De la fourche à le fourchette du mois de mai 2021 : crise COVID, poids économique et defis de l’agriculture et de l’agroalimentaire, souveraineté alimentaire
Au sommaire de la fourche à la fourchette du mois de mai 2021 :
- La crise Covid
- Agriculture et agroalimentaire :
- Poids économique important
- Défis
- Souveraineté alimentaire
Un grand rendez-vous de la souveraineté alimentaire était organisé par le Conseil de l’Agriculture Française (CAF) et le Centre national des Expositions et Concours Agricoles (CENECA) le 18 mai 2021. Le Président de la République, le Ministre de d’Agriculture et de l’Alimentation, et différentes personnalités ont été invitées à s’exprimer sur le sujet. La souveraineté alimentaire n’est pas l’autonomie alimentaire, aucun territoire n’est autonome. Mais c’est une vision politique, une trajectoire pour corriger les dépendances et les fragilités du système alimentaire.
La crise Covid, révélateur de l’importance de la souveraineté alimentaire
La pandémie de Covid 19 a mis en évidence le caractère essentiel de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Ces secteurs ont démontré leur capacité de mobilisation et d’adaptation alors que la France se confinait au printemps 2020. Les Français se sont rués sur l’alimentation.
Malgré les difficultés logistiques (main d’œuvre, marchés, frontières…), la chaîne de production alimentaire française a tenu.
Toutefois, si la crise avait été plus longue, il aurait pu y avoir des ruptures. Agnès Pannier-Runacher, Ministre déléguée chargée de l’Industrie, cite l’exemple des protéines, de certains additifs. Il s’agit d’identifier les fragilités et les dépendances, et une stratégie pour les dépasser.
Le Président de la République, Emmanuel Macron, a affirmé la nécessité de consolider la souveraineté alimentaire française et européenne lors de ses adresses aux Français des 12 mars et 13 avril 2020. « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. » (Adresse aux Français, 12 mars 2020)
L’agriculture et l’agroalimentaire, un poids économique important
Le secteur agricole et agroalimentaire à l’échelle européenne
À l’échelle européenne, le secteur agricole et agroalimentaire recouvre 16 millions d’emplois et 600 000 entreprises, en grande majorité des TPE et des PME.
Thierry Breton, Commissaire Européen en charge du marché intérieur, souligne l’importance d’une autonomie stratégique. La Commission Européenne a tout récemment mis à jour sa stratégie industrielle afin de renforcer la résilience du marché unique et de garantir le rôle moteur de l’Union Européenne (UE) dans une transition verte et numérique. L’agroalimentaire est un des 14 écosystèmes identifiés par l’UE.
La France est le premier producteur agricole européen
La France est le premier producteur agricole européen. L’export agroalimentaire a représenté 62 Mrds € et 15 % des exportations françaises en 2020. Il participe au rayonnement de la France.
Sur dix litres de lait produits en France, quatre sont exportés. Pour le porc, un tiers de la production part à l’export, et une part équivalente est importée ; l’export permet d’améliorer l’équilibre carcasse. Une tonne de céréale produite sur deux est exportée. Pour les fruits et légumes frais, l’autoapprovisionnement représente la moitié de la consommation ; les importations permettent d’ajuster l’offre et la demande tout au long de l’année. Les industries agroalimentaires françaises emploient 433 600 équivalents temps plein au sein de 15 500 entreprises (chiffres 2018).
Avec + 6,3 Mrds € en 2020, la balance commerciale agroalimentaire est positive et contribue à la balance commerciale française. Mais en 10 ans, le solde s’est effondré avec l’UE. Pour des produits exportés bruts et importés transformés, une partie de la valeur échappe à la France. Un exemple est cité par Dominique Chargé, Président de la Coopération Agricole : elle exporte des pommes de terre en Belgique et importe des chips (elle importe cinq fois plus de chips que de chips produites en France).
Sur la scène internationale, la France est confrontée à des distorsions de concurrence sociales, environnementales, fiscales, administratives.
L’agriculture et l’agroalimentaire face à de nombreux défis
Un consommateur schizophrène
Le consommateur est le souverain, a rappelé Sébastien Abis, Directeur du Club Demeter. Entre ce qu’il souhaite et son acte d’achat, il y a un écart. L’étiquetage est important pour que le consommateur devienne un « consomm’acteur », en mettant en avant l’origine, la qualité du produit, y compris en restauration hors foyer. L’enjeu est le consentement à payer un produit de qualité.
Sébastien Windsor, Président des Chambres d’agriculture, appelle à favoriser une alimentation locale en restauration collective. Un sondage a été réalisé auprès de parents d’élèves des lycées d’Île-de-France pour leur demander s’ils préféraient des produits bio ou locaux en restauration scolaire. Valérie Pécresse, Présidente de la Région, indique que 80 % des parents privilégient le local. L’alimentation à l’école est importante, car les élèves sont les consommateurs de demain.
Controverses sociétales
Face aux controverses sociétales, les agriculteurs prennent en main la communication sur leur métier, les modèles et les outils de production souligne Christiane Lambert, Présidente de la FNSEA. Interrogé sur les menus végétariens à la cantine, Emmanuel Macron invite à pacifier le débat. Il est important d’y manger de tout, y compris de la viande. Il faut une viande de qualité.
Artificialisation des sols
Pour préserver la capacité productive de l’agriculture française, une stratégie de maîtrise foncière est nécessaire pour réduire la consommation de l’espace agricole.
Revenu agricole
Les agriculteurs souhaitent que leur revenu soit davantage protégé. Pascal Canfin, Député Européen, défend une PAC construite autour d’un tryptique : plus de revenu pour les agriculteurs qui en ont besoin, plus de transformation agroécologique, plus de protection contre les concurrences déloyales.
La diversification peut apporter d’autres sources de revenus, par exemple avec les énergies renouvelables.
Environnement et changement climatique
Pour accompagner la transition environnementale et climatique, Sébastien Windsor défend des aides qui vont au-delà de la compensation de la perte de valeur. Il souhaite des aides qui accompagnent la prise de risque et qui offrent des perspectives. Les transitions demandent du temps et de la visibilité. L’agriculture contribue également aux solutions pour le climat, avec par exemple le stockage du carbone, source potentielle de revenus pour l’agriculture.
Renouvellement des générations
Samuel Vandaele, Président des Jeunes Agriculteurs, souligne que 46 % des agriculteurs vont pouvoir partir à la retraite sous 5 ans. Il appelle à donner la priorité à l’installation par rapport à l’agrandissement, qui amène à une simplification du système. La rémunération sera un facteur de l’attractivité du métier.
La souveraineté alimentaire, une vision politique
Sortir des dépendances aux importations
Par exemple, avec le plan protéines, le Gouvernement souhaite développer la production française et réduire les importations.
Varenne agricole
Le plan d’urgence a pu apporter des solutions à court terme aux épisodes de gel au début du printemps. Pour des solutions plus pérennes, le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique a été lancé le 28 mai. Un des axes de travail sera la révision du dispositif d’assurance récolte. Le Président de la République souhaite qu’un nouveau régime partenarial voie le jour et qu’il concerne le plus grand nombre.
L’eau sera également un sujet du Varenne agricole.
EGalim 2
Pour sortir des dépendances aux marchés et de la pression à la baisse des prix, une nouvelle loi EGalim 2 va être débattue dès le mois de juin : il s’agira notamment de favoriser des contrats pluriannuels, de mieux prendre en compte les coûts fixes dans la détermination du prix.
Le Gouvernement souhaite que la loi soit votée avant les prochaines négociations commerciales.
Distorsions de concurrence
À l’import, les systèmes de production ne respectant pas nos standards génèrent des distorsions de concurrence.
En UE, le respect des accords de Paris sur le climat est désormais une condition à la négociation d’accords de libre-échange.
La France qui présidera l’UE au cours du premier semestre 2022, défend la mise en place de clauses miroirs dans les traités de libre-échange, c’est-à-dire des règles environnementales sur les produits importés équivalentes à celles en vigueur dans l’UE.
Elle souhaite aussi des contrôles stricts aux frontières de l’UE. Cela impliquerait pour l’UE de revoir sa stratégie géopolitique pour tenir compte du pacte vert. Pour éviter le dumping environnemental entre partenaires européens, les normes doivent être uniformes au sein de l’UE.
Avec les agriculteurs, et non contre
Le Gouvernement défend une agriculture productrice, exportatrice, compétitive, dont la marque de fabrique est la qualité. Par compétitivité, il faut également entendre compétitivité hors coût, c’est-à-dire valorisant la qualité.
Raison et science
Dans le cas des produits phytosanitaires, la volonté du Gouvernement est de diminuer leur utilisation, avec pragmatisme face aux défis techniques. Il est important d’avoir une homogénéité européenne pour éviter les distorsions de concurrence.
Assurer le renouvellement des générations
Le Gouvernement souhaite que le métier d’agriculteur soit rémunérateur et attractif afin d’encourager l’installation.
Un plan Marshall pour l’agriculture française ?
Pour François Bayrou, Haut-Commissaire au plan, il faut bâtir un pacte de reconquête de la production agricole secteur par secteur, avec un État fédérateur, y compris des grands acteurs privés.
Sources de la fourche à la fourchette du mois de mai 2021
https://pourunesouverainetealimentaire.fr/
Intervenants : Julien Denormandie (Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation), Thierry Breton (Commissaire européen au marché intérieur), François Bayrou (Haut-Commissaire au plan), Agnès Pannier-Runacher (Ministre déléguée auprès du Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie), Sébastien Abis (Directeur du Club Demeter et Chercheur associé à l’IRIS), Dominique Chargé (Président de la Coopération Agricole), Pascal Canfin (Député Européen, Président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement Européen), Valérie Pécresse (Président de la région Ile-de-France), Sébastien Windsor (Président des Chambres d’Agriculture), Christiane Lambert (Présidente de la FNSEA) et Dominique Seux (Directeur délégué de la rédaction du quotidien Les Échos), Emmanuel Macron (Président de la République)
https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/278462.pdf
https://agriculture.gouv.fr/iaa-chiffres-et-indicateurs-cles
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