De la fourche à la fourchette | Février 2023

Temps de lecture : 6 minutes

Février 2023 de la fourche à la fourchette : inflation et produits bio, résilience filière porcine française, troupeau de vaches en France

Au sommaire de notre dernière publication de la fourche à la fourchette de février 2023 :

  • Face à l’inflation le consommateur arbitre au détriment des produits bio
  • Quelle résilience pour la filière porcine française ?
  • La décapitalisation sans précédent du troupeau de vaches en France

Face à l’inflation, le consommateur arbitre au détriment des produits bio

D’après les dernières données de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), la consommation de produits alimentaires bio en 2022 en GMS (grandes et moyennes surfaces) recule en valeur (– 3,9 % par rapport à 2021) et plus fortement en volume (– 7,8 %). Cette tendance s’inscrit dans le contexte général observé pour la consommation alimentaire. Toutefois, les produits bio sont davantage pénalisés ; face à l’inflation et la progression des dépenses pré-engagées (logement, énergie, médias, etc.), les consommateurs arbitrent leurs dépenses restantes : loisirs, vêtements ou dépenses alimentaires. Près d’un Français sur deux s’impose des restrictions sur son budget alimentaire, en commençant par les produits les plus chers, comme la viande ou les produits bio. Ainsi, le panier moyen d’un acheteur de produits bio en 2022 est en recul de 4,90 €.

Panier moyen par acheteur de produits bio
Panier moyen par acheteur de produits bio

Les consommateurs privilégient les marques de distributeurs (MDD) pour leurs prix plus abordables.

À titre d’exemple, les MDD bio reculent seulement de 0,8 % en valeur (c’est « moins pire » que l’ensemble des produits bio), mais, dans le même temps, les autres MDD progressent de + 5,6 %.

Les ventes de produits bio reculent sur l’ensemble des circuits de distribution (– 3,8 % en hypermarché, – 3 % en supermarché jusqu’à – 8,6 % en e-commerce), à l’exception des enseignes à dominante marque propre, comme Leader Price, Le Mutant, Netto, Lidl ou Aldi (+ 6 %).

En conséquence, l’offre en GMS « classique » tend à se réduire (– 8,5 % en 2022) et des magasins spécialisés baissent leurs rideaux.

Cependant, certains opérateurs ne semblent pas inquiets de cet « assainissement » du marché. En effet, si cette crise est européenne, la France dispose encore d’un potentiel de croissance, puisque la part d’alimentation bio y est de 6 % contre 10 % à 12 % au Danemark. La filière française mise donc sur une reprise de la consommation de produits bio, portée par la différenciation et l’innovation (face à la bio importée ou aux autres labels). Mais surtout, elle devra susciter l’adhésion de nouveaux consom-mateurs  par la recherche de sens et de valeurs (consommation locale, commerce équitable, etc.).

Quelle résilience pour la filière porcine française ?

FranceAgriMer et l’Institut du Porc (IFIP) ont réalisé une étude de veille concurrentielle de la filière porcine sur 2020. Il s’agissait de confronter la compétitivité de la filière porcine française à ses concurrentes autour de six thématiques, et d’identifier ses forces et ses faiblesses.

Indicateur synthétique 2020 du classement des filières porcines(source : FAM & IFIP, déc. 2022)
Indicateur synthétique 2020 du classement des filières porcines
(source : FAM & IFIP, déc. 2022)

Il en ressort que la France se classe 10e sur 20, derrière la Pologne, mais devant la Belgique.

Par rapport à ses concurrentes, la filière porcine française bénéficie de matières premières abondantes, et les élevages sont performants grâce à la technicité des éleveurs. La position française à l’export s’est améliorée du fait du développement des volumes destinés à la Chine (en 2020), mais dans une moindre proportion que pour les autres grands pays exportateurs.

En effet, le degré d’élaboration des produits y est relativement plus faible. Le programme VPF (Viande Porcine Française) a participé à la reconquête du marché intérieur français, mais n’a pas favorisé la compétitivité coût de la majorité des pièces destinées aux marchés extérieurs.

Les investissements dans la transformation en France restent limités et ne permettent pas de répondre de façon adaptée à une demande volumineuse à l’export.

La balance commerciale de la filière porcine française

En 2022, la balance commerciale de la filière porcine française se dégrade à nouveau (– 146 M€) avec la progression des importations de charcuterie, principalement en provenance d’Espagne, d’Allemagne et d’Italie. Faute de débouchés vers la Chine pour l’Espagne, et de cas de FPA (Fièvre Porcine Africaine) pour l’Allemagne et l’Italie, ces pays écrasent leurs prix à l’export.

La progression des importations en 2022 a permis de satisfaire l’augmentation de la consommation française (+ 2,9 %) au détriment des abattages nationaux, en recul de 2,6 % sur la même période.

Malgré un record atteint par le prix de vente du kg de carcasse en France, la filière et son maillon aval semblent donc trop fragiles pour peser et endiguer la baisse de rentabilité dans les élevages dans le contexte 2022/2023.

La décapitalisation sans précédent du troupeau de vaches en France

Le 18 janvier dernier s’est tenue la conférence Grand Angle Viande organisée par l’Institut de l’Élevage. Cet événement a été l’occasion de faire état de la décapitalisation du troupeau de vaches en France. En effet, la décapitalisation s’est amplifiée en 2022, puisque on comptait 110 000 vaches allaitantes et 80 000 vaches laitières en moins en un an, soit 22 % de la baisse des effectifs sur 6 ans.

Cette réduction des effectifs de vaches a eu pour conséquence une diminution des abattages de réformes et d’élèves (veaux, génisses, jeunes bovins ou bœufs).

Effectifs de vaches en France au 1er décembre
Effectifs de vaches en France au 1er décembre
(Source : GEB-Idel, d’après SPIE-BONI)

Cette pénurie d’offre tire les prix des bovins finis à la hausse, notamment sur les moins bonnes conformations.

En effet, la consommation de viande bovine en France reste dynamique, notam-ment sur le haché (+ 5 % sur la viande hachée fraiche par rapport à 2021).

La réduction des effectifs de vaches allaitantes s’explique principalement par des arrêts d’élevages et par un ralentissement des agrandissements chez les producteurs restants.

Nombre moyen de vaches par atelier de plus de 20 vaches allaitantes
Nombre moyen de vaches par atelier de plus de 20 vaches allaitantes

La baisse des installations (qui restent essentiellement familiales), la réduction des charges face aux aléas climatiques, la recherche d’une meilleure valorisation et/ou d’un lien social renforcé, ou la diversification (vers l’énergie ou d’autres activités agricoles jugées plus rentables comme les céréales) conduisent les éleveurs en place à limiter l’augmentation de la taille de leur troupeau (+ 0,4 vache par an depuis 2016, contre + 1 vache sur la période précédente).

La baisse du cheptel de vaches conduit donc à une réduction du nombre de broutards disponibles pour l’engraissement ou pour l’export.

Le renforcement sensible du nombre de mâles à l’engraissement en France fin 2022 montre que c’est principalement le marché d’exportation qui est pénalisé actuellement.

L’Institut de l’Élevage estime que la décapitalisation devrait se prolonger en 2023

En effet, les prix de vente à la production, malgré leur niveau record en 2022, n’ont pas été suffisants pour infléchir la décapitalisation. Et ce n’est sans doute pas la réforme de la PAC en 2023 qui va y contribuer, avec la baisse du couplage de l’aide à la vache ou avec la convergence des aides découplées dans les zones d’engraissement plutôt intensives.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger les effets indirects de cette décapitalisation sur le volet social (moins d’éleveurs et donc moindre vitalité de certains territoires, sous-utilisation des outils d’abattage) et sur le plan environnemental (les prairies et les haies sont favorables à la biodiversité et au stockage du carbone).

Ces constats sur l’évolution des effectifs et les analyses qui en découlent doivent alimenter les réflexions de l’interprofession. L’attractivité du métier d’éleveur allaitant et le renouvellement des générations constitue des éléments indispensables, en plus du revenu, pour donner de la visibilité à moyen terme aux éleveurs en place.

Sources Février 2023 de la fourche à la fourchette : inflation et produits bio, résilience filière porcine française, troupeau de vaches en France

Face à l’inflation, le consommateur arbitre au détriment des produits bio

https://www.fcd.fr/documentation-fcd/

https://www.reussir.fr/lesmarches/bio-ecotone-reste-confiant-pour-lavenir

Quelle résilience pour la filière porcine française ?

France Agrimer – Source 1

France Agrimer – Source 2

La décapitalisation sans précédent du troupeau de vaches en France

Retrouvez toutes nos fourches à la fourchette sur notre site internet.

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