Les betteraves 2022 payées 41 à 43 €/t redonnent le moral
Cette veille économique est consacrée aux marchés du sucre pour les betteraves 2022.
Rédaction : Didier ROINSON – Publication mise à jour : 10 mai 2023
La reprise de la consommation mondiale de sucre maintient la tension sur les prix. Début 2023, ils sont au plus haut depuis 10 ans. L’UE-27, victime de la sécheresse 2022, renforce son déficit en sucre. En France, les industriels rémunèrent la betterave 2022 entre 41 et 43 € / t. Et la récolte 2023 pourrait atteindre 45 € / t.
Marchés mondiaux du sucre : le déficit de production amène les prix élevés
La consommation du sucre
La consommation de sucre augmente dans le monde au rythme très modéré de 0,5 % par an (+ 1 Mt / an). La pandémie de Covid a perturbé la consommation. Sur la campagne 2022/23, elle retrouve de l’élan, estimée à 188 Mt de sucre brut.
La production de sucre
La production de sucre augmente aussi en tendance, mais elle est plus variable selon les années et les conditions climatiques. La récolte 2022 est la seconde meilleure après 2017, avec 190 Mt de sucre brut.
Les principaux pays producteurs de sucre sont le Brésil (37 Mt en 2022), l’Inde (34 Mt en 2022), et l’UE-27 (15 Mt en 2022). Viennent ensuite la Chine (importateur net pour 6 Mt) et la Thaïlande (exportateur net).
Les échanges mondiaux de sucre
Les échanges mondiaux portent sur près de 40 % de la production, soit 70 Mt par an. Les principaux exportateurs de sucre sont le Brésil, l’Inde et la Thaïlande.
L’Inde est devenue en 2021 le premier producteur mondial de sucre, devant le Brésil, et le second exportateur devant la Thaïlande.
Après 3 années déficitaires, la production mondiale de sucre 2022 devrait être légèrement excédentaire. Mais cet excédent se réduit avec l’avancée de la campagne en cours, et les correctifs de production.
L’Inde en particulier a souffert de conditions climatiques défavorables qui l’ont contrainte à limiter ses exportations.
Le marché du sucre dépend de l’équilibre entre offre et demande des principaux acteurs ; mais aussi du prix du pétrole. En effet, au Brésil, la destination de la canne à sucre varie selon l’intérêt ou non de la valoriser en sucre ou en éthanol. De même, la politique indienne en faveur de l’éthanol retire du sucre du marché.
Depuis la récolte 2020 et la sortie du Covid, les cours du sucre sont sur une tendance haussière, qui s’est emballée après la récolte 2022.
Zoom mondial sur les deux dernières campagnes
Depuis la récolte pléthorique de 2017, les déficits successifs des récoltes 2019 à 2021 ont permis au marché mondial du sucre de se redresser. Avec un bilan mondial sucrier 2022-2023 incertain, les perspectives restent tendues ; et les niveaux de prix sont au plus haut depuis plus de 10 ans. Dans l’UE-27, le contexte de déficit est favorable au maintien de prix soutenus.
Récolte 2021 : tendance haussière tout au long de la campagne
Production et consommation 2021 sont en hausse.
Au Brésil, la production de sucre a chuté (- 5 Mt).Les surfaces de canne à sucre ont baissé (- 3 %), concurrencées par le maïs et le soja. Les rendements ont été pénalisés par une forte sécheresse et le froid. La réduction des exportations a tendu les marchés.
L’Inde, au contraire, a réalisé une production record de sucre (39 Mt, + 5 Mt), passant devant le Brésil. La hausse de ses exportations (+ 5 Mt) a compensé la moindre présence brésilienne.
La Thaïlande revient sur les marchés internationaux (+ 4 Mt exportées) grâce à de bons rendements et une production plus habituelle.
L’UE-27 est exportatrice nette de sucre (+ 1 Mt) si on intègre les échanges de produits sucrés. Elle est importatrice nette de sucre « en l’état ».
La hausse du prix du sucre sortie usine s’explique par la conjonction de nombreux facteurs. Le marché mondial est ferme avec des stocks limités. Les coûts de raffinage augmentent, de même que le coût du fret, porté par le prix du pétrole (reprise économique et guerre en Ukraine). À l’automne 2021, le cours du sucre blanc a franchi le seuil de référence symbolique de 404 €/t.
Prix moyens sur la campagne 2021-2022 :
- Sucre brut NY : 18,9 cts/lb
- Sucre blanc Londres : 528 $/t
- Observatoire UE : prix départ usine : 437 €/t.
L’envolée des prix du sucre a peu profité à la filière européenne du fait de l’importance des volumes de vente à prix fixe, négociés avant la campagne.
Récolte 2022 : un bilan mondial incertain et les prix s’envolent…
La production 2022 serait en hausse (+ 7 Mt = 190 Mt), de même que la consommation (+ 3 Mt = 188 Mt). Le léger excédent de production se réduit régulièrement (+ 1 à 2 Mt en mars 2023).
Elle est en hausse au Brésil (+ 2 Mt : – 1 % surface, mais meilleur rendement) et en Thaïlande (+ 2 Mt). Elle baisse en Inde (- 5 Mt : sec puis pluies, soutien à l’éthanol) et en UE-27 (- 2 Mt).
Pour l’UE-27, le recul de la production de sucre 2022 est significatif (- 10 %). Pour répondre à la demande, elle augmente ses importations.
Le relatif manque de sucre dans l’UE est un élément de tension supplémentaire, qui s’ajoute à l’explosion du prix du gaz en Europe. Ainsi, le prix du sucre échangé dans l’UE flambe depuis la récolte 2022.
Prix moyens sur la campagne 2022-2023 (fin mars 2023) :
- Sucre brut NY : 20,0 cts/lb
- Sucre blanc Londres : 560 $/t
- Observatoire UE :
- Prix départ usine : 655 €/t
- Départ usine mars 23 : 800 €/t
- Spot mars 23 : > 1 000 €/t
L’UE-27 creuse son déficit de sucre en l’état
Récolte 2021 : comme au temps des quotas sucre…
Les surfaces de betteraves de l’UE-27 se réduisent à nouveau en 2021 (- 1 % à 1,4 M ha) et reviennent ainsi à leur niveau moyen d’avant 2017.
La récolte 2021 de l’UE-27 apermis de produire 16,6 Mt de sucre (+ 2,1 Mt, + 14 % après le mauvais souvenir de la jaunisse en 2020). Ce niveau rappelle également les volumes produits avant 2017, sous les quotas sucre.
La consommation augmente, et l’UE est importatrice nettede sucre en l’état, pour la 4ème campagne. Les stocks de fin de campagne sont à un faible niveau : 1,5 Mt, soit 10 % d’une année de consom-mation.
La France fournit l’essentiel de la baisse des surfaces de l’UE (- 4 %, – 18 000 ha), alors que l’Allemagne progresse de 2 % (+ 5 000 ha).
Récolte 2022 : l’UE confirme son déficit structurel de sucre « en l’état » …
La production de l’UE-27 pour la campagne 2022-23 est estimée à 15,0 Mt de sucre (- 10 %). Ce niveau, tout juste supérieur à celui de 2020, est la conséquence d’une nouvelle réduction des surfaces (- 4 % à 1,35 Mha) et d’une forte baisse des rendements (- 5 % à 73 t/ha), liée à la sécheresse.
Malgré une consommation de sucre incertaine, estimée en légère baisse (- 3 %), l’UE-27 va devoir augmenter ses importations et réduire ses exportations. L’UE-27 valide ainsi son déficit structurel de sucre « en l’état » qui passe de 0,7 Mt à 1,5 Mt (hors échanges de produits sucrés).
Le stock de fin de campagne resterait très faible (1,4 Mt à l’automne 2023).
Récolte 2023 : vers une stabilité des surfaces européennes ?
Les perspectives de prix favorables devraient motiver les planteurs à augmenter les surfaces en betteraves en 2023. Mais les risques associés à cette culture et la concurrence des autres productions limitent son intérêt. La hausse des surfaces 2023 attendue dans l’UE-27 serait de 1 à 2 %.
En France, les surfaces emblavées sont en baisse et seraient proches de 380 000 ha (- 5 %).
Production de sucre en France : la nécessaire sécurisation des planteurs !
Après une année 2021 rassurante, 2022 subit l’aléa sécheresse…
Depuis la fin des quotas sucre, et la récolte record de 2017, les surfaces de betteraves françaises sont en baisse, signe que la betterave a du mal à défendre sa place dans les assolements.
Récolte 2021 : après la jaunisse de 2020, les surfaces baissent (- 18 000 ha, – 4 %). Le rendement est correct à 86 t/ha. La production est de 35 Mt de betteraves et 4,8 Mt de sucre (+ 1,1 Mt, + 30 % par rapport à 2020). Le gel d’avril a obligé le resemis de 12 % des surfaces (50 000 ha), en particulier au sud de Paris.
Récolte 2022 : les surfaces sont quasi identiques (- 1 %). Le rendement est pénalisé par la sécheresse : 77 t/ha (- 8 % par rapport à la moyenne olympique). La production est estimée à 31 Mt de betteraves et 4,3 Mt de sucre(- 10 %).Selon la CGB, 3 usines sur 21 ont eu un rendement moyen inférieur à 70 t/ha (sud Paris, Oise), et 8 usines au-dessous de 75 t/ha.
Après des années décevantes, un prix des betteraves supérieur à 40 €/t !
Évolution du prix moyen des betteraves en France (primes, indemnités et pulpes incluses) depuis la sortie des quotas :
- récolte 2017 : 25,5 €/t
- récolte 2018 : 23,0 €/t
- récolte 2019 : 22,9 €/t
- récolte 2020 : 25,2 €/t
La récolte 2021 matérialise chez les planteurs la hausse des prix du sucre départ usine, avec un prix moyen de 29,7 €/t. Les 3 principaux acteurs du marché ont des prix très proches, de 29 à 30 €/t.
La rémunération de la récolte 2022 est à la hauteur de l’embellie des marchés du sucre, et presque inattendue à ce niveau, entre 39 et 43 €/t !
Cristal Union, après avoir annoncé début 2022 un prix indicatif de 28 €/t, solde en mars 2023 la récolte 2022 à 39 €/t ; puis la complète en mai à 43,4 €/t. Saint Louis Sucre avait annoncé dès mars 2022 un prix garanti de 35,5 €/t. (33,0 €/t en betteraves entières). Le prix final, basé sur le prix du sucre européen, sera connu en juin. Il pourrait avoisiner les 43 €/t. De son côté, Téréos a soldé la campagne en mars 2023 au prix moyen de 41,6 €/t.
Ces très bons prix de la betterave 2022 redonnent de la rentabilité à cette culture, qui a dû faire face à un prix du blé 2022 autour de 280 €/t et du colza proche de 580 €/t. Avec l’enjeu d’obtenir un bon rendement.
Et pour 2023 : tous les feux au vert ?
Côté marchés, les feux sont au vert.
Cristal Union a annoncé fin janvier 2023 un prix objectif de 45 €/t. Saint Louis Sucre a un engagement minimum à 34,4 €/t, qui devrait évoluer vers 43 €/t minimum grâce aux marchés européens actuellement très favorables. Et Téréos devrait se situer dans les mêmes niveaux de prix.
Côté rendement, c’est moins sûr…
La filière sucre constate une certaine stabilité des rendements. Il semble que le progrès génétique ait du mal à compenser les effets du changement climatique. Et pour la première fois peut être, les planteurs sont inquiets sur leur capacité à obtenir un rendement satisfaisant. La fin dès 2023 de l’utilisation des néonicotinoïdes ne fait que renforcer ce risque.
Ainsi, malgré les bons prix de vente annoncés, les surfaces de betteraves 2023 devraient baisser selon la CGB, autour de 380 000 ha soit – 5% par rapport à 2022. Le sud du bassin parisien serait particulièrement concerné. Seule la Normandie serait stable.
Les enjeux de moyen terme pour la filière sucre
Au niveau des producteurs, la betterave a montré des fragilités ces dernières années et est devenue une culture à risques, qu’il s’agisse du risque économique en 2018, 2019 et 2020 (faibles prix de vente), réglementaire et sanitaire en 2020 (jaunisse suite à l’interdiction des semences traitées aux néonicotinoïdes), climatique en 2022 (sécheresse). Les surfaces futures dépendront de la rentabilité moyenne des betteraves comparée aux autres cultures.
Au niveau des industriels, les enjeux sont de maintenir ou d’améliorer leur compétitivité, tout en visant l’objectif (et la contrainte) de neutralité carbone en 2050. L’explosion des coûts de l’énergie (gaz surtout) a augmenté les coûts de production, en particulier du gaz. La déshydratation se réduit. La sous-utilisation de certains sites entraine des restructurations et fermetures de sites. Téréos a ainsi annoncé le projet d’arrêt de l’activité sucrière du site d’Escaudoeuvres (59), avec maintien de la production de betteraves.
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