De la fourche à la fourchette | août 2024

Temps de lecture : 6 minutes

De la fourche à la fourchette d’août 2024 : éleveurs et émissions de GES, consommation alimentaire des ménages, délégation de travaux dans les exploitations, la ressource en eau

Découvrez la dernière publication de la fourche à la fourchette du mois d’août 2024 sur les thématiques suivantes :

  • Accompagner les éleveurs vers la réduction de leur empreinte carbone
  • En 2023, la consommation alimentaire des ménages ralentit à nouveau
  • Toujours plus de délégation de travaux à l’échelle des exploitations
  • Quantification de la ressource en eau et de ses usages en France

Accompagner les éleveurs vers la réduction des émissions de GES

La Stratégie Nationale Bas-Carbone

Une mission a été confiée au CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) dans un objectif d’analyse des politiques de réduction des émissions de méthane par l’élevage dans des pays où le méthane constitue l’un des principaux gaz à effet de serre (GES) émis.

En effet, le méthane est un gaz à très fort pouvoir réchauffant puisqu’une tonne de ce gaz peut être considérée comme équivalente à 28 tonnes de CO2 si l’on considère son impact sur 100 ans. Sa durée de vie dans l’atmosphère est d’environ 12 ans avant de se transformer en CO2.

En France, la Stratégie Nationale Bas-Carbone vise à limiter les émissions de méthane. Ses préconisations sont basées sur la gestion des effluents d’élevage et leur méthanisation pour toutes les espèces animales.

Pour les ruminants, principaux émetteurs de méthane en France, il s’agit aussi de réduire leurs périodes improductives, et de limiter leur fermentation entérique.

Origine des émissions nationales 2022 de méthane du secteur agriculture et sylviculture, d'après CIPTEPA - Avril 2023

L’analyse du CGAAER

Part du méthane entérique et des effluents dans les émissions du secteur agricole

Les pays ciblés pour l’analyse du CGAAER sont les Pays-Bas, le Danemark, l’Allemagne, l’Irlande, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Brésil.

L’analyse a permis de constater que pour ces pays, leur motivation est souvent double :

  • atteindre les objectifs nationaux, le plus souvent non contraignants, de réduction de méthane provenant de l’élevage,
  • afficher à l’exportation la performance environnementale du lait, des produits laitiers et de la viande.

À l’instar des Pays-Bas, dans certains pays à fortes densités d’animaux, des politiques de réduction du cheptel ont été mises en place. Mais ces politiques sont coûteuses et lentes, du fait de leur caractère volontaire. 

Pour des raisons d’acceptabilité et de fragilité du modèle économique de l’élevage en France, il ne paraît donc pas envisageable aux auteurs du CGAAER de mettre en place des dispositifs réglementaires ou financiers contraignant les éleveurs à diminuer les émissions de méthane de leur cheptel. Le déploiement des techniques (comme l’ajout d’additifs alimentaires à la ration des vaches) ne se fera qu’à la condition que le marché rémunère les productions certifiées « bas-carbone ». L’obligation de prise en compte des émissions de méthane dans les achats des entreprises du secteur agroalimentaire soumises au « bilan carbone » ou les paiements pour services environnementaux, intégrant la réduction des émissions de méthane, pourront y contribuer.

En 2023, la consommation alimentaire des ménages ralentit à nouveau

L’année 2023 s’est caractérisée par une forte inflation (+ 7,1 % en moyenne annuelle), notamment sur les produits alimentaires (+ 12,1 %). Cette augmentation des prix a conduit à une diminution de la consommation alimentaire des ménages français de 3,2 % en volume. Elle fait suite à une première baisse des volumes consommés en 2022 (- 2,5 %) avec la reprise de la restauration hors domicile et la réduction du télétravail.

La baisse de la consommation alimentaire des ménages s’est traduite par une réduction des quantités consommées, mais aussi par des changements dans la qualité des produits consommés (recours plus fréquent à des produits d‘entrée de gamme) et dans la façon de les consommer (développement du e-commerce).

Presque toutes les catégories de produits alimentaires sont concernées par cette baisse de consommation. A l’exception des pains et des céréales dont la consommation se stabilise. Les volumes de viande sont quant à eux fortement impactés (- 4,1 %).

Évolution en volume (en %)Évolution en prix (en %)
20202021202220232020202120222023
Produits alimentaires, dont :3,9-0,4-2,5-3,22,10,67,212,1
Pains et céréales1,07,01,60,00,80,47,211,5
Viandes5,2-4,5-6,3-4,13,10,97,910,6
Poissons et crustacés3,30,3-12,6-8,33,10,49,59,0
Légumes3,4-2,6-4,6-5,44,10,38,714,2
Boissons non alcoolisées3,00,51,8-4,3-0,10,05,611,7
Évolution de la consommation des ménages en produits alimentaires et boissons non alcoolisées. D’après INSEE, comptes nationaux, base 2020

Globalement, les dépenses en volume des ménages français (pas seulement en produits alimentaires) restent inférieures de 3,1 % en 2023 de leur tendance d’avant crise COVID. Les derniers chiffres de juin 2024 révélés par Circana confirment globalement ces tendances.

Toujours plus de délégation de travaux à l’échelle des exploitations

56 % des exploitations ont recours à la délégation

Le recensement agricole 2020 avait confirmé que les agriculteurs faisaient de plus en plus souvent appel à des prestataires extérieurs (CUMA ou ETA) pour leur déléguer certains travaux. 56 % des exploitations avaient recours à ces services, portant principalement sur tout ou partie des travaux des champs. Seulement 7 % des exploitations déclaraient les utiliser pour des actes techniques relatifs à leur atelier d’élevage. Mais c’étaient les éleveurs laitiers (85 % d’entre eux) qui faisaient le plus appel à la délégation de travaux, notamment dans les plus grandes exploitations.

Certains agriculteurs font de la délégation intégrale (du semis à la récolte, voire les décisions agronomiques, jusqu’aux décisions économiques). D’après une enquête de MDA citée par Réussir, 50 % des ETA interrogées réalisent des prestations complètes, contre 34 % en 2013, considérant que cette activité va encore progresser. Le sociologue François Purseigle estime, quant à lui, que « les données du recensement minimisent largement ces pratiques » et que, dans certaines régions, 18 % des fermes pratiquent la délégation intégrale (toutes productions confondues).

Manque de main-d’œuvre, astreinte de l’élevage, choix de consacrer son temps à une activité de diversification, absence de repreneur, logique patrimoniale (je conserve la ferme familiale mais je ne veux pas l’exploiter moi-même) ou logique économique (coût et débit de chantier plus favorables chez le prestataire) sont autant de raisons qui motivent la délégation de travaux.

Les formes de délégation

A l’instar des ETA ou des CUMA, des entreprises privées de gestion pour compte et des coopératives (comme Euralis ou Noriap) proposent des offres de délégation sur les cultures. Plus récemment, c’est InVivo qui a annoncé la création d’un service d’assistance à la gestion d’exploitations agricoles.

Si cette forme de délégation interroge certains agriculteurs, qui dénoncent une forme d’intégration des exploitations par l’aval ou l’amont, elle peut répondre aux besoins d’exploitants sans successeur et à des opérateurs économiques soucieux de préserver leurs ventes ou leurs approvisionnements.

Quantification de la ressource en eau et de ses usages en France

Une note produite par France Stratégie, en avril 2024, décrit les prélèvements et les consommations d’eau, selon leurs usages, au niveau des sept grands bassins versants français.  Elle a pour objectif de clarifier les termes du débat dans le contexte des tensions croissantes sur la disponibilité en eau, en lien avec le changement climatique.

L’eau utilisable par les écosystèmes et par les activités humaines en France représente 40 % des précipitations, et l’évapotranspiration 60 %. Si la quantité d’eau sur Terre est constante. Le volume d’eau renouvelable, et donc utilisable, est en diminution en France de 14 % entre les périodes 1999-2001 et 2002-2018, essentiellement du fait de la baisse des précipitations liée au changement climatique.

Qui prélève et pour quels usages ?

Les prélèvements d’eau correspondent aux volumes d’eau douce extraits temporairement ou définitivement des eaux de surface :

  • lacs et rivières pour 82 % ;
  • des eaux souterraines pour 18 %.

Ils représentent annuellement environ 6 % des précipitations et 15 % de l’eau utilisable, c’est relativement peu. Mais cela peut masquer des pourcentages beaucoup plus élevés dans certains territoires ou des tensions sur la ressource en période estivale.

L’agriculture représente en moyenne 11 % de ces prélèvements d’eau, loin derrière les 47 % dévolus au secteur de l’énergie (refroidissement des centrales nucléaires). Les prélèvements agricoles sont essentiellement liés à l’irrigation. France Stratégie estime l’eau d’abreuvement des animaux ou servant au nettoyage des bâtiments d’élevage à moins de 1 % des prélèvements agricoles.

Les quantités d’eau prélevées pour l’irrigation varient selon :

  • les bassins versants. Le bassin Loire – Bretagne dispose des surfaces irriguées les plus grandes ;
  • la nature des cultures irriguées. Par unité de surface, les légumes, les vergers, le soja, le maïs et les pommes de terre sont les cultures qui demandent le plus d’eau.

Dans tous les bassins, la part d’exploitations et les surfaces équipées pour l’irrigation augmentent. Mais, c’est dans le nord de la France que leur développement est le plus marqué.

Distinguer prélèvement et consommation

La consommation d’eau correspond à la partie du prélèvement qui ne retourne pas directement à la ressource mobilisable. L’eau consommée est celle qui est soit évapotranspirée après prélèvement, soit incorporée (par l’Homme ou dans des produits). En France, quatre grands secteurs sont consommateurs d’eau :

  • l’industrie et la construction (9 %) ;
  • le secteur domestique pour l’eau potable (16 %) ;
  • l’énergie (14 %) ;
  • l’agriculture (62 %).

Les consommations en eau pour l’agriculture sont particulièrement élevées dans les bassins Adour-Garonne, Rhône-Méditerranée et Loire-Bretagne. Il s’agit des bassins les plus irrigués. Aussi, les consommations en eau de juin à août représenteraient 60 % du total annuel. Alors que, dans le même temps, l’eau douce qui transite dans les cours d’eau correspond à seulement 15 % du volume annuel.

Dans le contexte du changement climatique, il est important d’identifier les territoires et les périodes où les conflits d’usage peuvent apparaitre. Le caractère localisé de la demande en eau, la quantité de la ressource disponible et leurs variations au cours de l’année doivent être pris en compte dans les différents scénarii d’usage de l’eau.  

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