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Oligo-éléments, fourrages prairiaux et besoins des bovins

Temps de lecture : 8 minutes

Oligo-éléments : des fourrages prairiaux carencés qui ne couvrent pas les besoins des bovins

Découvrez quel est le rôle des oligo-éléments dans la santé des bovins et quels sont les facteurs de variation des teneurs en oligo-éléments dans les fourrages prairiaux.

Chez les bovins, la liste des oligo-éléments indispensables se limite au fer, au zinc, au cuivre, au manganèse, à l’iode, au sélénium et au cobalt. Ces oligo-éléments jouent un rôle important dans les activités des enzymes (accélérateur de réactions chimiques au sein des organismes vivants) des animaux. Ainsi, ils sont impliqués dans de nombreux processus métaboliques.

La principale source d’oligo-éléments pour les bovins sont les fourrages qui puisent eux-mêmes leurs minéraux dans le sol. Toutefois, l’intensification fourragère, les modifications et la simplification de la flore, l’augmentation des rendements fourragers ont entrainé une diminution de la teneur en oligo-éléments des fourrages. L’évolution des pratiques de fertilisation a également joué. Ainsi, les scories, riches en oligoéléments et largement utilisées par le passé, ont été remplacées par des engrais composés d’azote, de phosphore et de potasse plus épurés.

Pour pallier ces teneurs plus faibles dans les fourrages, les bovins sont aujourd’hui supplémentés en oligo-éléments, entraînant un coût supplémentaire. Des travaux sont actuellement menés au sein de l’ARAD² pour voir dans quelle mesure il est possible de ré-augmenter la teneur en oligo-éléments des prairies notamment par la fertilisation.

Oligo-éléments et santé des bovins

Chez les bovins, la liste des oligo-éléments dont le rôle est bien connu se limite au fer, au zinc, au cuivre, au manganèse, à l’iode, au sélénium et au cobalt. Les autres ont un rôle démontré in vitro, bien qu’il ne soit pas aujourd’hui possible de le quantifier in vivo. Les oligo-éléments contribuent à la réalisation des fonctions vitales en tant que catalyseurs des systèmes enzymatiques ou composants indispensables des molécules essentielles comme certaines hormones et vitamines. Ces enzymes régulent également la réplication et la différenciation cellulaire. Ainsi, les oligo-éléments participent à de nombreuses chaînes métaboliques indispensables à la vie cellulaire. Les carences constituent donc un facteur limitant de l’élevage bovin.

Rôle des principaux oligo-éléments chez les bovins

Le Cuivre

Chez les bovins adultes, le cuivre (Cu) est présent principalement dans les tissus osseux, les muscles, le compartiment sanguin et le foie. Ce dernier joue le rôle d’organe de réserve. Ainsi, l’organisme des ruminants dispose de 2 mg de cuivre par kilogramme de poids vif. Il est un composant, cofacteur et activateur de nombreux systèmes enzymatiques. Le cuivre est un composant essentiel de deux enzymes importantes pour le système immunitaire : la superoxyde dismutase (SOD) et la céruloplasmine. Il est, avec le zinc, cofacteur de la SOD. Cette enzyme fait partie intégrante des systèmes antioxydants dont le rôle est de lutter contre le stress oxydant.

Le Zinc

L’organisme des bovins adultes contient environ 30 mg de zinc (Zn) par kilogramme de poids vif. Il est présent dans tous les tissus et principalement dans la peau et les phanères mais également dans les os et les muscles. Tout comme le cuivre, le zinc est un composant et un cofacteur de très nombreuses enzymes. Les rôles du zinc sont ainsi multiples et complexes. Il va intervenir dans de nombreuses fonctions métaboliques, immunitaires et hormonales :

  • Lutte contre le stress oxydant (SOD)
  • Métabolisme des glucides, lipides, protéines, acides nucléiques (ADN et ARN), et de la vitamine A
  • Protection des membranes cellulaires
  • Immunité cellulaire et humorale
  • Synthèse des hormones : insuline, GH, testostérone
  • Formation de la kératine…

L’iode

La teneur en iode (I) de l’organisme du bovin adulte est d’environ 0,4 mg/kg PV. 70 à 80 % de l’iode se localise dans la glande thyroïde. Le reste se répartit majoritairement dans les muscles, le foie et les ovaires. L’unique rôle connu de l’iode est d’être le constituant minéral de deux hormones. Il participe au métabolisme basal, au mécanisme de la thermorégulation, à la régulation du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines, à la régulation des mécanismes d’oxydation cellulaire, au système immunitaire, à la croissance osseuse et cartilagineuse, au développement musculaire, à la reproduction (fonction ovarienne et synthèse des hormones) et au développement du fœtus (cerveau, cœur et poumons).

Le sélénium

Le sélénium (Se) est un oligo-élément présent dans toutes les cellules de l’organisme. La teneur en sélénium chez le bovin adulte est d’environ 0,2 mg/kg PV et se concentre principalement dans les reins et le foie. Il est le constituant de nombreuses enzymes dont les glutathion peroxydases. Le sélénium est impliqué dans de nombreuses fonctions physiologiques :

  • Immunité et lutte contre le stress oxydant musculaire
  • Processus inflammatoire
  • Métabolismes de l’iode

De par l’implication très large des sélénoprotéines dans les voies métaboliques, le sélénium est essentiel chez les bovins en termes de performance, de reproduction et de défense immunitaire.

Besoins en oligo-éléments des bovins

Pour les besoins en oligo-éléments, l’INRAE n’adopte pas une approche factorielle telle que pratiquée pour les macro-éléments. La méthode utilisée est de type « dose-réponse ». Elle consiste à déterminer des seuils de carence et de toxicité à ne pas dépasser. Comme on peut le constater, il existe aussi des maximums réglementaires à ne pas dépasser pour certains oligo-éléments.

Besoins en oligo-éléments des bovins

Carences en oligo-éléments et troubles chez le bovins

Une synthèse réalisée sur 9 059 élevages entre 1998 et 2007 avait mis en évidence qu’en élevage laitier, les carences les plus fréquentes étaient les carences en iode (73,1 %). Elles étaient suivies des carences en zinc (22 %) et des carences en sélénium (12,7 %). Les carences en cuivre étaient quant à elles très rares (1,6 %). L’observation des carences varie en fonction des régions. Par ailleurs, on observait beaucoup plus de carences en bovins allaitants qu’en bovins lait.

Une étude complémentaire entre 2007 et 2017 confirme que les bovins allaitants sont plus carencés. Sur cette période, la carence en Molybdène (Mo) apparait comme la principale avec 29 % d’animaux carencés. On retrouve ensuite des carences en sélénium, zinc et iode. Il est important de noter qu’en comparaison de l’étude précédente, les carences en iode semblent bien moins importantes. Et en moyenne, 54 % des bovins lait présentent une carence forte (6,4 %) ou modérée (47,6 %) en zinc.

Il existe de multiples symptômes de carence, spécifiques à un oligo-élément ou au contraire communs à plusieurs. Ils sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Carences en oligo-éléments et troubles chez le bovins

Oligo-éléments et fourrages prairiaux

Des fourrages carencés en oligo-éléments

La principale source d’oligo-éléments, pour les bovins, sont les fourrages qui puisent eux-mêmes leurs minéraux dans le sol. Or, dans les années 1970, Bellanger, Périgaud et Lamand avaient mis en évidence à partir d’une enquête nationale sur 1 500 échantillons que les fourrages français avaient des teneurs en oligo-éléments inférieures aux recommandations journalières :

  • Cuivre : 94 % des foins de prairies naturelles, de premières coupes, avaient des teneurs inférieures au seuil de carence (7 mg/kg de MS) et 45 % inférieures à 5 mg/kg de MS. Les concentrations se situent entre 2,8 et 8,9 avec une moyenne de 5,2 mg/kg de MS
  • Zinc : 99 % des foins de prairies naturelles, de premières coupes, avaient des teneurs inférieures au seuil de carence (50 mg/kg de MS) et 30 % inférieures à 25 mg/kg de MS. Les concentrations se situent entre 13 et 60 avec une moyenne de 29,1 mg/kg de MS
  • Sélénium : les teneurs moyennes dans les fourrages étaient de 0,05 mg/kg de MS pour un maximal de 0,11 mg/kg de MS. Il n’existe pas de toxicité par le sélénium en France.

Cette enquête montrait que les fourrages français sont sub-carencés en cuivre, zinc, sélénium et molybdène. Ainsi, les rations hivernales composées exclusivement de fourrage et le pâturage en été ne permettent pas de couvrir correctement les besoins en oligo-éléments des animaux

Les principaux facteurs de variation des oligo-éléments dans les fourrages

Les besoins en oligo-éléments chez les plantes diffèrent qualitativement et quantitativement par rapport à ceux des animaux. Le fer (Fe), le manganèse (Mn), le zinc, le cuivre, le molybdène et le bore (Bo) sont essentiels à la croissance des végétaux mais le bore n’est pas nécessaire aux bovins. Cependant, l’iode et le sélénium assimilés par les plantes ne leur sont pas essentiels contrairement aux animaux.

La composition botanique des fourrages

La composition botanique des fourrages

La composition botanique des prairies influence les teneurs en oligo-éléments des fourrages. En 2020, Darch et al. montrent que les graminées (Dactyle, Vulpin, Fétuque, Houlque laineuse, Ray-grass anglais…) et les plantes telle que l’achillée millefeuille, la chicorée, le plantain ou la Pimprenelle contiennent, en moyenne, moins de cuivre et de zinc que les légumineuses (Lotus, Mélilot, Trèfle des près…). Cependant, les légumineuses sont plus sensibles aux carences en cuivre. Les graminées contiennent significativement plus de zinc que les plantes herbacées mais moins que les légumineuses. Les prairies riches en Ray-grass ont 10 % de cuivre en moins que les prairies sans prédominance en Ray-grass.

Par ailleurs, les plantes herbacées contiennent significativement plus de sélénium et d’iode que les graminées et les légumineuses. Enfin, la diversité d’espèces botaniques en prairies permanentes permet alors d’avoir des quantités plus constantes et plus équilibrées en oligo-éléments que dans les cultures mono-spécifiques.

Les stades et cycles de végétation

Le premier cycle de végétation présente des teneurs en Cu, Mn et Zn réduites de respectivement 37, 19 et 15 % par rapport aux repousses. Cela concorde avec les résultats de Bellanger en 1973 qui observait des secondes coupes mieux pourvues en cuivre. Dans l’expérimentation menée au sein de l’Inrae de Theix (1 500 échantillons de fourrages), le foin issu de parcelles ayant été déprimées avait une teneur en cuivre plus élevée, mais pas de manière significative. Les regains et fauche précoces étaient toujours plus riches en Cu. Pour le zinc, le déprimage donne des foins plus riches en Zn.

Il existe également une variation saisonnière importante des teneurs en oligo-éléments des plantes. Les teneurs en Cu, Zn et Mn diminue avec l’âge de la pousse. l faut aussi tenir compte du stade physiologique. En effet, il y a une baisse importante des teneurs lorsqu’on passe du stade herbacé au stade épiaison. Ainsi, les concentrations augmenteraient au cours de la saison pour de l’herbe pâturée à un stade végétatif similaire.

Les stades et cycles de végétation des fourrages

Le mode de récolte et de conservation

Le temps d’exposition au soleil et de présence au sol (perte de feuilles, variations hydrométriques et temps au sol) influent sur les teneurs en oligo-éléments. De plus, si la récolte des fourrages secs a lieu lors de mauvaises conditions météorologiques, le lessivage par la pluie peut alors entraîner une perte d’une partie des oligo-éléments.

Lors du séchage de l’herbe, des pertes en oligo-éléments sont observées. La dessiccation des plantes et la manipulation de l’herbe par les machines agricoles brisent les feuilles de l’herbe. Ainsi, les pertes engendrées s’élèvent à 9 % de cuivre (et à 11 % de zinc pour le foin séché en grange, et même à 18 % de zinc pour le foin séché au sol). Les fourrages peuvent perdre entre 10 et 25 % d’iode à la suite des travaux de fenaison.

Pour ce qui est des ensilages d’herbe, Wyss et al. (2018) constatent que les teneurs en oligo-éléments sont légèrement plus élevées que dans les fourrages secs correspondant. Ceci peut s’expliquer par une coupe de l’herbe à des stades de végétation plus précoces pour l’ensilage.

Concernant le stockage, les teneurs en oligo-éléments ne semblent pas évoluer durant la conservation du foin et du regain en sec sur un hiver. La conservation durant plusieurs hivers, en sec ou en ensilage, peut au contraire augmenter les pertes en oligo-éléments.

Le sol

De nombreux facteurs liés aux caractéristiques physico-chimiques du sol font varier la quantité d’oligo-éléments disponibles pour les plantes : 

  • Le pH du sol. Il joue un rôle très important dans l’absorption des oligo-éléments. Il influence la solubilité des micronutriments, leur concentration dans la solution du sol, leurs formes ioniques ainsi que leur mobilité ;
  • La teneur en matière organique et en argile du sol ;
  • L’humidité et l’aération du sol ;
  • Les interactions entre les éléments du sol ;
  • La nature géologique du sol ;
  • Les pratiques de fertilisation.

Résumé des facteurs de variation de la teneur en oligo-éléments dans le continuum sol-plante-bovin

Résumé des facteurs de variation de la teneur en oligo-éléments dans le continuum sol-plante-bovin

Nous avons également consacré un article au rôle des oligo-éléments dans la santé humaine, n’hésitez pas à le consulter.

Source

Anne-Laure Guittard, 2022. Évaluation du statut en oligoéléments de vaches allaitantes multipares autour de la mise-bas en système herbager. Médecine vétérinaire et santé animale.

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