De la fourche à la fourchette : prix alimentaire mondiaux, consommation de viande, gaspillage alimentaire et nourrir l’Europe
Découvrez dans notre publication de la fourche à la fourchette du mois de juin 2021 :
- Prix alimentaire mondiaux
- Consommation de viande en France
- Gaspillage alimentaire
- Nourrir l’Europe
Prix alimentaires mondiaux : un bond de 40 % sur un an, au plus haut niveau depuis 10 ans
Les prix mondiaux des produits alimentaires ont bondi depuis un an de près de 40 %, atteignant leur niveau le plus haut depuis septembre 2011, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Cette hausse s’explique par la flambée des prix des huiles végétales, du sucre et des céréales, ainsi que par le raffermissement des prix de la viande et des produits laitiers. Pour le soja, la hausse des prix est liée à la forte demande mondiale prévue, en particulier dans le secteur des biocarburants.
Pour expliquer cette situation, la FAO met en avant le rôle de la Chine qui a acheté « un peu sans limite », que ce soit des oléagineux ou des céréales de la récolte 2020. Mais cette hausse des prix va-t-elle perdurer ? On s’attend à une production mondiale record pour les céréales et le soja. Il y aurait une attente pour une accalmie au niveau prix. Mais le marché resterait volatile jusqu’à ce que la récolte soit dans les silos.
Un quart des Français consomme moins de viande … mais mieux
Selon France Agrimer, les régimes alimentaires sans viande sont encore largement minoritaires en France. En effet, l’attachement à la viande reste fort :
- 89 % des Français déclarent aimer le goût de la viande,
- 90 % pensent qu’on peut manger de la viande et respecter le bien-être animal,
- 79 % considèrent que manger de la viande est nécessaire pour être en bonne santé ».
Cependant, le rapport des Français à la viande évolue. En effet, 82 % disent essayer de consommer moins mais mieux et 68 % sont d’accord avec l’idée qu’en France on consomme trop de viande, relativement à des questions de santé et/ou d’impact sur l’environnement. Seulement 2,2 % de la population ont adopté un régime sans viande. 24 % limitent volontairement leur consommation, en se classant flexitariens. Chez ces derniers, la viande de bœuf reste la cible privilégiée. Les personnes avec des régimes sans viande et flexitarien « ont un profil résolument urbain, féminin et diplômé. Les omnivores étant majoritairement des hommes ».
10 millions de tonnes de nourriture jetées par an en France
Alors que la France s’est engagée à réduire de moitié son gaspillage alimentaire d’ici 2025, 10 millions de tonnes de nourriture sont encore jetées tous les ans, d’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Le chiffre comprend non seulement la nourriture produite pour la consommation humaine et commercialisée, mais également la production de nourriture animale. Il comprend ainsi les produits destinés à d’autres usages industriels, et ceux qui ne sont pas récoltés dans les champs.
La nourriture jetée s’élève à 5,5 millions de tonnes par an (20 kg / hab). Elle prend en compte uniquement la production pour la consommation humaine. De quoi nourrir 10 millions de personnes pendant un an, soit plus que la part de population française dans le besoin. 94 % des Français disent faire attention à ne pas jeter de nourriture. Mais des progrès restent possibles, surtout chez les jeunes.
Autre élément intéressant : huit personnes sur dix pensent faire mieux que les autres en matière de gaspillage alimentaire. Ainsi, les Français estiment gâcher en moyenne 15 euros par mois en jetant de la nourriture. Une chose est certaine : les ainés font mieux que les jeunes.
Nourrir toute l’Europe 100 % bio ou local en 2050 ?
Nourrir toute l’Europe avec du bio et du local ? Le pari peut sembler utopique. Pourtant d’après une étude du CNRS, c’est possible !
Leur étude, publiée le 18 juin dans la revue One Earth, décrit un système agro-alimentaire « biologique et durable, respectueux de la biodiversité ». Cela nécessite des changements aux niveaux de nos habitudes de production et de consommation. Le scénario démontre la possibilité de nourrir la population européenne projetée en 2050 :
- sans importation d’aliments pour animaux,
- avec la moitié du niveau actuel de pertes d’azote dans l’environnement.
L’idée serait de rendre l’Europe plus autonome et moins dépendante des importations comme celle du soja.
L’alimentation est devenue l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. L’étude considère que l’agriculture européenne actuelle se caractérise dans une logique d’intensification sur des zones réduites, et une spécialisation des activités selon les territoires.
Or cela ne permet pas d’exploiter la complémentarité entre la culture des terres arables et l’élevage du bétail. Ce qui provoque de grandes pertes d’azote. Selon une étude menée par des scientifiques du CNRS, un système agro-alimentaire biologique et durable, respectueux de la biodiversité, pourrait être mis en place en Europe et permettrait une cohabitation équilibrée entre agriculture et environnement. Le scénario envisagé repose sur trois leviers :
Levier 1 : un changement de régime alimentaire
Le premier levier impliquerait un changement de régime alimentaire vers un régime plus sain et frugal, avec une consommation moindre de produits animaux.
Cela permettrait de limiter l’élevage hors sol, de consacrer moins de surface à la production de matière premières pour l’alimentation animales et de supprimer les importations d’aliments pour le bétail notamment le soja.
Levier 2 : une généralisation des pratiques d’agroécologie
Le deuxième levier propose la généralisation des pratiques d’agroécologie avec la généralisation de rotations de cultures longues et diversifiées intégrant des légumineuses fixatrices d’azote. Cela permettrait de se passer des engrais azotés de
synthèse comme des pesticides. Le scénario 100 % bio envisagerait que l’Europe n’importerait plus de protéines et continuerait à en exporter mais seulement à hauteur de 20 % du niveau actuel.
Levier 3 : un rapprochement culture et élevage
Le dernier levier consisterait à rapprocher culture et élevage sur le plan géographique, souvent déconnectés et concentrés dans des régions ultraspécialisées, pour un recyclage optimal des déjections animales.
C’est l’action synergique de ces trois leviers qui permet d’avoir un scénario harmonieux. Un tel scénario appliqué à l’ensemble de l’Europe permettrait d’obtenir une souveraineté totale.
« Aujourd’hui nous aspirons les ressources alimentaires du monde pour l’alimentation du bétail. Nous sommes au crochet du reste de la planète, commente Gilles Billen. Avec ce scénario on n’aurait plus besoin d’importer. Mais on pourrait continuer à exporter des céréales pour l’alimentation humaine vers des pays qui en ont besoin ».
Ainsi, il serait donc possible de renforcer l’autonomie de l’Europe, de nourrir la population attendue en 2050, d’exporter encore des céréales vers les pays qui en ont besoin pour l’alimentation humaine, et surtout de diminuer largement la pollution des eaux et les émissions de gaz à effet de serre par l’agriculture.
« En gros cela réduirait de moitié la pollution des eaux, avec de l’eau potable partout en dessous des champs. Et cela réduirait de moitié les émissions de gaz à effet de serre », affirme Gilles Billen. Ces analyses montrent qu’il existe une vaste gamme d’options pour nourrir la future population mondiale. Ainsi que l’alimentation humaine est le facteur le plus déterminant de cette possibilité.
Le succès du processus Haber-Bosch et de la Révolution verte a été tel que, pendant longtemps, très peu de ressources ont été investies dans le développement d’options agroécologiques plus durables, telles que celles exposées dans ce scénario. Entre les principes et la réalité, il y a un fossé. Qu’il soit pris en compte ou pas, ce scénario aura au moins permis de montrer qu’un autre système agro-alimentaire, plus durable et plus harmonieux, est possible. La déclinaison française de la future PAC est éloignée de ce schéma.
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