Prix du lait : hiver 2023

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Prix du lait : 415 à 450 € par 1 000 litres sur l’hiver 2023

 Découvrez notre dernière veille économique consacrée au prix du lait : 415 à 450 € par 1 000 litres sur l’hiver 2023

Les échanges internationaux de produits laitiers se contractent encore en 2023. Et la croissance contenue de l’offre fait basculer les marchés deux à trois ans en arrière.

En France, le prix du lait est soutenu par les marchés intérieurs, tandis que la valorisation beurre – poudre fait pression à la baisse. Les 450 € par 1 000 l. ne seront pas dépassés. L’année 2024 sera à la baisse.

 Aide à l’analyse des résultats et aux prévisions : 415 à 450 € à l’hiver 2023

Les échanges internationaux fléchissent  

Sur 8 mois de 2023, l’UE-27 et les États-Unis ont une croissance de leur collecte au ralenti (+ 0,7 % et + 0,4 %). La Nouvelle-Zélande progresse plus vite (+ 2,0 %) après la chute de 2022. Soit pour ces 3 pays exportateurs, + 2 Mt environ de croissance annuelle.

La demande internationale peu dynamique de 2022 avait contracté les échanges (- 1 %). En 2023, la Chine réduit encore ses importations,(- 12 % sur 8 mois, soit – 1 Mt équivalent lait sur 1 an), en particulier sur les poudres de lait entier.

La Nouvelle-Zélande pallie le ralentissement des achats chinois en réorientant massivement ses produits vers d’autres destinations (Brésil, …). Les exportations états-uniennes fléchissent, alors que l’UE retrouve un peu de couleurs sur les poudres de lait.

Les marchés internationaux tirent les prix à la baisse

Fin septembre, le beurre cote 4 500 €/t, son plus bas niveau depuis deux ans ; tandis que la poudre de lait écrémé se stabilise autour de 2 200 €/t, son plus bas niveau depuis trois ans. La valorisation beurre – poudre chute à 286 € par 1 000 l. en août 2023, et relance les discussions sur sa fiabilité.

La valorisation des PGC en France soutient les prix

Le prix du lait en France dépend moins des marchés internationaux que chez nos voisins européens. Il est en effet aussi lié aux Produits de Grande Consommation (PGC), qui ont bénéficié de hausses de tarifs en grandes surfaces ces deux dernières années.

Ainsi, sur juillet 2023, le prix du laiten Allemagne était de 397 € par 1 000 l. (- 187 € en 7 mois), contre 440 € par 1 000 l. en France (- 21 € en 7 mois).

En France, le prix du lait 2023 plafonne. Un recul est annoncé pour 2024

Les clôtures de septembre 2023 vont acter une nouvelle hausse significative du prix du lait conventionnel, entre + 45 et + 65 € / 1 000 l.selon les laiteries.

Les clôtures à l’année civile vont annoncer la stabilisation du prix de base du lait, entre 425 et 450 € par 1 000 l. selon les laiteries. Sur deux ans, il aura augmenté de + 100 € par 1 000 l., soit + 30 % environ.

Les clôtures du printemps 2024 devraient marquer le début de la baisse du prix du lait. Selon les laiteries et leur positionnement en 2023, le prix du lait variera entre – 30 € et + 15 € par 1 000 l.

Sur l’ensemble de l’année 2024, l’ampleur de la baisse du prix du lait dépendra de la capacité des laiteries et de la filière lait à valoriser le lait sur les marchés des Produits de Grande Consommation

 Filière lait : une inquiétude latente … et des mouvements qui s’accélèrent

Les éleveurs laitiers affichent de bons résultats en 2022. Et l’année 2023 devrait encore être une « bonne année » sur le plan économique. Pourtant, la dynamique laitière a du mal à prendre. La filière laitière française semble inquiète sur l’avenir et sur sa pérennité. Tour d’horizon de quelques signaux faibles du paysage laitier.  

Baisse des points de collecte et de la ressource laitière
Nombre d’exploitations laitières par région
Collecte de lait de vache – Évolution sur 12 mois glissants
Évolution mensuelle du nombre de vaches laitières en France – Effectifs de vaches laitières au 1er août 2023 (1000 têtes) et évolution d’une année surl’autre en %

Depuis le début 2023, la baisse des points de collecte s’accélère de 20 % environ (- 4,6 % en France sur 7 mois contre – 3,8 % il y a 1 an). La Bretagne et les Pays de la Loire sont sur ce rythme. La Normandie résiste un peu mieux (- 10 % avec – 3,4 % sur 7 mois).

La réduction du nombre de fermes laitières s’accompagne aussi d’une réduction accélérée des effectifs de vaches laitières (- 2,2 % sur 7 mois en 2023) et d’une baisse globale de la collecte française (- 2,3 %). Dans le même temps, l’Allemagne a profité de l’embellie sur les prix du lait (+ 2,6 % de collecte).

Vers un ralentissement de la croissance des livraisons moyennes ? 
Livraisons laitières moyenne par région – Cumul 12 mois glissants FAM

Jusqu’en 2020, la baisse des exploitations laitières était quasiment compensée par la hausse des livraisons des exploitations restantes. Ceci s’est traduit par une hausse régulière et rapide des livraisons des éleveurs laitiers (+ 4,3 % par an en moyenne).

Depuis 2021, la France réduit sa production et sa ressource laitière. La croissance des livraisons n’est plus que de + 3,2 % par an. Et depuis 2023, les livraisons moyennes régionales ralentissent fortement dans plusieurs régions :

  • Bretagne : plateau à 597 000 l. (+ 2 % sur un an glissant).
  • Pays de la Loire : plateau à 603 000 l. (+ 2 % sur un an).
  • Charente-Poitou : plateau à 642 000 l. (- 1 % sur un an).

Rappel des données France :

  • 2020 : 23,8 Mt produits par 49 200 éleveurs, livraison moyenne :  483 000 l.
  • 2021 : 23,5 Mt produits par 47 400 éleveurs, livraison moyenne :  496 000 l. (+ 2,8 %)
  • 2022 : 23,4 Mt produits par 45 500 éleveurs, livraison moyenne :  514 000 l. (+ 3,5 %)
  • 2023 (tendances glissantes 12 mois, en juillet 2023) :  23,0 Mt produits par 44 200 éleveurs, livraison moyenne :  521 000 l. (+ 3,3 %).                    
Des laiteries augmentent les références contractuelles

Face à la réduction de la collecte, certaines laiteries assouplissent les règles de gestion des fins de campagne, pour au final augmenter les références contractuelles.

Eurial : allocation de fin de campagne de 5 % accordée en 2022-2023 transformée en nouvelle référence 2023-2024. Idem au 1er avril 2024. Lactalis : report des dépassements de campagne 2022-2023 sur 2023-2024 non pris ne compte dans la gestion des volumes 2023-2024. Hausse des volumes contractuels 2023-2024 de + 2 % ; avec toujours les dépassements au-delà de 2 % pénalisés à 286 €/ 1 000 l.

Le retour des changements de laiterie ?

Depuis la fin des quotas et la mise en place des contrats laitiers, les changements de laiterie ont été très limités. L’année 2023 apporte quelques exemples de mouvements de producteurs, qui n’hésitent plus à changer de partenaire industriel si les conditions de valorisation de leur lait ne leur conviennent plus. Signe probable d’un changement de rapport de force dans les relations éleveurs – transformateurs.

Les écarts de prix entre laiteries peuvent inciter au changement. Entre 2018 et 2021, les laiteries majeures ont appliqué des prix de base relativement voisins, bien qu’elles aient des formules de prix différentes, liées à leur mix produit. Ce n’était donc pas un argument pour les éleveurs. Depuis 2022 et encore en 2023, des écarts sont apparus entre laiteries, qui peuvent représenter jusqu’à 20 ou 25 € par 1 000 l. Mais il faut relativiser les écarts dans le temps. Ainsi, si Lactalis a été en tête des prix de base sur 2022, c’est Sodiaal qui le sera sur 2023.

Et le prix ne fait pas tout : il est aussi important de raisonner sur l’ensemble des éléments contractuels avant de décider de changer de laiterie. Comment les volumes sont-ils gérés ? Quelles sont les possibilités d’obtenir des volumes contractuels supplémentaires ? Comment les allocations de fin de campagnes sont-elles gérées Comment les JA sont-ils accompagnés ? Quelle est la transparence des relations avec les éleveurs ? etc.

Les périodes de fin de contrat sont l’occasion de renégocier les clauses ou de changer de laiterie
Exemple en Seine-Maritime, où 120 éleveurs quittent Eurial en 2024 pour Novandie
Les acteurs en présence
Des éleveurs laitiers adhérents de l’APLN (Association de producteurs laitiers normands)

Ils sont membres de l’OP Oplase (Organisation des Producteurs de Lait Seine et Est) qui livre son lait à Eurial Ultra Frais, filiale de la coopérative Agrial-Eurial, à l’usine de Gruchet le Valasse, près du Havre. L’APLN regroupe environ 220 producteurs non coopérateurs livrant 120 Ml. de lait. Elle a fait le choix de gérer les volumes contractuels.  

La coopérative Agrial et sa branche lait Eurial

La coopérative achète en 2014 l’usine de Gruchet à Senoble. En 2016, Eurial Ultra Frais devient une filiale du groupe Agrial –Eurial.  Elle garde avec les éleveurs de l’Oplase une relation de partenariat au travers d’un contrat d’appro-visionnement. En 2019, Eurial dénonce le contrat d’appro-visionnement de l’Oplase. L’enjeu pour Eurial est alors de réduire les volumes collectés. Les négociations sont longues et complexes. Un nouveau contrat est conclu en juin 2023.

Le laiterie Novandie (groupe Andros) fabrique des produits ultra-frais (dont la marque Mamie Nova)

Elle possède 6 usines dont une en Seine-Maritime (Maromme) et une en Eure-et-Loir (Auneau). Novandie transforme 280 Ml. de lait par an, mais ne collecte que de 90 Ml. 70 % des volumes sont approvisionnés par Sodiaal. Novandie veut maitriser l’approvisionnement et ne renouvelle pas un contrat de 70-80 Ml. qui arrive à échéance en décembre 2023.

La laiterie LSDH (St Denis De l’Hôtel) est un industriel spécialisé dans le conditionnement de liquides alimentaires (laits et autres jus)

LSDH possède 8 usines, son siège est près d’Orléans. LSDH produit des marques de distributeurs et a développé des contrats tripartites (éleveurs – transformateurs – grandes surfaces) avec pour objectif de différencier le lait et donner un retour aux éleveurs. Elle conditionne le lait de la marque équitable « C’est qui le patron ? ». LSDH valorise 300 Ml. de lait par an. La laiterie a l’expérience de la valorisation de cahiers des charges spécifiques. 

La coopérative Sodiaal approvisionne en grande partie les usines Novandie

Ce qui s’est passé en résumé : La laiterie Eurial Ultra Frais a dénoncé le contrat d’approvisionnement de l’Oplase. Les négociations ont été très longues. La relation de confiance n’a pas toujours été présente. Des producteurs de l’OP ont cherché d’autres solutions de valorisation de leur lait. La laiterie Novandie était intéressée par les volumes de lait des éleveurs de l’Oplase. Les éleveurs de l’Oplase ont dû se positionner cet été : poursuivre avec Eurial ou changer de laiterie. La laiterie LSDH va apporter son expertise en matière de gestion des cahiers des charges. 

Au final : 120 éleveurs changent d’OP au 1er janvier 2024. Ils quittent l’Oplase pour intégrer l’APLBC (Association des Producteurs de Lait du Bassin Centre). Ils apportent avec eux 70 Ml environ. Le lait de ces éleveurs sera valorisé soit par SLSH (lait de consommation) soit par Novandie (ultra frais). Les plus qui ont fait bouger les     éleveurs : la transparence des contrats tripartites et la relation de confiance. Eurial perd la collecte de 70 Ml. pour faire tourner son usine de Gruchet. Sodiaal perd un contrat de      70 Ml. d’approvisionnement de Novandie, qu’elle valorisait mal.

Retrouvez toutes nos veilles économiques consacrées au prix du lait sur notre site internet.

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