De la fourche à la fourchette de mars 2024 : souveraineté sur l’élevage, changement climatique, origine des viandes et des produits, femmes dans l’agriculture.
Au sommaire de la fourche à la fourchette du mois de mars 2024 :
- Lancement du « Plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage«
- Face au changement climatique, 5 scénarios pour la filière grandes cultures
- L’origine des viandes concerne aussi les produits transformés
- L’origine des produits, privilégiée au prix d’achat par les Français
- La place des femmes dans l’agriculture
Rédaction : Elise Guérin
Lancement du « Plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage »
À l’occasion du Salon de l’Agriculture à Paris, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, a présenté aux filières d’élevage le « Plan gouvernemental pour reconquérir notre souveraineté sur l’élevage ». Il a été renforcé conformément aux annonces du Premier ministre le 1er février dernier, et structuré autour d’une ambition : « nous devons produire ce que nous consommons ».
Cinq axes prioritaires identifiés
Le Gouvernement a identifié cinq axes prioritaires pour répondre à cet enjeu :
- Traduire en objectifs chiffrés l’ambition gouvernementale pour chaque filière afin de conserver la souveraineté de l’élevage. À cette fin, les Chambres d’Agriculture devraient lancer au deuxième trimestre 2024 des débats territoriaux associant les organisations agricoles, les représentants des citoyens et les collectivités territoriales.
- Objectiver et promouvoir les apports de l’élevage pour redonner ses lettres de noblesse au métier d’éleveur. Une grande campagne de communication devrait voir le jour sur le thème des apports positifs de l’élevage et sur celui de la découverte des métiers de l’élevage et des filières animales.
- Améliorer le revenu des éleveurs et renforcer la compétitivité des filières d’élevage. Pour cela, des mesures fiscales adaptées aux différentes filières devraient être mises en place avec la création d’une provision sur stocks, la réalisation d’une conférence des solutions d’ici avril, l’amplification des contrôles de la loi Egalim sur les grandes enseignes et les centrales d’achat. Mais aussi, la transparence de l’information du consommateur concernant l’origine des denrées alimentaires d’origine animale, la rénovation du réseau des abattoirs et la défense de la réciprocité des normes.
- Accroître l’attractivité du métier d’éleveur pour assurer le renouvellement des générations Il s’agit notamment d’améliorer le service de remplacement. Pour soutenir massivement les nouvelles installations et les investissements porteurs de transitions, le gouvernement souhaite proposer des prêts bonifiés garantis par l’État. Cela passerait également par la simplification et l’accélération des procédures administratives pour les bâtiments d’élevage (diminuer à deux mois les délais de recours contre les projets agricoles).
- Replacer l’élevage au cœur de la transition écologique pour accroître la contribution des filières d’élevage à la décarbonation et améliorer leur résilience. Un grand séminaire sur la recherche et le développement aura lieu au deuxième trimestre 2024. Enfin, l’État financera intégralement la conception du futur système de traçabilité pour toutes les filières ainsi que la dématérialisation des documents d’identification en filière bovine.
De nouvelles annonces dont il faudra suivre la mise en application.
Face au changement climatique, 5 scénarios pour la filière grandes cultures
Un groupe d’experts animé par FranceAgriMer a élaboré cinq scénarios d’adaptation possible des filières grandes cultures pour faire face au changement climatique, à horizon 2040-2045. Cette étude a été présentée au comité « Grandes Cultures — Atténuation et Adaptation au changement climatique » de FranceAgriMer à l’occasion du Salon de l’Agriculture 2024. Elle a été demandée par les interprofessions des grandes cultures suite au Varenne de l’eau.
Deux ans ont été nécessaires au groupe d’experts pour aboutir à ces 5 scénarios :
- « Diversification bas-intrants » : les ressources naturelles sont préservées et le marché intérieur est privilégié au détriment de l’export ;
- « Agriculture expansive de précision » : les innovations technologiques et la reconquête de terres agricoles permettent de maintenir le volume de production ;
- « Spécialisation territoriale », selon le potentiel de productivité et les contraintes environnementales locales ;
- « Filière durable multi performante » : il s’agit de combiner les performances d’une agriculture familiale modernisée et d’une industrie agroalimentaire qui valorise des matières premières locales ou importées ;
- « Productivité élevée pour nourrir le monde » : les pays producteurs des zones tempérées ont pour mission de nourrir le reste de la planète.
Des débats auront lieu en 2024. « Ces scénarios contrastés ont vocation à être débattus par les professionnels des filières pour en dégager les enjeux, les conséquences et en déduire des orientations stratégiques », indique FranceAgriMer.
L’origine des viandes concerne aussi les produits transformés
Un décret étend aux produits transformés l’obligation d’indiquer l’origine des viandes, comme elle s’applique déjà à la restauration.
Depuis le 7 mars 2024, l’origine des viandes doit apparaître dans les compositions des produits transformés, selon un décret du 4 mars signé par le Premier ministre Gabriel Attal. Cette obligation était une demande de longue date des professionnels de l’élevage pour favoriser l’origine France. Le décret concerne les restaurants, les cantines et les établissements proposant des repas à emporter ou à livrer. Il s’appliquera aux « viandes achetées déjà préparées ou cuisinées » (nuggets, jambon, etc.) issues des espèces bovine, porcine, ovine et de volailles. Les viandes crues sont déjà concernées depuis 2002 pour la viande bovine et 2022 pour les viandes porcines, ovines et les volailles.
Les obligations
Désormais, toutes viandes (hors caprine), qu’elles soient crues ou transformées, consommées en restauration collective et commerciale, sur place ou emportée, sont concernées par la mention d’origine de l’élevage et/ou de l’abattage.
Le restaurateur doit indiquer aux consommateurs l’origine de la viande, à savoir le nom du pays de naissance, d’élevage et d’abattage.
Ces obligations s’appliquent lorsque le restaurateur a la connaissance de ces informations, fournies par son opérateur. Il n’est pas tenu de les vérifier. Quand il ne sait pas, l’indication du nom du pays peut être remplacée par la mention « UE » ou « hors UE ».
Les sanctions
Tout manquement « est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale ».
Selon une enquête réalisée au printemps 2023 auprès de 380 établissements français de restauration, chaînés ou indépendants, seulement 15 % des restaurants répondaient à l’obligation légale entourant les viandes crues.
L’initiative du gouvernement s’inscrit dans le Plan de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage présenté au dernier Salon de l’Agriculture.
L’origine des produits, privilégiée au prix d’achat par les Français
La colère des agriculteurs a remis sur la table la question de la provenance des produits que nous consommons. Selon un sondage CSA pour Europe 1, CNews et « Le Journal du dimanche », l’origine des marchandises est le critère le plus important pour les Français au moment de faire leurs courses alimentaires.
Ainsi, 51 % des personnes interrogées l’estiment même plus important que le prix. Pourtant, l’inflation alimentaire a atteint près de 12 % en 2023, par rapport à 2022. Malgré ce contexte, seuls 41 % des sondés privilégient le coût à l’origine.
Des écarts selon la tranche d’âge
La différence est plus marquée chez les 25-34 ans pour qui le prix est le critère le plus important (53 %) devant l’origine des produits (38 %). Au contraire, les plus de 50 ans plaident largement en faveur de la provenance des produits. Pour les plus de 65 ans, l’origine est un critère fondamental à 61 %.
Les revendications des agriculteurs
Parmi leurs revendications, les agriculteurs dénoncent notamment une concurrence déloyale. En effet, dans certains pays européens, les agriculteurs n’ont pas à respecter les normes qui s’imposent aux exploitants français. Notamment pour la viande importée, moins chère pour le consommateur, mais qui pénalise la filière française. Un sujet qui trouve visiblement un écho auprès de la population.
La place des femmes dans l’agriculture
En France, les femmes représentent 30 % des travailleurs agricoles et 26 % des chefs d’exploitations.
Les cheffes d’exploitation exercent principalement leur activité ‐ tout comme leurs homologues masculins ‐ dans les secteurs suivants :
- les cultures céréalières et industrielles (15,9 %),
- l’élevage de bovins‐lait (14,3 %),
- les cultures et élevages non spécialisés (12,5 %),
- l’élevage de bovins viande (10,9 %),
- la viticulture (11,9 %).
Ces pourcentages montrent l’implication historique des femmes dans le monde agricole. « Il n’y a pas d’agriculture sans femmes, il y a toujours eu des femmes en agricultures, mais jusqu’à récemment elles étaient dans l’ombre de leur mari », détaille Anne Dumonnet-Leca, créatrice de Vox Demeter, association défendant la place des femmes au sein du monde agricole.
Évolution du statut
Peu reconnu, le statut de conjointe collaboratrice a diminué de moitié en 10 ans. Aujourd’hui, environ 153 200 femmes d’exploitants n’ont pas le statut de non‐salarié agricole mais sont néanmoins indispensables.
Près de 40 % des salariés du régime agricole sont des femmes. La rémunération horaire moyenne des femmes serait supérieure de 4,1% à celle des hommes en 2022 en CDD. Mais elle serait inférieure de 2,7% en CDI.
Le renouvellement des générations
Près de 6 000 femmes se sont installées en 2022, soit 34 % des installations. Cependant, certaines exploitantes témoignent de difficultés rencontrées pour faire financer un projet porté seule. La part de projets non aboutis en raison du genre devrait donc être prise en compte pour nuancer les statistiques.
Pour favoriser le renouvellement des générations en agriculture tout en améliorant la mixité dans le monde agricole, l’ESA d’Angers a annoncé le 20 février le lancement de la chaire « Agriculture au féminin », permettant de documenter et de favoriser le retour à la terre des femmes.
Un autre regard sur la structure
Quand elles arrivent à s’installer, le constat est que les femmes peuvent faire évoluer les modes de production.
Pas toujours issues du milieu ou non détentrices de diplômes agricoles, elles apportent un regard nouveau. Ainsi, des changements peuvent s’opérer en faveur du bien-être des travailleurs (exploitants et salariés) en améliorant les conditions d’un point de vue psychologique et ergonomique.
Consultez et téléchargez de la fourche à la fourchette du mois de mars 2024 :
Toutes nos publications de la fourche à la fourchette sont également disponibles en ligne sur notre site internet.
Sources utilisées pour rédiger « De la fourche à la fourchette de mars 2024 »
Lancement du « Plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage »
L’agriculteur Normand du 29 février 2024 : « Le Plan d’élevage dévoilé »
Face au changement climatique, 5 scénarios pour la filière grandes cultures
L’origine des viandes concerne aussi les produits transformés
https://www.pleinchamp.com/actualite/etiquetage-de-l-origine-les-viandes-transformees-aussi
L’origine des produits, privilégiée au prix par les Français
La place des femmes dans l’agriculture :
https://www.lafranceagricole.fr/agricultrice/article/864025/il-n-y-a-pas-d-agriculture-sans-femmes
https://agriculture.gouv.fr/infographie-la-place-des-femmes-dans-lagriculturehttps://statistiques.msa.fr/wp-content/uploads/2024/03/Les-femmes-dans-lagriculture-en-2022.pdf