des graines dans le but de limiter la transmission d’agents pathogènes. Microbiologie et Parasitologie. Université d’Angers, 2021. Français. ffNNT : 2021ANGE0047ff. fftel-03678713f

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