De la fourche à la fourchette | juillet 2024

Temps de lecture : 7 minutes

De la fourche à la fourchette de juillet 2024 : jeux olympiques et paralympiques, préoccupations environnementales, diversité de la farine et élargissement de l’UE à l’Ukraine

Découvrez la dernière publication de la fourche à la fourchette du mois de juillet 2024 sur les thématiques suivantes :

  • 13 millions de repas pour les Jeux Olympiques et Paralympiques !
  • Moins de préoccupations environnementales dans l’assiette des Français
  • Moins de farine, mais une plus grande diversité
  • Élargissement de l’UE à l’Ukraine : quels sont les enjeux pour le secteur agricole ?

13 millions de repas pour les Jeux Olympiques et Paralympiques !

La France accueillera les Jeux Olympiques (JO) du 26 juillet au 11 août puis les Jeux Paralympiques du 28 août au 08 septembre. Au village des athlètes, le défi sera de délivrer trois repas par jour aux 14 500 athlètes et leur staff, soit près d’un million d’assiettes sur la période des Jeux.

les engagements de Paris 2024 en matière d'alimentation

Il faudra également nourrir les bénévoles, les spectateurs, les médias et les touristes tout au long de la journée.

Le Comité International Olympique (CIO) estime à 13 millions le nombre de repas sur ces périodes. C’est l’occasion de mettre en valeur la gastronomie et la production agricole françaises, avec une ambition environnementale et sociale.

Ce challenge logistique et opérationnel mobilise différents maillons des acteurs de l’alimentation.

Une hausse des ventes, notamment de snacking et de boissons, est par exemple attendue en grande distribution. Lors des JO de Londres en 2012, le chiffre d’affaires des produits de grande consommation en frais et libre-service avait grimpé de 4,5 % à Londres.

Pour attirer les touristes, qui utilisent principalement internet pour s’orienter et consommer, les restaurateurs et commerçants parisiens ont tout intérêt à améliorer leur visibilité numérique.

La circulation sera interdite dans certaines zones et à certains moments, ce qui fait craindre des difficultés d’approvisionnement à 56 % des restaurateurs. La livraison de nuit sera privilégiée. La navigation sur la Seine sera perturbée avant et pendant les JO. Elle sera notamment interdite du 20 au 27 en préparation de la cérémonie d’ouverture. Cela affectera la filière céréalière pour le transport des grains. Pour en limiter l’impact, elle a obtenu :

  • la limitation du nombre de jours de fermeture,
  • des aménagements pour faciliter le stockage des barges,
  • l’allongement des horaires d’ouverture des écluses

Moins de préoccupations environnementales dans l’assiette des Français

Quels sont les critères d’achat des produits alimentaires des Français ? Les préoccupations environnementales jouent-elles un rôle ? Si oui, comment évoluent-elles ?

C’est à ces questions que le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) s’est intéressé.

En 2023, la compétitivité du prix est la première motivation à consommer, devant des préoccupations durables. Celles-ci sont en recul depuis deux ans. Ceci s’explique par l’inflation sur les produits alimentaires, qui a été forte sur cette période (+ 21 %). Par ailleurs,

« la baisse [des] aspirations à une alimentation durable peut aussi correspondre à la moindre sensibilité aux questions environnementales constatée ces dernières années dans l’ensemble de la population. ».

L’intérêt pour les produits revendiquant un aspect environnement varie selon les catégories socio-économiques. Les catégories plus aisées, dont le budget est moins contraint, vont plus facilement être incités à acheter un produit pour des raisons durables. Toutefois, le CREDOC note la place significative de la conscience environnementale dans les habitudes de consommation même dans un contexte économique contraint.

Trois types de comportements ont été identifiés :

Tout d’abord, les « éloignés » représentent 14 % des Français (+ 3 points depuis 2021) n’ont pas d’aspiration pour des produits alimentaires durables. Les hommes, les personnes d’âge intermédiaire (45-54 ans), les ouvriers et les ménages les plus modestes y sont surreprésentés.

Ensuite, les « empêchés » (35 % ; + 2 points depuis 2021) sont sensibles aux enjeux écologiques. Mais cela ne se traduit pas forcément par des actions tangibles, pour des raisons financières, logistiques ou autres.

Enfin, les « engagés » représentent un peu plus de la moitié des Français (51 % ; – 5 points depuis 2021). Ils conjuguent aspirations et actions pour réduire l’impact environnemental de leur alimentation. Les femmes, les consommateurs plus âgés, les couples sans enfants, les foyers à hauts revenus y sont surreprésentés. Chez les « engagés », les aspects durables (agriculture biologique, sans huile de palme, bas carbone par exemple) les incitent moins à l’achat qu’il y a deux ans.

 

Moins de farine, mais une plus grande diversité

Avec 3,86 Mt en 2023, la production de farine de blé tendre est en léger recul (- 2,8 %) selon l’Association nationale de la meunerie française (ANMF). La consommation de pain est légèrement baissière en France. Ce qui entraîne une réduction de 0,9 % des utilisations en panification et de 18,5 % des ventes de sachets. La concurrence allemande sur ce dernier segment inquiète la filière.

La part des boulangeries industrielles dans les débouchés de la farine sur le marché intérieur continue d’augmenter. Cela s’inscrit dans la tendance européenne. La diversification des activités des boulangeries (snacking, restauration rapide) explique la diminution des besoins en farine des artisans.

Les filières qualité (hors bio) ont été dynamiques en 2023. Les volumes de farine produits en Label Rouge progressent de 5 % et de 19 % en CRC (Culture raisonnée contrôlée). Cependant, la farine en agriculture biologique subit un recul de 7 %.

Mêmes s’ils sont minoritaires, les volumes des autres espèces transformées par la meunerie française augmentent. La production de farine de sarrasin croît de 45 %. Par contre, la farine d’épeautre recule.

Élargissement de l’Union Européenne (UE) à l’Ukraine : quels sont les enjeux pour le secteur agricole ?

L’ouverture officielle des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE a eu lieu le 25 juin dernier à Luxembourg

Les négociations se sont également ouvertes pour son voisin moldave. Pour adhérer à l’UE, un pays candidat doit notamment satisfaire trois grands critères :

  • des institutions stables, garantissant la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme et le respect et la protection des minorités ;
  • une économie de marché viable ;
  • l’acquis communautaire, c’est-à-dire la capacité à mettre en œuvre les obligations découlant de l’adhésion à l’UE politique, économique et monétaire.

Cela prend du temps. À titre d’exemple, la Croatie, dernier pays à avoir rejoint l’UE, a présenté sa demande d’adhésion en 2003 et a rejoint l’UE en 2013.

Les négociations sur le domaine agricole sont traditionnellement délicates compte-tenu de l’importance de l’acquis communautaire sur ces questions, de l’importance du budget de la Politique Agricole Commune (PAC) qui représente un tiers des dépenses du budget européen et de la concurrence intra-européenne pouvant fragiliser les exploitations agricoles.

L’Institut de Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) vient de publier une étude sur les enjeux agricoles de l’intégration de l’Ukraine à l’UE.

L’Ukraine est une grande puissance agricole compte-tenu de la taille de son territoire, de la richesse de ses terres et de la compétitivité de certaines de ses filières sur le marché international

Plus de 40 % des exportations ukrainiennes provenaient du secteur agricole en 2021. Cette part a augmenté depuis le début de la guerre menée par la Russie dans ce pays et a atteint 60 % en 2023. Le secteur agricole est stratégique au vu de l’ampleur des besoins pour reconstruire le pays.

Il s’y côtoie des micro-fermes de polyculture-élevage assurant la sécurité alimentaire du pays, des exploitations familiales ainsi que d’immenses exploitations capitalistiques de grandes cultures tournées vers l’exportation.

Les exploitations familiales de taille moyenne (entre 50 et 100 ha) représentent plus de la moitié des entreprises agricoles du pays. Les agro-holdings se sont spécialisées dans la production intensive de céréales et oléagineux.

Les dix plus grosses contrôlent 2,6 millions d’hectares de terres agricoles soit 8 % des terres arables ukrainiennes. Ces exploitations capitalistiques ont délaissé l’élevage, à l’exception du poulet. La quantité de poulet produite est passée de 190 000 tonnes en 2000 à 1,4 millions de tonnes en 2020 (la production européenne est de 13,6 millions tonnes). Cette production est très concentrée : six entreprises assurent 90 % de la production.

La perspective de l’intégration de l’Ukraine renforce les interrogations sur la PAC actuelle

Sur le plan financier, l’UE négocie tous les sept ans un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP). Ainsi, les discussions pour le CPF qui couvrira la période 2028 à 2034 devraient être lancées par la Commission européenne d’ici un an. Le budget agricole risque d’être chahuté notamment par le remboursement du plan de relance à partir de 2028 et par l’augmentation des dépenses pour la défense et l’industrie, alors qu’il n’est pas envisagé à ce stade une hausse des recettes. La perspective de l’entrée de l’Ukraine dans l’UE interroge sur le mode de répartition des aides PAC. Un statu quo allouerait 10 à 12 Mrds € d’aides PAC à l’Ukraine. Elle en serait le premier bénéficiaire du fait de l’importance de sa surface agricole, principal critère de répartition actuel des aides. Pour les auteurs, l’adhésion de l’Ukraine pourrait déclencher une réforme en profondeur de la PAC.

Afin de minimiser l’impact budgétaire de cet élargissement, la clé de répartition entre États pourrait être revue, voire décorrélée de la surface. Mais accorder une subsidiarité toujours plus forte aux États interrogerait sur le caractère commun de la politique agricole communautaire ainsi que sur les conséquences en terme d’écarts de compétitivité.

Par ailleurs, l’adoption des standards européens par un grand pays agricole comme l’Ukraine affirmerait la puissance normative de l’Europe dans le monde.

Pour l’Ukraine, le premier enjeu sera la reconstruction

Pour l’Ukraine, l’adhésion à l’UE lui donnerait accès au marché commun et permettrait à son agriculture, jusqu’ici peu subventionnée, de bénéficier des aides de la PAC. Il faudra toutefois relever un défi administratif pour gérer ces aides.

Des investissements seront nécessaires pour permettre la mise aux normes européennes. En effet, avec la guerre, le principal enjeu est la reconstruction. Plus de 11 millions d’hectares de terres sont minés. La reconstruction pourrait représenter un coût de 56 Mrds $ réparti sur dix ans : machines agricoles, silos de stockage, infrastructures de production, transformation, distribution, etc.

Pour lire et télécharger la fourche à la fourchette du mois de juillet 2024 :

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