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Antibiotiques en filières animales

Temps de lecture : 7 minutes

Réduction de l’utilisation des antibiotiques en filières animales : mesures, résultats et perspectives

Vous découvrirez dans cette publication, l’état des lieux concernant la réduction de l’utilisation des antibiotiques en filières animales.

Promouvoir un usage responsable et prudent des antibiotiques est un axe clé des plans d’action internationaux, européens et nationaux pour lutter contre l’antibiorésistance. De nombreuses recommandations et mesures visent à diminuer l’utilisation des antibiotiques en réservant leur usage dans les cas où il est strictement nécessaire. Dans une approche « Une seule santé », l’Agence européenne des médicaments a établi une catégorisation des antibiotiques à usage vétérinaire en prenant en compte à la fois le risque pour la santé humaine et les besoins en santé animale.

Il est particulièrement important de préserver les antibiotiques considérés comme critiques pour le traitement des maladies bactériennes chez l’Homme. Depuis 2011, des objectifs nationaux ont été définis afin de réduire l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire en France. Des initiatives prises par les filières et les plans Ecoantibio ont alors créé une dynamique qui a permis d’atteindre ces objectifs. La France fait d’ailleurs partie des pays européens qui ont le plus diminué ces dernières années l’usage des :

  • céphalosporines de 3e et 4e générations,
  • fluoroquinolones.

La nouvelle réglementation européenne prévoit un ensemble de mesures. Il vise alors à mieux encadrer et réduire l’usage de certains antibiotiques dans les élevages. Elle donne alors un nouvel objectif pour 2030. Trouver le bon équilibre entre la protection de la santé publique et la capacité de traiter les maladies infectieuses animales constitue le challenge de ces prochaines années.

Le point sur les mesures prises pour réduire l’usage des antibiotiques en élevage

Développement du concept One Health dans le Monde et en Europe

Lutte contre l’antibiorésistance

La lutte contre l’antibiorésistance est un défi majeur et mondial de santé publique. L’objectif clairement affiché est donc de réduire l’utilisation des antibiotiques en réservant leur usage dans les cas où il est strictement nécessaire. L’approche « One Health » considère aujourd’hui que la santé humaine, animale et des écosystème sont interconnectées. De plus, ils forment un tout. La perte d’efficacité des antibiotiques vis-à-vis de bactéries pathogènes impactent ces trois santés. Ainsi, dans cette approche, il est nécessaire que les objectifs de réduction en filières animales visent en particulier les antibiotiques les plus importants en médecine humaine.

L’Organisation Mondiale de la Santé, la FAO et l’Organisation mondiale de la santé animale ont commencé à travailler sur la résistance aux antimicrobiens. Ce travail a commencé il y a plus de 25 ans. Elles ont publié de nombreuses directives et normes. En 2011, elles alors ont adopté un accord tripartite afin d’étendre leur collaboration dans le sens du concept « One Health ».

Stratégie communautaire de lutte contre la résistance antimicrobienne

Dès 2001, l’Europe élabore une stratégie communautaire de lutte contre la résistance antimicrobienne. Cela s’est traduit par un premier plan en 2011 suivi d’un second qui couvre la période 2017 à 2022. Ce plan vise notamment à soutenir le développement de nouveaux antimicrobiens et de produits alternatifs pour les animaux et les humains. La législation de l’UE oblige tous les Etats membres à respecter les mêmes règles et obligations en matière d’autorisation et de surveillance des médicaments. Une classification des médicaments a été donc établie en prenant en compte :

  • le risque pour la santé humaine,
  • les besoins en santé animale.

Deux plans EcoAntibio renforcés par la loi d’avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt

En France, le Ministère de l’Agriculture a lancé fin 2011 Ecoantibio1. Il s’agissait d’un plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire. Il préconisait alors la mise en œuvre de 40 mesures sur la période 2012-2017 avec un objectif de réduction de 25 % de l’exposition des animaux aux antibiotiques.

Objectifs de réduction de l'utilisation des antibiotiques en filières animales en France
Objectifs de réduction de l’utilisation des antibiotiques en filières animales en France

La loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt publiée en 2014 a ensuite ajouté un objectif de réduction de 25 % sur les antibiotiques d’importance critique en trois ans. Elle a également mis fin aux remises, rabais et ristournes sur les achats d’antibiotiques. Enfin, elle préconise la possibilité de prescrire un antibiotique critique qu’en absence d’antiobiotiques non critiques efficaces. La préscription doit se faire aussi après la réalisation d’un test de sensibilité de la souche bactérienne responsable de l’infection à l’antiobiotique critique envisagé.

Un second plan Ecoantibio 2, publié en 2017, s’articule autour de quatre axes. L’orientation de l’un d’eux se fait sur le développement d’alternatives pour limiter l’utilisation des antibiotiques. Un autre axe s’intitule « des outils partagés ». Un des objectifs est de mettre à disposition des outils d’évaluation et de suivi du recours aux antibiotiques.

Retrouvez notre article consacré au plan EcoAntibio 2 sur notre site.

En parallèle, les filières ont prises de nombreuses initiatives :

  • guide de bonnes pratiques avec une déclinaison en recommandations par pathologie,
  • plan interprofessionnel pour la filière cunicole,
  • charte d’engagement de la filière volailles de chair…

De bons résultats en France permis par un investissement fort des filières d’élevage

Une dynamique de diminution de l’exposition des animaux aux antibiotiques en France

Le volume total des ventes s’élevait alors à 415 tonnes d’antibiotiques en 2020. Ce tonnage correspond à moins d’un tiers de celui enregistré au début du suivi en 1999 (1 311 tonnes). L’expression des ventes d’antibiotiques en tonnage de substance active ne reflète pas l’exposition des animaux aux différentes familles. Puisqu’il n’y a pas de prise en compte de l’activité thérapeutique des antibiotiques. Par contre, pour chaque médicament administré par voie orale ou parentérale, il est possible de calculer l’indicateur d’exposition ALEA. Cet indicateur prend alors en compte la posologie définie dans l’AMM du médicament.

En 2020, l’exposition des animaux aux antibiotiques a atteint son plus bas niveau depuis le début du suivi national. L’ALEA le plus élevé a été enregistré en 2005 pour toutes les espèces animales confondues. Puis, l’exposition a diminué sur la période qui a précédé la mise en place du plan Ecoantibio, entre 2005 et 2011.

Evolution de l'exposition animale aux antibiotiques depuis 1999 en France ALEA
Evolution de l’exposition animale aux antibiotiques depuis 1999 en France ALEA

Des plans Ecoantibio efficaces

L’objectif global du premier plan Ecoantibio a été largement atteint avec une diminution de l’exposition de 37 % en 5 ans entre 2011 et 2016. Ces bons résultats du premier plan sont liés au fait que vétérinaires et éleveurs s’étaient déjà inscrits dans les objectifs du plan Ecoantibio des années avant son lancement. Le premier plan a ainsi accompagné les initiatives et bénéficié d’une démarche de progrès déjà engagée.

Les différents objectifs nationaux de réduction de l’utilisation des antibiotiques ont été largement atteints en médecine vétérinaire en France. La diminution de l’exposition aux antibiotiques critiques se poursuit pendant le dexième plan Ecoantibio. Bien qu’elle soit moins élevée que pendant le premier plan.

bilan des résultats obtenus par les filières de rente en France pour les différents objectifs de réduction de l'exposition aux antibiotiques
bilan des résultats obtenus par les filières de rente en France pour les différents objectifs de réduction de l’exposition aux antibiotiques

Dans les filières bovine, porcine et avicole, la baisse de l’exposition aux antibiotiques était initiée avant le début du premier plan Ecoantibio. La baisse de l’exposition a été de 24 % entre 2011 et 2016 pour les bovins. Elle a également dépassé les 40 % pour les porcs et les volailles. Depuis le début du deuxième plan, la diminution de l’exposition se poursuit chez

  • les porcs (- 4 %),
  • les volailles (- 37 %).

Toutefois, l’exposition chez les bovins reste relativement stable (+ 2 %) par rapport à 2016.

De nouvelles mesures en préparation

Un objectif spécifique pour les antimicrobiens au niveau européen

De nouvelles restrictions s’instaurent en 2022 via le règlement européen 2019/6. Il amplifie la nécessité de réserver uniquement à l’usage humain certains antimicrobiens d’importance critique. L‘inscription de ces derniers se ferra dans une liste. Pour ces antimicrobiens, cela signifiera l’interdiction de l’utiliser chez l’animal, y compris dans le cadre de cascade. Par ailleurs, les animaux ou produits d’animaux ayant reçu des antibiotiques inscrits sur cette liste ne pourront être importés en Europe.

Reconnaissant le besoin important de données plus détaillées et standardisées, le règlement introduit également une exigence, par espèce animale au niveau de l’UE, pour les données « d’utilisation » de :

  • collecte,
  • déclaration.

Ces nouvelles dispositions législatives sur la collecte de données de ventes soutiendront également un objectif spécifique aux antimicrobiens fixé au niveau européen pour la prochaine décennie. Cet objectif est de réduire de 50 % les ventes globales des antimicrobiens de l’UE pour les animaux d’élevage et l’aquaculture d’ici 2030.

Un futur plan EcoAntibio 3

Constitution du futur plan EcoAntibio 3

En France, le plan Ecoantibio 2 a été prolongé jusque fin 2022 afin de synchroniser le futur plan sectoriel Ecoantibio 3. Il prendra en compte la nouvelle feuille de route interministérielle pour la maîtrise de l’antibiorésistance. Son lancement se ferra alors en 2023. Le Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux a récemment été alors chargé d’une mission ministérielle pour réaliser une évaluation complète des deux premiers plans Ecoantibio.

Après consultation de l’ensemble des parties prenantes, des axes de réflexion et des recommandations seront ainsi proposés pour l’élaboration du prochain plan. Les deux premiers plans nationaux pour lutter contre la résistance aux antibiotiques ont été :

  • structurants,
  • fédérateurs,
  • moteurs.

L’approche co-constructive pour définir le futur plan d’action sera importante afin de maintenir la dynamique instaurée depuis plus de 10 ans en France pour une utilisation prudente et responsable des antibiotiques en médecine vétérinaire.

Pourquoi un futur plan EcoAntibio 3

Réduire l’utilisation des antibiotiques chez l’animal comme chez l’Homme est une priorité afin de minimiser la résistance des bactéries aux antibiotiques. Ce concept repris au plan international, européen et français nécessite d’agir à plusieurs niveaux à la fois. Les plans d’action mis en place ont pour objectif de coordonner les différentes actions nécessaires. En France, les plans Ecoantibio ont permis une réduction substantielle de l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire. Cette réduction a donc particulièrement eu lieu pour les antibiotiques considérés comme critiques pour le traitement des maladies infectieuses chez l’Homme.

Le succès de ces plans relève avant tout d’une adhésion de l’ensemble des acteurs publics (ministères, agences sanitaires) et privés (industrie, vétérinaires, professionnels de l’élevage) associé au financement nécessaire de la part du ministère de l’agriculture. Cette réduction de l’utilisation s’est donc traduite par une diminution de la résistance des bactéries aux antibiotiques.

La nouvelle règlementation européenne met en place des outils permettant d’accroître les capacités de lutte contre la résistance aux antibiotiques. Pour poursuivre la diminution amorcée, il s’agit alors de trouver le bon équilibre entre la protection de la santé publique et la capacité de traiter les maladies infectieuses animales.

Source pour rédiger l’article sur la réduction de l’utilisation des antibiotiques en filières animales : mesures, résultats et perspectives

URBAN D., CHEVANCE A., BOUCHARD D., CHAUVIN C., ORAND J.P., MOULIN G., 2022. Réduction de l’utilisation des antibiotiques en filières animales : Quelles mesures, quels résultats, quelles perspectives ? In : Rationaliser l’usage des médicaments en élevage. Baéza É., Bareille N., Ducrot C. (Éds). INRAE Prod. Anim., 35, 257-274.

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