Février 2022 | De la Fourche à la Fourchette : lait biologique, filière porcine, jeune bovin et autonomie alimentaire
Dans la publication « De la Fourche à la Fourchette » du mois de Février 2022, nous abordons plusieurs thématiques :
- Crise de la croissance pour le lait biologique
- Impact de la FPA sur la filière porcine italienne
- Où va le jeune bovin français ?
- Des propositions pour renforcer l’autonomie alimentaire de la France
Crise de croissance pour le lait biologique
Le lait biologique en France
D’après FranceAgriMer, la collecte de lait biologique en France a augmenté de près de 12 % sur les 11 premiers mois de l’année 2021. Face à cette progression de l’offre, les achats des ménages sont en repli pour toutes les gammes de produits par rapport à 2020 ainsi que 2019. A l’exception des fromages dont les ventes en GMS progressent encore de près de 6 % sur deux ans.
Ce déséquilibre sur un marché franco-français contribue à orienter à la baisse le prix de vente du lait à la production. Il s’établit en moyenne à 477 € les 1 000 litres sur 11 mois, soit – 0,5 % par rapport à 2020. Mais la baisse est surtout sensible depuis septembre, comprise entre – 9 et – 17 € par mois. Outre l’augmentation de la production liée à une accélération des conversions sur les dernières années (les nouveaux arrivants disposant d’une référence deux fois plus importante que les producteurs partant en retraite), l’année 2020 et ses confinements ont masqué par le « fait maison » un repli de la consommation : peu d’évolution dans la gamme face à une diversification de l’offre en produits locaux ou éthiques, positionnement prix du bio trop élevé pour certains ménages, etc.
Le lait biologique et l’application d’Egalim 1
S’il est prévu que la collecte de lait bio progresse encore en 2022 (du fait des conversions engagées en 2020), les principales laiteries freinent la production depuis un an : appel à une moindre production, déclassement d’une partie du lait collecté, frein sur les nouveaux projets de conversion. Du côté de la demande, l’application d’Egalim 1 à partir depuis le 1er janvier pourrait capter une partie des fabrications : en effet, la restauration collective doit utiliser 50% de produits de qualité et locaux, dont 20% de produits biologiques. A moyen terme, l’innovation dans la gamme, le soutien à la consommation et l’évolution du cahier des charges bio (bien-être animal, production locale) pourraient redynamiser la demande.
Impact de la FPA sur la filière porcine italienne
L’IFIP, lors de son webinaire de février, a fait le point sur les impacts en cours et à venir de la découverte de foyers de Fièvre Porcine Africaine (FPA) dans la région du Piémont sur la filière porcine italienne.
L’embargo de plusieurs pays asiatiques (Chine, Japon, Corée du Sud, etc) sur le porc italien entraine une perte de débouchés estimés à 20 M€ par mois selon l’IFIP. L’Italie est le 1er pays importateur de l’Union Européenne. La perte de ses débouchés à l’export entrainera plus de disponibilités sur son marché intérieur, ce qui occasionnera une moindre demande à l’import. Les entreprises du Nord de l’Europe, d’Espagne et, dans une moindre mesure, françaises seront pénalisées. Ainsi, il faut s’attendre à une baisse des ventes de poitrines d’origine française par exemple.
Si l’impact sur le marché européen serait plutôt marginal (comparé à celui de l’Allemagne), la crainte est une diffusion des animaux malades vers la frontière française distante d’une centaine de kilomètres des premiers foyers.
Où va le jeune bovin français ?
C’est à cette question que la dernière journée Grand Angle Viande Bovine organisée par l’Institut de l’Elevage a essayé de répondre.
La valorisation du jeune bovin
Dans un contexte de baisse du cheptel européen, et donc de l’offre en viande bovine, les intervenants se sont interrogés sur la valorisation du jeune bovin (JB) français sur le marché européen et sa capacité à développer ses parts de marché, voire à remplacer une partie des importations sur le marché français.
54 % des volumes de carcasse de JB viande sont orientés sur l’export, tandis que seul un quart de la production de JB laitier quitte notre pays. Les trois marchés principaux pour le JB français sont l’Italie, la Grèce et l’Allemagne. Ces trois destinations sont alors complémentaires : si l’Italie est demandeuse de quartiers arrières, la Grèce recherche plutôt des avants. Ces deux pays achètent donc des demi carcasses alors que l’Allemagne importe beaucoup de désossé.
Cette analyse conduit à identifier les qualités du JB français à l’export :
- qualité et homogénéité de la viande,
- des races à viande connues et appréciées (la France est le seul grand pays européen à avoir conservé un cheptel allaitant),
- une viande claire et maigre répondant au goût des consommateurs européens.
Le développement des exports français du jeune bovin
Le développement des exports français repose sur la capacité des opérateurs français à :
- répondre aux exigences environnementales et de bien-être animal (pour les pays d’Europe du Nord),
- fournir suffisamment de femelles (vers l’Italie) ou de quartiers avants (vers la Grèce).
Sur les marchés du pourtour méditerranéen, des opportunités existent à condition de souplesse et de réactivité dans la réponse aux demandes et de disposer d’un savoir-faire pour l’abattage halal. Enfin, le marché chinois offre peu de perspectives actuellement pour le JB français, compte tenu :
- du type d’animaux demandés (jeunes, légers et gras),
- de la concurrence australienne et sud-américaine.
En France, les perspectives de développement pour le JB se situent en restauration collective ou commerciale (pour de la viande hachée, mais sous condition de prix). Les boucheries halals constituent aussi un débouché important car en croissance et valorisant des arrières.
Des propositions pour renforcer l’autonomie alimentaire de la France
Etat des lieux contrasté de l’autonomie alimentaire par grande filière
La Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale a publié en décembre 2021 un rapport d’information sur l’autonomie alimentaire de la France.
Dans sa première partie, le rapport dresse un état des lieux contrasté de l’autonomie alimentaire par grande filière. Si certaines filières comme les vins et spiritueux, les céréales les produits laitiers, les semences ou le sucre sont excédentaires. D’autres sont déficitaires : fruits et légumes, protéines végétales, viandes et produits d’élevage. Certaines filières ont vu leur autonomie se dégrader dans la période récente. A l’instar de la volaille, dont les importations représentent 40 % de la consommation, contre 13 % en 2000. Toutefois, certaines filières excédentaires rencontrent aussi des difficultés. pour les produits laitiers, la France importe une part significative de sa consommation. L’importation est nécessaire pour faire face au déséquilibre (matières protéiques excédentaires et matières grasses déficitaires) de sa production et des produits laitiers consommés sur son marché intérieur (fromages).
Principales raisons aux difficultés des filières agricoles et agro-alimentaires françaises
Dans sa seconde partie, le rapport identifie les principales raisons aux difficultés des filières agricoles et agro-alimentaires françaises :
Les facteurs tenant à la compétitivité prix
Le prix reste le premier critère d’achat. Les consommateurs (ou la restauration hors domicile) choisissent des produits importés pour leurs prix plus faibles. Ces derniers s’expliquent principalement par :
- des différences de normes environnementales et sociales,
- un coût du travail pénalisant l’industrie agroalimentaire française,
- un coût plus élevé des consommations intermédiaires (intrants) en France.
Les facteurs tenant à la compétitivité hors prix
Certaines filières pâtissent d’un positionnement de produits ou de gamme qui n’est plus adapté à l’évolution de la consommation. Cette dernière évolue vers plus de produits transformés, de restauration hors domicile ou des régimes avec moins de viande. La faiblesse des investissements dans l’industrie agroalimentaire pénalisée par son faible taux de marge est une autre raison.
Enfin, le rapport fait état de 20 propositions pour reconquérir l’autonomie alimentaire. Parmi ces recommandations, on peut citer :
- Bâtir des stratégies par filière en :
- adaptant l’offre à la demande des consommateurs français,
- en garantissant une meilleure structuration des filières entre l’amont agricole et l’aval agroalimentaire.
- Pour cela, il est nécessaire d’identifier les filières stratégiques les plus fragiles, en leur apportant un soutien spécifique (à l’image du plan protéines végétales).
- Profiter de la présidence du Conseil de l’Union Européenne pour :
- harmoniser par le haut les normes environnementales, fiscales et sociales,
- rendre obligatoire les informations relatives à l’origine géographique des produits.
- Insérer systématiquement des clauses « miroirs » dans les traités de libre échange, et intégrer le secteur agricole dans le dispositif de compensation carbone aux frontières de l’UE
- Poursuivre les efforts pour revaloriser les revenus des agriculteurs en :
- rééquilibrant les relations entre les différents maillons de la chaine agroalimentaire,
- sensibilisant le consommateur aux enjeux de rémunération des agriculteurs,
- soutenant les consommateurs les plus modestes vers des achats de produits locaux.
- Soutenir l’investissement d’agroéquipements favorables à la transition agroécologique
- Soutenir l’agriculture certifiée (biologique et HVE)
- Favoriser la consommation de produits locaux par la commande publique (restauration collective), et l’encouragement au développement des circuits courts.
Sources
Crise de croissance pour le lait biologique
FranceAgriMer, FILIÈRE LAIT DE VACHE BIOLOGIQUE : INDICATEURS DE CONJONCTURE, 2022
CNIEL, Conjoncture au 21 janvier 2021, 2022
OUEST FRANCE, Ventes en baisse, agriculteurs qui jettent l’éponge… Le marché du bio a-t-il atteint ses limites ?, 2022
CHAMBRES AGRICULTURE, Analyses et perspectives : économie agricole, 2022
Impact de la FPA sur la filière porcine italienne
IFIP, ACTU’PORC, RDV MENSUEL INTERACTIF DE L’ÉCONOMIE PORCINE, 2022
Où va le jeune bovin français ?
IDELE, Grand Angle Viande 2021 : Où va le JB ? Quels produits pour quels marchés ?, 2021
Des propositions pour renforcer l’autonomie alimentaire de la France
Assemblée Nationale, Autonomie alimentaire de la France et de ses territoires, 2021
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