Mai 2023 de la fourche à la fourchette : réchauffement climatique
Au sommaire de notre dernière publication de la fourche à la fourchette de mai 2023 :
- Le réchauffement climatique est en marche
- L’année 2022 : la démonstration de ce qui nous attend ?
- Début 2023, une situation hydrique inquiétante en France
- Les bassines : un exemple de crispation face à une stratégie défensive
- Encore combien de temps pour agir ?
- Les filière s’engagent, plus ou moins vite.
Le réchauffement climatique est en marche
Le programme Copernicus est le service européen de suivi des changements climatiques. Selon le rapport publié en avril 2023, les huit dernières années ont été, au niveau mondial, les huit plus chaudes jamais enregistrées. En 2022, la température moyenne annuelle de la planète a été supérieure de + 1,2 °C à la période 1850-1900. Cette dernière est utilisée comme indicateur de l’ère préindustrielle (et + 0,3 °C supérieure à la dernière période de 30 ans 1991-2020).
La hausse globale des températures fait progressivement fondre les glaciers continentaux et les calottes glaciaires (Groenland et Antarctique). Ces volumes supplémentaires d’eau, ainsi que la hausse de la température moyenne de l’eau (+ 0,9 °C par rapport à 1850) font augmenter le niveau de la mer à la vitesse moyenne de 3 mm/an. Son niveau a ainsi augmenté de près de 10 cm sur les 30 dernières années.
Les gaz à effet de serre, principaux moteurs du changement climatique, continuent d’augmenter en 2022, sans signe de ralentissement. Dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4) sont à des niveaux record, les plus élevés depuis au moins 800 000 ans.
Le continent européen se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale : + 2,2 °C sur les 30 dernières années.
L’année 2022 : la démonstration de ce qui nous attend ?
L’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe. Les faibles niveaux de précipitations associés à des températures élevées ont entrainé une sécheresse généralisée. Et les effets sur l’agriculture ont été multiples. Sécheresse en été et vagues de chaleur ont limité les rendements en maïs (- 24 % au niveau UE) et la pousse de l’herbe. La faible humidité des sols et forêts a favorisé les incendies. De nombreux cours d’eau et rivières ont été asséchés, impactant aussi le transport fluvial et la gestion de l’énergie.
Début 2023, une situation hydrique inquiétante en France
En 2022, selon Météo France, les précipitations ont été très inférieures à la normale sur le printemps et l’été, et les températures très au-dessus des moyennes. Pour 2023, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières, en charge du suivi des nappes d’eau souterraines en France) note que les bonnes pluviométries de décembre 2022 et janvier 2023 ont commencé à résorber les déficits, mais les faibles pluies de février ont stoppé le mouvement. Les pluies de mars et avril ont aidé à la recharge des nappes réactives (massif armoricain, Grand Est). À fin avril 2023, la situation demeure peu satisfaisante sur une grande partie du pays, avec 68 % des niveaux des nappes sous la normale (contre 58 % en avril 2022).
Fin avril 2023, de nombreux secteurs présentent un risque avéré de sécheresse durant la période estivale. À partir de mai, les niveaux devraient baisser jusqu’à l’automne, et les épisodes de recharge rester ponctuels et localisés.
Les bassines : un exemple de crispation face à une stratégie défensive
Face à une situation de manque d’eau qui devrait se renouveler, les agriculteurs cherchent à sécuriser leur approvisionnement en eau, pour garantir leurs productions et leur revenu.
Une solution parmi d’autres est la construction de grands bassins de stockage d’eau. Ces « bassines » sont approvisionnées en hiver par pompage de l’excédent d’eau hivernal dans les nappes phréatiques, puis l’eau permet ensuite d’irriguer les cultures en cas de manque de pluies. Elles limitent ainsi le pompage dans les cours d’eau en été.
Les opposants à ces bassines contestent leurs avantages. Les inconvénients mis en avant :
- l’eau, considérée comme un bien commun, se trouve privatisée au profit de quelques agriculteurs (regroupés en coopérative), avec un financement majoritairement sous forme de subventions publiques ;
- l’irrigation encourage des pratiques agricoles gourmandes en eau et en intrants.
Les débats sont loin d’être clos sur le sujet de la gestion de l’eau ; et les conflits potentiels sont multiples. Pourtant, des compromis devront être trouvés. Ils ne seront pérennes que si la recherche de solutions passe par un dialogue constructif entre toutes les parties prenantes (consommateurs et filières agricoles), prenant en compte les enjeux individuels et l’intérêt général.
Encore combien de temps pour agir ?
Selon Copernicus, la prolongation de la tendance des 30 dernières années devrait conduire à un réchauffement global de 1,5 °C dès 2033. Rappelons l’ambition de l’accord de Paris de 2015 : limiter, à l’horizon 2100, l’augmentation de la température à + 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Il y a donc urgence à agir, dans tous les domaines.
Les filières s’engagent, plus ou moins vite
Initié en mai 2021 par Julien Denormandie, le « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique » s’était conclu en février 2022 par la signature d’une charte dans laquelle les filières s’engageaient à finaliser dans l’année leurs stratégies d’adaptation aux changements climatiques.
Le salon de l’agriculture 2023 a été l’occasion de réaliser un point d’étape sur ces engagements, qui visent à renforcer la résilience des systèmes agricoles face aux aléas climatiques, et portent à la fois sur les stratégies d’adaptation et d’atténuation des effets du changement climatique. FranceAgriMer a récemment publié un état d’avancement des travaux des filières.
Pour toutes les filières, un axe stratégique majeur : la Recherche et le Développement
Toutes les filières s’accordent sur la nécessité de mettre en place des outils de veille et de prospective afin de caractériser le changement climatique et son impact sur l’ensemble des cultures. L’enjeu majeur est de mettre au point des systèmes agroécologiques plus résilients et territorialisés, dont l’empreinte carbone sera réduite ; puis de transférer les connaissances auprès des acteurs de la filière.
Pour les productions végétales, les principaux axes stratégiques des feuilles de route
La gestion de l’eau : favoriser le dialogue sur la répartition de la ressource en eau permettra une gestion partagée des risques, avec un engagement de la société et des parties prenantes. L’utilisation conjointe de matériel d’irrigation efficient doit garantir l’accès des plantes à l’eau par des démarches d’irrigation « de résilience ».
L’innovation végétale est encouragée par le biais de l’accélération de la sélection variétale et de l’innovation génétique ; mais aussi par le renforcement de la lutte contre les bioagresseurs. L’objectif est de généraliser l’approche « système », c’est-à-dire la combinaison de leviers à effets partiels (rotation, plantes de service, produits de biocontrôle, génétique …).
Les innovations techniques et technologiques sont aussi soutenues. Une meilleure compréhension de la santé du sol permettra de reconnecter la gestion des risques à l’agronomie pour élaborer de nouveaux itinéraires techni-ques. Le développement du numérique au champ et la mise à disposition d’outils interactifs d’aide à la décision (OAD) favorisera l’agriculture de précision.
De nombreuses actions et projets sont déjà engagés dans toutes les filières
Le projet inter-instituts SYPPRE « Systèmes de Production Performants et Respectueux de l’Environnement » vise à construire les systèmes de culture de demain, adaptés aux principaux bassins de production dans le nouveau contexte climatique dans un objectif de multi-performance : productivité des systèmes, rentabilité économique et excellence environnementale.
Le projet Phénofield, phéno-typage haut débit, évalue l’adaptation des variétés (blé, maïs) au déficit hydrique.
Le projet Cercocap permet la lutte contre la cercosporiose (betterave) par couplage entre des modèles agro-climatiques prédictifs et des capteurs connectés (suivi en temps réel de la maladie).
Quant au projet Adaptacol vise à l’adaptation du colza aux coléoptères ravageurs dans un contexte de changement climatique et de retrait du phosmet.
Le projet Pomod modélise la croissance des pommes de terre et aide à la décision des apports (eau et azote) selon les conditions climatiques.
La filière fruits élabore un modèle d’évaluation des risques et d’adéquation entre zone géographique et implantation de nouvelles cultures.
Pour les productions animales, les principaux axes stratégiques
La gestion de l’eau doit sécuriser les systèmes fourragers.
L’innovation animale passe par le renforcement de la sélection génétique en vue d’une meilleure adaptation aux vagues de chaleur. La production devra aussi être ajustée en lien avec des risques sanitaires plus importants.
Les innovations techniques et technologiques vont porter sur l’adaptation des bâtiments et les techniques d’élevage, pour limiter le stress thermique des animaux. La réutilisation des eaux issues des matières premières agricoles sur les sites de transformation est aussi un axe stratégique.
Quelques actions en cours : le projet Climalait illustre les adaptations possibles des fermes françaises au changement climatique. Le projet « Bâti’Lait Mieux » porte sur l’amélioration du confort thermique des vaches en période chaude. Tandis que la démarche « Ferme laitière Bas Carbone » vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Retrouvez toutes nos publications de la fourche à la fourchette, après et avant mai 2023, en ligne.
Découvrez le document de la fourche à la fourchette de mai 2023 au format PDF ci dessous :
Sources pour rédiger de la fourche à la fourchette de mai 2023 : réchauffement climatique
Le réchauffement climatique est en marche
https://climate.copernicus.eu/esotc/2022/european-state-climate-2022-summary
L’année 2022 : la démonstration de ce qui nous attend ?
https://www.agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/disaron/LetConj2301/detail/