Céréales et oléagineux récolte 2021

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Céréales et oléagineux : bilan de récolte 2021 et tendances

Le bilan de récolte 2021 pout les céréales et oléagineux permet de ressortir des tendances importantes. Les tensions sur les marchés des matières premières que l’on connaît depuis près d’un an concernent également les marchés agricoles. Malgré des récoltes globalement satisfaisantes à l’échelle mondiale, la forte reprise économique et la demande soutenue en énergie créent des tensions directes ou indirectes sur plusieurs productions agricoles. L’impact des tensions géopolitiques passe au second plan dans ce contexte.

Les marchés agricoles n’échappent pas aux tensions mondiales sur les matières premières

Une véritable frénésie s’est emparée de l’ensemble des marchés des matières premières depuis la fin 2020.

Ces tensions sont liées à un décalage entre le fort rebond de la demande après le trou d’air provoqué par la crise Covid, et l’offre qui n’arrive plus à suivre. La Chine est la principale locomotive de cette hausse, dont les conséquences indirectes sur les marchés agricoles se font ressentir.

Hausse des cours du pétrole

C’est le premier effet de cette forte reprise de l’activité économique, avec un baril de Brent qui dépasse les 85 dollars fin octobre, soit une hausse de près de 120 % en un an. Un niveau qui n’avait plus été atteint depuis six ans. Cette envolée du prix du pétrole, accentuée par la politique de l’OPEP+ qui limite
volontairement la hausse de la production, renforce la compétitivité des biocarburants et donc la demande sur les matières premières agricoles.

Hausse du coût du fret

Conséquence d’une demande mondiale forte, le coût du fret maritime s’est envolé de plus de 200 % en un an . Il a atteint des niveaux que l’on n’avait plus connu depuis la crise financière de 2008. Là encore, la Chine joue un rôle prépondérant. Rôle accentué par la crise énergétique que ce pays connaît et qui le contraint à accroître ses importations de charbon.

L’effet sur les échanges mondiaux de matières premières agricole pourrait s’en ressentir sur les équilibres concurrentiels entre pays exportateurs. Leur compétitivité sur les destinations lointaines pourrait en être affectée au profit des origines proches. Ainsi les pays européens, dont la France, pourraient en
bénéficier sur les pays d’Afrique du Nord notamment, dont les besoins seront importants sur cette campagne.

Le prix des engrais s’envole

La flambée du prix du gaz naturel génère de nombreuses incertitudes sur les prix et la disponibilité des engrais azotés sur la campagne qui redémarre. Cela pourrait avoir des conséquences sur les choix d’assolement au printemps prochain. Les agriculteurs pourraient privilégier les productions moins consommatrices d’intrants. Ainsi, les surfaces de maïs pourraient reculer au profit du soja.

BLÉ : un marché sous tension malgré une très bonne récolte mondiale

Une production mondiale record mais contrastée

La récolte mondiale de blé s’annonce d’un bon niveau pour 2021-2022, avec une production record de près de 776 Mt selon les dernières estimations du Ministère américain de l’Agriculture (USDA). Une hausse modérée d’1 Mt mais supérieure de près de 13 Mt à la moyenne quinquennale.

Le bilan est malgré tout contrasté selon les zones de production. Ainsi, les principaux pays exportateurs (Dans l’ordre : Union Européenne (UE), Russie, Ukraine, États-Unis, Australie, Canada, Argentine) devraient voir leur production reculer de 10 Mt, à 362 Mt. Si la production de l’UE progresse de 13 Mt pour
atteindre plus de 139 Mt, le Canada et les États-Unis ont souffert de conditions climatiques particulièrement compliquées, entre vagues de chaleur et ouragans. Il en résulte des estimations de production en baisse respectivement de 14 et 5 Mt pour ces deux pays.

France : du volume mais une qualité dégradée

Les dernières estimations de production de blé français tablent sur une hausse annuelle de 21 %, à 35 Mt. C’est supérieur de plus de 5 % à la moyenne quinquennale.

L’effet surface est majeur (+ 16 %) alors que le rendement progresse de 5 %. En revanche, la qualité des blés français est le facteur limitant de cette récolte, en raison de conditions climatiques dégradées en fin de cycle. Ainsi, les poids spécifiques (PS) ne devraient pas dépasser les 75 kg/hl et seraient nettement inférieurs à la moyenne quinquennale. De plus, la teneur en eau serait de 14 % en moyenne, avec des taux bien plus élevés sur les derniers blés récoltés. Le travail de tri, de séchage et d’allotement, réalisé par les opérateurs devrait limiter la casse. Les taux de protéines sont par contre satisfaisants.

Une demande mondiale forte face à une offre limitée

Si l’offre mondiale s’accroit sur cette campagne, la demande est particulièrement soutenue. Ainsi, l’USDA estime la consommation mondiale de blé à 787 Mt, soit une hausse de 6 Mt. Si celle-ci se confirme, le stock de fin de campagne reculerait de 11 Mt, soit le plus bas niveau depuis cinq ans. Une baisse de stocks qui se retrouve très majoritairement au niveau des principaux exportateurs de blé (– 10 Mt), ce qui accentue les tensions sur ce marché.

Par ailleurs, la Russie, pénalisée par une récolte en retrait de près de 13 Mt, sera sans aucun doute moins offensive sur les marchés en deuxième partie de campagne. Afin de limiter la hausse de la farine et du pain dans le pays, les autorités envisagent même de mettre en place des mécanismes supplémentaires de régulation à compter de février 2022, sous forme d’un quota d’exportation. Des mesures qui se rajouteront aux taxes à l’exportation en place et révisées chaque semaine. En revanche, l’Ukraine bénéficie de disponibilités plus importantes pour l’export et se montre d’ores et déjà très présente dans les échanges depuis cet été.

Les pays importateurs les plus actifs sur le marché mondial en ce début de campagne sont la Turquie, les pays du Maghreb, la Chine et le Pakistan.

Les blés français profitent de la baisse des disponibilités

Les problèmes de qualité des blés français ne pénalisent pas trop la dynamique des ventes en ce début de campagne. Face aux tensions de marché, certains pays importateurs, comme la Chine, ont réduit leurs exigences de qualité. Ils laissent donc toute leur place aux blés français sur le marché.

De plus, les opérateurs français ont fait un travail important de tri pour répondre au maximum aux marchés les plus exigeants en qualité.

Dans ce contexte les cours progressent fortement avec une part de volatilité importante et les blés français restent compétitifs. La hausse du fret pourrait cependant représenter un facteur limitant pour les exportations hors UE. Elles pourraient en revanche limiter la concurrence des blés argentins qui vont
prochainement se retrouver sur le marché mondial.

Sur l’échéance décembre d’Euronext, le blé français dépassait les 280 €/t en cette fin octobre, soit une hausse de 36 % en un an.

MAÏS : une demande soutenue par la flambée du pétrole

Record historique de production

D’après le CIC (Conseil International des Céréales) la production mondiale de maïs devrait faire un bond de 84 Mt à 1 210 Mt, soit près de 8 % de hausse en un an et autant par rapport à la moyenne quinquennale. À eux seuls, les États-Unis auront une production de 382 Mt, en hausse de 23 Mt (effet cumulé des surfaces et des rendements qui progressent).

En revanche, la récolte brésilienne serait en recul de près de 16 Mt et n’atteindraient que 87 Mt. L’Ukraine qui exporte une grande partie de sa production, devrait également réaliser une excellente récolte (39 Mt, soit 9 Mt).

La récolte dans l’UE s’annonce correcte à 68 Mt.

En France, Agreste a revu dernièrement ses prévisions de production de maïs à la hausse à plus de 14 Mt. Cette hausse est de 4,3 % par rapport à 2020. Mais avec un retard de récolte d’environ trois semaines, la prudence reste de rigueur. De plus, ce retard pourrait engendrer des coûts de séchage plus élevés.

Un bilan plus confortable mais des facteurs haussiers

Avec une consommation attendue à 1 201 Mt, les stocks de fin de campagne devraient progresser de 9 Mt selon le CIC. Cela met fin à quatre années consécutives de baisse des stocks. Pourtant, avec une consommation qui ne cesse de croître, le ratio stocks/consommation représente moins de 24 % et
reste loin des 34 % de 2016.

De plus des éléments haussiers devraient maintenir des cours élevés, au moins jusqu’au printemps 2022, date à laquelle les récoltes de l’hémisphère sud arrivent sur les marchés.

Parmi ces facteurs haussiers : les tensions sur le marché du blé qui se répercutent sur le maïs. Ce dernier devrait ainsi bénéficier de débouchés supplémentaires en alimentation animale.

De plus, la hausse des prix de l’énergie encourage l’utilisation de l’éthanol, dont on constate une forte hausse de la production aux États-Unis.

Enfin, à plus longue échéance, on craint une baisse des emblavements en maïs l’an prochain en raison de la hausse probable des coûts de production induits par la flambée du prix des engrais azotés.

ORGE : situation explosive sur le marché mondial

Après deux années de hausse sensible de la production mondiale d’orge, la récolte 2021 s’annonce en net retrait à 147 Mt, soit une baisse de 12 Mt. A l’inverse, dans l’UE la production est estimée à près de 55 Mt, soit une hausse de 2 Mt.

En France, la production d’orge devrait représenter un peu plus de 11 Mt, soit une hausse proche de 10 %. Malgré des surfaces en recul de 14 %, le rendement devrait progresser de 25 %, à 66 q/ha.

Avec une consommation estimée à 152 Mt par le CIC, on s’achemine vers un stock de fin de campagne historiquement bas. La Chine et l’Arabie Saoudite, qui
représentent 56 % du commerce mondial d’orge, devraient voir leurs importations légèrement reculer.

Dans ce contexte, les cours s’envolent, à près de 250 €/t rendu Rouen pour l’orge fourragère et à 315 €/t Fob Creil pour l’orge de brasserie.

La prime élevée entre les orges brassicoles et fourragères tend à se réduire légèrement sous l’effet d’une récolte d’orge de printemps meilleure que prévu en France.

SOJA : la production mondiale fait face à la demande

La production mondiale de soja battrait le record de 2020. Production de 385 Mt selon l’USDA, soit une hausse de près de 14 Mt.

Une hausse imputable principalement au Brésil (137 Mt, soit + 9 Mt) et aux États-Unis (115 Mt soit 6 Mt). Sur le début de campagne, la demande est soutenue, en raison des très bonnes marges industrielles pour la trituration.

La hausse des cours du pétrole constitue également un soutien de poids pour l’huile de soja. En revanche, le recul de la demande animale pèse sur le marché des tourteaux. En Chine, la chute des prix du porc limite l’appétit pour les tourteaux de soja.

L’USDA anticipe des stocks de fin de campagne en hausse de 3 Mt, à 105 Mt. Pour la prochaine campagne, on s’attend à une hausse des surfaces de soja aux dépends du maïs, plus consommateurs d’intrants.

Concernant le soja non OGM, les disponibilités sont limitées face à une demande en hausse, notamment en France.

COLZA : la très mauvaise récolte canadienne limite les disponibilités

L’actualité sur le colza est fortement concentrée sur la flambée et la volatilité des cours qui s’est accrue depuis le début de l’été. Le colza rendu Rouen flirte ainsi avec les 700 €/t. D’un côté les disponibilités sont réduites sur cette campagne en raison d’une récolte de canola en très net repli au Canada
(– 24 % à 15 Mt selon StatCan, soit la plus petite récolte sur neuf ans) et de l’autre, une demande soutenue. Au même titre que pour le soja, les triturateurs
bénéficient de marges confortables. Ils sont donc à l’achat, alors qu’en parallèle le marché de l’huile de palme est très tendu.

Au final, l’USDA anticipe un recul de 2 Mt des stocks de fin de campagne, qui ne représenteraient plus que 4 Mt. Il ne semble pas y avoir de facteur baissier majeur pour les mois à venir sur ce marché.

À suivre …

  • Évolution de la dynamique économique mondiale
  • Évolution du coût de l’énergie (pétrole et gaz)
  • Incidence de la hausse des cours de l’engrais sur les choix d’assolement en 2022
  • Évolution du coût du fret maritime, facteur de compétitivité important entre pays
  • Politique de régulation des exportations de céréales de la Russie

Nous vous proposons également sur le thème des « céréales et oléagineux », notre précédente note parlant des marchés sous pression.

Sources

Rapport CIC du 21/10/2021

Rapport USDA du 12/10/2021

Conseil spécialisé grandes cultures septembre et octobre 2021 FranceAgriMer

Notes de conjoncture mensuelles FranceAgriMer

Analyses des marchés d’Agritel et Talage

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