Céréales et oléagineux : prévisions campagne 2023-2024
Découvrez notre dernière veille économique du mois d’octobre 2023 sur le marché des grandes cultures : céréales et oléagineux.
Il n’y a pas de tension majeure à l’horizon pour cette campagne qui débute. Les marchés semblent avoir intégré l’impact de la guerre en Ukraine, et les problèmes climatiques rencontrés dans certaines zones du globe ne provoquent pas d’impact majeur sur l’équilibre des bilans pour le moment. Il faudra toutefois surveiller les effets d’El Niño dans l’hémisphère sud, ainsi que l’évolution de l’inflation qui pénalise la consommation.
Céréales : évolution contrastée entre maïs et blé
Les dernières estimations du CIC (Conseil International des Céréales) font état de prévisions de production mondiale de céréales (hors riz) de 2 294 Mt pour la campagne 2023-2024, soit une hausse de 1 % sur un an et de 3 % par rapport à la moyenne quinquennale.
La production mondiale de blé devrait reculer de près de 3 % mais serait largement compensée par celle de maïs qui devrait progresser de plus de 3 %. Le maïs représentant 53 % de la production mondiale de céréales, cela explique la hausse globale de la production mondiale.
La dynamique de consommation anticipée en maïs et blé devrait cependant réduire les stocks de céréales en fin de campagne de près de 2 %, après trois années consécutives de stabilité. La baisse de stocks devrait concerner le blé tandis que ceux de maïs devraient sensiblement augmenter.
Blé : les échanges pourraient être pénalisés par une répartition inégale des volumes
Une production mondiale satisfaisante
Après une campagne de blé 2022-2023 record, celle en cours s’annonce d’un niveau proche même si elle est en léger recul, à 787 Mt selon les dernières estimations de l’USDA (Ministère américain de l’agriculture). Elle reste ainsi supérieure de 3 % à la moyenne des cinq dernières années.
La Russie va rester sans aucun doute un acteur majeur cette année sur le marché mondial, avec une production estimée par l’USDA à 85 MT, mais que certains anticipent à un niveau plus proche du record de l’an passé (92 Mt). Dans l’UE (Union Européenne), la production de blé devrait être stable à 134 Mt.
Le constat est un peu différent en France, avec une production estimée à 35 Mt, d’après FranceAgriMer. Si les conditions météorologiques à compter de juin ont pénalisé le potentiel de rendement dans l’hexagone, le bilan reste plutôt satisfaisant, avec une hausse de 4 % de la production. Dans la moitié nord de la France, les résultats sont plus hétérogènes avec une récolte qui s’est terminée tardivement et a impacté la qualité des blés.
L’Australie, acteur majeur sur le marché mondial, devrait voir sa production chuter fortement, après la campagne record sur 2022-2023 : elle passerait de 39 à 26 Mt, et serait légèrement inférieure à la moyenne sur cinq ans.
Une offre mondiale cependant limitée
Si on s’arrête aux prévisions de production mondiale de blé, on occulte un détail important sur cette campagne, qui pourrait provoquer des tensions sur le marché export : le nombre de pays en capacité d’exporter des volumes de blé significatifs est limité. Or, les sept principaux pays exportateurs subissent une baisse de 17 Mt de leur production pour 2023-2024 (Russie, Union Européenne, États-Unis, Canada, Ukraine, Argentine et Australie). Cela rend l’équilibre des flux fragile. Il faudra par ailleurs suivre l’évolution du phénomène El Niño et ses effets sur la production australienne, qui est déjà attendue en net repli.
Dans ce contexte, la Russie détient un atout majeur, avec des disponibilités importantes suite à deux très bonnes années de production. Dans le contexte du changement climatique, le développement depuis quelques années de sa production de blé d’hiver, plus favorable que celle de blé de printemps, semble se confirmer et porter ses fruits.
En revanche, la baisse de la demande animale dans le contexte inflationniste actuel et l’abondance de l’offre en maïs pourrait limiter les tensions sur le marché du blé.
La compétitivité du blé français chahutée
Les disponibilités françaises en blé pour l’export devraient être au rendez-vous tant en volume qu’en qualité suite à la récolte 2023. Mais l’enjeu pour le blé français est de rester compétitif alors que plusieurs signaux le pénalisent en ce début de campagne.
Ainsi, la flambée du coût du fret provoquée par la crise sanitaire est derrière nous et permet à des pays exportateurs éloignés de nous concurrencer davantage sur des débouchés qui nous étaient favorables.
De plus, la Russie est très agressive en ce début de campagne, afin de trouver des débouchés pour sa récolte abondante et les 50 Mt qu’elle pourrait exporter cette année. Elle a également besoin de liquidités pour financer son économie et la guerre qu’elle mène contre l’Ukraine. Ainsi, Moscou propose des facilités de paiement à certains pays et va jusqu’à donner du blé à ceux qu’elle cherche à influencer sur leur position concernant le conflit russo-ukrainien… Plus que jamais, le blé est une arme diplomatique redoutable pour la Russie.
Par ailleurs, la difficulté de l’Ukraine à exporter sa récolte suite à la fin de l’accord sur le corridor maritime provoque un afflux de cette origine sur le marché européen, ce qui pénalise les autres pays de l’UE.
Il faudra voir si la présence de la Russie sur le marché mondial sera toujours aussi forte sur la seconde partie de campagne, afin de saisir des opportunités de marché.
Des prix en baisse
Dans ce contexte de marché tendu, où le blé français peine à conserver un niveau compétitif face aux origines de la Mer Noire, les cours ont reculé de plus de 50 % en un an, pour atteindre 230 €/t pour la cotation rendu Rouen.
Maïs : reconstitution des stocks
D’après l’USDA, la production mondiale de maïs progresserait de près de 6 % pour atteindre 1 214 Mt. Les États-Unis représentent près d’un tiers de la production mondiale de maïs. Malgré des conditions climatiques chaotiques sur la Corn Belt, la récolte devrait être abondante : elle progresserait de 10 % en volume, en raison d’une forte hausse des surfaces.
L’Argentine, qui avait connu une mauvaise récolte l’an passé, bénéficiera d’une production record de 54 Mt.
Enfin le Brésil, deuxième producteur mondial, va connaître une production moins abondante mais sensiblement supérieure à la moyenne quinquennale (+ 21 %). Sa capacité d’exportation reste importante, en particulier vers la Chine où il concurrence fortement le leadership américain.
Dans un contexte de baisse de la demande animale, la consommation progressera moins vite que la production et devrait permettre une augmentation des stocks de plus de 6 %.
Dans l’UE, la production de maïs devrait progresser significativement pour atteindre 59 Mt mais resterait en retrait de près de 10 Mt par rapport à sa moyenne historique. Malgré une assez bonne récolte, les surfaces emblavées sont en baisse. L’UE aura donc besoin d’importer des volumes conséquents, malgré la baisse de la demande animale. La capacité de l’Ukraine à exporter sera donc primordiale pour faire face à ces besoins.
Les cours du maïs sont en forte baisse depuis un an et atteignent péniblement les 210 €/t sur le marché Euronext en cette fin septembre, soit une baisse de près de 40 % sur un an.
Orge : baisse de la production et demande chinoise en berne
La récolte mondiale d’orge devrait reculer de 6 % en 2023-2024, sous l’effet de la baisse de rendement et de surface dans les trois premiers pays producteurs (UE, Australie et Russie), qui représentent 55 % de la production mondiale. Par rapport à la moyenne cinq ans, la baisse est du même ordre.
La France est à contre-courant de l’UE avec une hausse de 2 % de sa production à 12 Mt. Mais cette dernière devrait voir ses exportations reculer en raison d’une baisse de la demande chinoise et de l’accord trouvé entre Pékin et Canberra pour suspendre la taxe sur les importations australiennes.
Cependant, l’origine australienne devrait être moins présente sur l’Arabie Saoudite notamment, en raison de sa récolte en recul.
La baisse des stocks mondiaux sera limitée par la faible demande sur cette campagne et la concurrence du maïs, dont les disponibilités sont abondantes.
Soja : nouveau record de production
Le Brésil domine les échanges mondiaux
Un nouveau record est attendu pour la campagne 2023-2024, avec une production mondiale de soja qui devrait augmenter de plus de 8 % à 401 Mt (rapport USDA). Par rapport aux cinq dernières années, c’est même une hausse de 11 %. L’attractivité de cette culture ne se dément pas, dans un contexte de surenchérissement des intrants.
La récolte aux États-Unis devrait connaître une contraction de 3 %, largement compensée par la hausse des récoltes sud-américaines. Le Brésil confirme son leadership sur ce marché.
Niveau record des importations chinoises
L’appétit chinois pour le soja ne faiblit pas, avec une progression de 11 % de ses importations sur la campagne 2022-2023, pour un volume total de 102 Mt. Sur la campagne 2023-2024 les besoins de la Chine devraient être proche de ce niveau selon l’USDA. Le Brésil, fort de disponibilités importantes et de prix compétitifs, restera le principal fournisseur de ce pays, face aux États-Unis, qui peinent à reprendre des parts de marché sur cette destination.
Colza : deux années de bonne récolte consolident le bilan
La récolte mondiale de colza sur 2023-2024 devrait reculer de près de 4 % selon l’USDA pour atteindre 85 Mt. Cette baisse est à relativiser dans la mesure où la production restera supérieure de 12 % à la moyenne quinquennale. C’est donc un très bon millésime. Le Canada, qui est de loin le premier exportateur mondial de colza, conserve un niveau très satisfaisant de production, malgré un très léger repli. Ce pays aura donc de bonnes capacités d’exportation comme l’an passé.
L’UE, premier producteur mondial de colza, devrait connaître une récolte identique à 2022-2023.
En France, le rebond des surfaces emblavées en colza se confirme depuis le point bas de 2021. En deux ans, elles ont ainsi progressé de près de 37 %.
Si les cours du colza connaissent un léger rebond fin septembre, entrainés par la hausse des cours du pétrole, ils ont tout de même baissé de 20 % depuis un an, sous l’effet de la pression de la récolte canadienne, d’un report de stocks conséquent de l’ancienne récolte et d’importations dynamiques en provenance d’Ukraine.
À suivre…
- Évolution du phénomène El Niño sur les pays du sud (en particulier l’Australie)
- Capacité de la Russie à exporter
- Compétitivité des blés français par rapport aux blés russes
- Évolution de l’inflation et ses effets sur la consommation
Retrouver au format PDF la veille économique du mois d’octobre 2023 sur le marché des grandes cultures : céréales et oléagineux.
Sources pour céréales et oléagineux, octobre 2023
- Conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer (septembre 2023)
- Rapports USDA
- Rapports CIC
- Agritel
- La France Agricole / Tallage
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