De la fourche à la fourchette septembre 2024 : moisson 2024, filière laitière, collecte de lait, abattages de gros bovins et dissolution de l’assemblée
Découvrez la dernière publication de la fourche à la fourchette du mois de septembre 2024 sur les thématiques suivantes :
- Moisson 2024 : Une baisse du niveau de production
- Le contexte sanitaire et économique délicat pour la filière laitière
- Hausse de la collecte de lait de vache sur un an, et après ?
- Les abattages de gros bovins se maintiennent à de bas niveaux
- Dissolution de l’assemblée et engagements politiques pour le milieu agricole, où on en est ?
Moisson 2024 : Une baisse du niveau de production
Pour la récolte 2024, la production de céréales à paille est estimée à 38,7 millions de tonnes (Mt), soit une des plus faibles récoltes des 40 dernières années. Avec des rendements en forte baisse sur un an, la production de blé tendre serait de 25,8 Mt, 1,2 Mt pour le blé dur et 10,0 Mt pour l’orge.
D’autres cultures sont moins touchés, notamment les productions de colza et de tournesol en baisse par rapport à 2023 mais supérieurs à leur moyenne sur 5 ans avec respectivement 3,9 Mt et 1,9 Mt en 2024. La production de maïs grain serait par contre évaluée à 14,4 Mt, soit supérieure à la moyenne des cinq dernières campagnes.
A l’échelle de l’union européenne (UE) : une baisse de la production et des rendements.
Le niveau de production et les rendements sont globalement en baisse en Europe, sauf en Espagne. En cause, le manque d’ensoleillement et les conditions d’humidité persistantes, notamment en France et en Allemagne, affectant la récolte des cultures d’hiver.
La récolte de blé tendre dans l’UE devrait ainsi baisser de 10 Mt en 2024 par rapport à 2023. Celle de l’orge pourrait être plus abondante qu’en 2023 (grâce à la production espagnole). En Europe centrale (Hongrie, Roumanie…), le manque d’eau et des températures très élevées en juillet-août ont pénalisé les rendements et la production de maïs grain et de tournesol.
Hétérogénéité sur le territoire
Si l’ensemble du territoire français est concerné par cette baisse de rendement. L’ampleur de la variation n’est pas la même d’un département à un autre (voire d’un bout à l’autre d’un même département). Si la météo est un des principaux facteurs mis en cause, le type de sol ainsi que les variétés semblent également déterminants.
Recul des exportations de blé et d’orge
FranceAgriMer a livré ses premières projections de bilan commercial pour la moisson de 2024 en juillet, à l’issue de son conseil spécialisé des grandes cultures. Ainsi, les exportations de blé tendre vers les pays tiers seraient évaluées à 7,5 millions de tonnes pour 2024-2025 (-26 % par rapport à 2023-2024). Elles sont chiffrées à 6,5 millions de tonnes vers les pays de l’Union européenne (+4 %).
Mais des impacts difficiles à évaluer à moyen terme
Pour mémoire, la moisson de 2016 avait fragilisé l’offre française, et la Russie s’y était engouffrée. A ce stade, il serait trop tôt selon Marc Zribi (chef de l’unité des grains et du sucre de FranceAgriMer) pour évaluer d’éventuelles conséquences à moyen terme sur les marchés d’exportation. D’autant que, sur certaines productions, la moisson de 2024 ne s’annonce pas aussi dégradée qu’en 2016 en volumes et en qualité. Il resterait en effet 14 millions de tonnes disponibles à l’exportation contre 11,4 millions de tonnes en 2016-2017.
En parallèle du rendement, la qualité du blé tendre est relativement incertaine. FranceAgriMer juge donc que les importations de blé pourraient atteindre 200 000 tonnes (+60 % par rapport à 2023-2024). La France importe tous les ans du blé de force pour répondre à des demandes de qualité spécifiques. Par ailleurs, les incertitudes sont fortes vis-à-vis des volumes qui seront utilisés dans le secteur de l’alimentation animale.
Le contexte sanitaire et économique délicat pour la filière laitière
Une situation sanitaire contraignante
Lors d’une conférence de presse donnée début septembre, le président de la Coopération Agricole Laitière a montré son inquiétude quant à la situation sanitaire actuelle.
En effet, de nouveaux foyers de FCO-3, qui touche bovins et ovins sont détectés depuis début août, s’ajoutant aux foyers de MHE dans l’ouest, de FCO-8 dans la moitié sud. Selon la note de conjoncture du 2 septembre de FranceAgriMer « si ces maladies peuvent avoir des effets sur le niveau de production des animaux touchés, il n’y a pas, à cette date, d’effet notable sur la collecte française de lait de vache ». La collecte a en effet progressé à la fin du printemps et au début de l’été avec + 2,6 % en juin 2024 par rapport à juin 2023. Si la collecte avait chuté début août, toujours selon FranceAgriMer, cela serait plutôt en lien avec la vague de chaleur.
L’enquête de la Chine sur les pratiques commerciales de l’UE
La Chine suscite l’inquiétude suite à son enquête publiée fin d’août sur les pratiques commerciales de certains produits laitiers de l’UE, jugées déloyales, notamment par rapport aux subventions de la PAC.
L’enquête porte sur des produits tels que le fromage frais et le lait caillé, le fromage bleu ainsi que certains laits et crèmes.
Pour rappel, la France avec 23% des exportations communautaires de produits laitiers en valeur est le deuxième fournisseur européen de la Chine en produits laitiers (hors poudres infantiles).
La Chine pourrait, à l’issue de cette enquête, décider d’imposer des surtaxes sur ces produits pour protéger son marché, si elle démontre que les pratiques de l’UE sont déloyales et nuisent à la concurrence, ce qui pourrait être lourd de conséquences.
Le bio continue sa baisse
La progression de la collecte de lait ne concerne malheureusement pas le lait biologique qui conserve sa tendance à la baisse. D’après FranceAgriMer, le recul est de 3,4 % par rapport à juin 2023. Les fabrications de lait conditionné bio accusent le coup avec une baisse drastique de 19,3 % sur un an glissant. Les fabrications de beurre bio suivent la tendance, avec une chute de 15,9 % par rapport à juin 2023.
Hausse de la collecte de lait de vache sur un an, et après ?
Si en juillet 2024 la hausse de la collecte de lait de vache confirme les estimations de la Commission Européenne par rapport à juillet 2023 (+ 1,2 %), à long terme Rabobank prédit une baisse, plus ou moins forte, dans les pays du nord de l’Europe (Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Danemark). En cause, le durcissement des règles environnementales ainsi que les problèmes de main d’œuvre en élevage et les impacts du changement climatique.
Ainsi, le conseil de Rabobank est que l’entreprise doit s’adapter à cette diminution de l’offre laitière en se recentrant sur les produits à valeur ajoutée.
La France vit également une baisse de sa collecte de lait de vache, néanmoins au niveau des coopératives la situation est différente car à la fin des quotas, à la différence des autres pays, elle a fait le choix d’encadrer les volumes attribués. Les autres laiteries ont investi pour faire face à l’augmentation de volume et face à la baisse de la collecte peuvent se trouver en surcapacité industrielle, offrant d’éventuelles opportunités aux entreprises françaises.
Le renouvellement des générations
Pour faire face au renouvellement des générations, les coopératives laitières proposent des soutiens divers pour les jeunes installés : attribution de volume plus ou moins plafonnés, aides financières et, assez rarement, garantie de prix minimum.
Les abattages de gros bovins se maintiennent à de bas niveaux
Les abattages de gros bovins étaient stables au mois de juillet, (bien que sous la moyenne 2019- 2023) avec une augmentation des abattages de mâles et une diminution de ceux de vaches laitières et allaitantes. C’est ce que met en évidence la note de conjoncture publiée en août par Agreste.
Les abattages de gros bovins au mois de juillet sont au même niveau quasiment qu’en juillet 2024 mais à – 6,6 % par rapport à la moyenne 2019-2023.
En juillet, les abattages de gros bovins restent au niveau bas de 2023. Les abattages de gros bovins mâles augmentent nettement tandis que les abattages de vaches et de veaux de boucherie diminuent. Le cours de la vache laitière poursuit sa progression et le cours du veau de boucherie dépasse même son niveau de l’an dernier. Même si le prix des aliments pour gros bovins s’est maintenu au printemps et baisse de plus de 10 % sur un an, il reste de 6,6 % au-dessus de la moyenne quinquennale.
La consommation de viande bovine se replie sur un an. Le déficit du commerce extérieur de viande bovine diminue du fait d’une hausse des exportations et d’une baisse des importations sur un an. Les exportations de broutards et de veaux d’élevage reculent nettement. Seules les exportations de génisses progressent sur un an.
Quel coût pour la décarbonation en élevage ?
« 48 % des élevages coopérateurs sont engagés dans un diagnostic CAP’2ER, mettant au jour des leviers d’optimisation des émissions », explique Christophe Miault, membre du bureau de La Coopération Agricole Laitière.
Ces leviers peuvent cependant impacter le coût de production et donc le prix du lait. Un travail est en cours entre l’interprofession laitière et l’institut de l’élevage pour estimer le coût pour l’exploitant “par vache” ou à l’échelle de l’exploitation. Un curseur permettant de se projeter.
Du côté de la transformation laitière à l’échelle nationale, les dépenses engendrées par un objectif de réduction de 35 % des émissions de CO2 d’ici à 2030 pourraient coûter 900 millions d’euros.
Dissolution de l’assemblée et engagements politiques pour le milieu agricole, où on en est ?
Si l’ensemble de la profession attend avec impatience la nomination du nouveau ministre de l’agriculture, c’est en partie pour pouvoir faire avancer les mesures annoncées consécutives aux manifestations agricoles.
Certaines mesures ont néanmoins été mise en place, telles queBas du formulaire l’abandon de la hausse sur la fiscalité du gazole non routier (GNR) agricole, le changement de la méthode de calcul des retraites agricoles, la mise en place d’une nouvelle stratégie de réduction des pesticides, l’engagement du gouvernement à doubler les contrôles relatifs au respect de la loi Egalim et des indications d’origine des produits, contrairement aux GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun) qui seront moins contrôlés, l’assouplissement des normes relatives aux bâtiments agricoles, le déploiement d’une enveloppe de 170 millions d’euros pour les projets d’irrigation et d’un fonds d’urgence de 50 millions d’euros pour les agriculteurs ayant des vaches touchées par la MHE, l’avantage fiscal et social de 150 millions d’euros pour l’élevage bovin…
Il reste néanmoins en suspens le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations. Si le texte a bien été adopté en première lecture et transmis au Sénat, sa discussion a été interrompue après la dissolution de l’Assemblée nationale.
Au niveau des décisions européennes, si les règles relatives à la gestion des prairies ou des jachères ont bien été modifiées par la Commission européenne « à la demande de la France », rapporte le ministère, d’autres propositions nationales ont un avenir plus incertain à Bruxelles. Comme le projet d’étendre la loi Egalim au niveau de l’Union, ou d’organiser un réseau intégré de contrôle et de répression contre les fraudes.
Enfin, la priorité, à la mise en place du nouveau ministre de l’agriculture pourrait porter sur l’accompagnement des agriculteurs face au contexte sanitaire (fièvre catarrhale ovine, influenza aviaire, notamment) et économiques (mauvais rendements après la récolte de céréales).