Septembre 2023 de la fourche à la fourchette : déconsommation, circuits courts, pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles
Au sommaire de notre dernière publication de la fourche à la fourchette de septembre 2023 :
- Un tsunami de déconsommation
- La vente en circuit court progresse
- Loi d’orientation agricole : les premières annonces
Un tsunamie de déconsommation
Confrontés à plus de 20 % d’inflation dans les rayons, les consommateurs achètent moins et descendent en gamme. 1/3 des Français se serrent la ceinture et 1/5 vit à découvert.
Moins d’articles dans les Caddies, beaucoup moins de grandes marques et beaucoup plus de produits premier prix… L’inflation visible dans les rayons alimentaires des grandes surfaces depuis de début du printemps 2022 culmine désormais à près de 21 % sur deux ans. Un phénomène lourd de conséquences. Les yeux rivés sur les étiquettes, les Français ont radicalement changé leurs habitudes d’achats. Malgré un léger mieux en juin, la baisse des volumes achetés dans les grandes surfaces sur les six premiers mois de l’année a atteint plus de 4 %. C’est près de deux fois plus qu’en 2022.
Ce repli s’est accentué avec l’envolée des étiquettes alimentaires. Cela a incité les consommateurs à se serrer la ceinture. Ils réduisent les quantités achetées et s’orientent de plus en plus vers les marques de distributeur, les magasins discount et les promotions… Les produits les plus concernés sont l’hygiène et l’alimentaire avec la viande et l’alcool. Certains consommateurs, contraints et par nécessité, commencent à sauter des repas.
Distributeurs, industriels et experts l’observent chaque jour et ont porté leur diagnostic, «déconsommation» : le panier moyen baisse. Cela devient une contrainte subie pour les consommateurs.
La déconsommation met sous pression la filière viande. Les abattoirs et transformateurs sont victimes de la chute des achats d’une viande devenue trop chère. Après un manque de bovins et de porcs, ils croulent désormais sous les stocks, avec des charges au plus haut avec l’énergie.
Les industriels en quête de solutions pour relancer les achats
Pour la première fois, le chiffre d’affaires de la grande distribution baisse. La guerre des prix et la baisse des volumes de ventes au premier semestre depuis un an ont provoqué un tsunami dans le peloton des hypers et supermarchés. Leclerc tire son épingle du jeu avec son image de prix bas et maintient sa position de leader en élargissant sa clientèle, contrairement à Casino ou Carrefour plus en difficulté.
La crise des prix bouscule aussi les relations déjà très tendues entre la grande distribution et les industriels. Le modèle de la grande distribution s’est construit sur de petites marges et de gros volumes. Cette baisse des volumes est donc pénalisante pour eux. Faire baisser les prix pour voir revenir les consommateurs est donc une priorité. Surtout pour la rentrée scolaire, un moment clé pour la grande distribution qui se livre une concurrence acharnée sur ces quelques semaines de trafic intense dans les magasins.
Une renégociation est demandée et la loi Egalim serait « dépassée ».
Pour convaincre les géants mondiaux comme Coca-Cola ou Nestlé, les distributeurs ont peu de moyens. Déréférencer des produits peut se retourner contre eux. Aujourd’hui, aucun distributeur ne peut se passer de grands acteurs des marques de distributeurs (MDD) comme Lactalis ou LDC : « ce serait se tirer une balle dans le pied ». Continuer de développer leurs MDD est pour eux un moyen de maintenir les volumes alors que les prix vont rester élevés.
Certaines marques n’augmentent pas les prix des produits, mais en réduisent les quantités, c’est ce qu’on appelle la shrinkflation. C’est la capacité et la nécessité pour une marque de maitriser les seuils psychologiques.
La vente en circuit court progresse
D’après le recensement agricole 2020, 23 % des exploitations vendent des produits agricoles en circuit court. Au plan national, on retrouve une part plus importante d’exploitations qui commercialisent en circuit court dans le sud-est où les horticulteurs, maraîchers et apiculteurs sont des activités très présentes. Ces derniers sont, en 2020, les plus engagés dans ce type de commercialisation. Au nord-ouest, où l’élevage spécialisé est dominant, la valorisation en circuit court est plus délicate car elle impose des contraintes en terme de conservation et de transformation.
53 % des producteurs bio commercialisent via une filière courte contre 19 % des exploitants conventionnels et ce, quelle que soit leur spécialisation.
Le mode de vente en circuit court le plus plébiscité est la vente à la ferme, suivi par la vente à un commerçant détaillant et par la vente sur les marchés. Le choix du mode de vente se fait en fonction de la production et des affinités des producteurs. Ainsi, dans les DOM où la vente en circuit court est très ancrée, près de 3 exploitations sur 4 vendent en circuit court.
Loi d’orientation agricole : les premières annonces
Face aux défis démographique et de réchauffement climatique, un pacte et une loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA) sont en cours de rédaction. De nombreuses concertations régionales et nationales se sont succédées de janvier à mai 2023 sur les thématiques de l’orientation et de la formation, de l’installation et de la transmission des exploitations et de l’adaptation du changement. À partir des synthèses de ces travaux, le ministre Marc Fesneau doit présenter ses orientations pour que cette loi soit débattue, dès cet automne 2023 au Parlement et d’ici le mois de décembre probablement en première lecture à l’Assemblée nationale.
Toutefois entre le Space et Terres de Jim, le ministre a fait des annonces début septembre, dévoilant quelques axes. Le ministre a précisé qu’il s’agira d’un double dispositif : un « Pacte d’avenir » doublant une loi d’orientation agricole avec l’objectif « de mobiliser la société tout entière autour du défi de la souveraineté alimentaire et des transitions qu’elle implique afin de placer l’agriculture française à l’avant-garde des mutations à venir ». Par ailleurs, il a annoncé une hausse de budget pour 2024 d’un milliard d’euro pour soutenir ces politiques (assurance récolte, soutien au bio, cotisations sociales…).
Susciter des vocations vers le métier agricole
Dans les dix prochaines années, un quart des agriculteurs et agricultrices partira à la retraite et plus d’un tiers ne transmettra pas sa ferme, faute de repreneurs. L’ambition est d’améliorer l’attractivité des métiers, et de l’enseignement qui y conduit, pour réduire le fossé sociologique qui sépare les citoyens de leur agriculture. C’est la sensibilisation des jeunes publics aux métiers agricoles (avec l’organisation de sorties à la ferme dès l’école primaire, au collège et au lycée) afin de susciter des vocations pour assurer la relève des chefs d’exploitation et salariés agricoles. Cela passe aussi par la modernisation du parcours de formation : l’enseignement agricole sera renforcé et rénové avec la création d’un « bachelor agro », intermédiaire entre le BTS et le diplôme d’ingénieur. Aussi, un vaste plan de formation sera lancé concernant les enseignants et acteurs de l’accompagnement en agriculture.
Un guichet unique pour l’installation ?
Le ministre a annoncé la mise en place « d’un réseau France service agriculture », un point d’accueil unique, pour faire le lien entre l’installation, la transmission et la formation. L’objectif est de proposer des accompagnements pluriels et de garantir la diversité des modèles.
D’autres orientations prévues
L’accès au foncier agricole est une des clés de l’installation, d’autant plus pour les candidats non issus du milieu agricole. Pour favoriser l’installation agricole, des outils comme le fonds de portage (baptisé Fonds entrepreneur du vivant) de 400 millions d’euros seront opérationnels dès 2024. En cours de finalisation, ce fonds interviendra en prenant des participations dans des fonds de portage nationaux ou régionaux qui, eux, achètent du foncier pour mettre à disposition auprès des agriculteurs progressivement. En parallèle, une autre proposition de loi est en cours pour créer une nouvelle forme sociétaire : le groupement financier agricole d’épargnants (GFAE). Proche de l’actuel GFA, il permettrait de drainer l’épargne des Français vers l’acquisition de foncier agricole. Des baux à long terme seraient réalisés au profit des jeunes via le statut du fermage.
Dans la lutte contre le changement climatique, le pacte d’orientation et d’avenir agricoles doit d’abord être celui de l’engagement collectif pour investir dans la recherche et le développement. Les nouvelles technologies et les découvertes agronomiques qui émergeront par des politiques ambitieuses de recherche seront le terreau fertile d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de ceux qui la font. Dans ce cadre, le ministre a annoncé la formation de 50 000 conseillers pour accompagner les transitions sur 3 ans et la mise en place d’un diagnostic de résilience des exploitations.
Les propositions de la bio
La Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) a avancé début juillet 2023 ses propositions :
- Former au bio : considérant la formation au bio laissée à la bienveillance des enseignants, la FNAB propose que les enseignants soient eux-mêmes formés au bio et qu’un module d’enseignement au bio soit obligatoire ;
- Accompagner les jeunes : la demande est que « tous les réseaux du bio soient systématiquement intégrés dans les parcours à l’installation » ;
- Modifier le code rural afin de donner la priorité à l’installation en bio lors de l’accès au foncier ;
- Associer davantage la bio aux programmes de recherche nationaux dans la lutte contre le changement climatique.
Une forte mobilisation pour contribuer au débat mais pour quel niveau de satisfaction ?
L’ensemble de la profession agricole a pu exprimer ses attentes sur ce projet de loi. Terre de Liens a incité à la mobilisation, invoquant « le futur de notre agriculture qui va se jouer dans les mois à venir. Ne laissons pas cette loi se dessiner sans faire entendre notre voix ! ». Les formations syndicales se sont également particulièrement investies dans les débats autour de l’élaboration de ce projet. Il en ressort des objectifs complémentaires mais différents selon les syndicats. Les orientations à paraître pourraient donc appeler au débat… À suivre.
Sources pour la fourche à la fourchette de septembre 2023
Un tsunami de déconsommation :
France Inter : La déconsommation
RTL : Shrinkflation : « Il n’y a pas d’arnaque », affirme un représentant de l’agro-alimentaire
BFM TV : Le tsunami de déconsommation dû à l’inflation – 04/09
Novetic : « Tsunami de déconsommation », livre choc, déforestation, démission… Carrefour dans le rouge »
RTL : Shrinkflation : « Il n’y a pas d’arnaque », affirme un représentant de l’agro-alimentaire
Les Echos : La déconsommation provoque un tsunami chez les distributeurs
La vente en circuit court progresse
Ministère de l’agriculture : Près d’une exploitation sur quatre vend en circuit court
Ministère de l’agriculture : Étude de 16 circuits courts
Loi d’orientation agricole : les premières annonces
Ouest France : Loi d’orientation agricole : les propositions de la bio
Ministère de l’agriculture : Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles : les synthèses des propositions
Opéra connaissances : Projet de pacte et de loi d’orientation et d’avenir agricoles
Réussir : Loi d’orientation agricole : les huit annonces de Marc Fesneau à Terres de Jim
Le Monde : Transition de l’agriculture : Marc Fesneau annonce « près d’un milliard d’euros » supplémentaires au budget 2024
Ouest France : Marc Fesneau confirme l’imminence d’une loi d’orientation agricole
Plein Champ : Transition et planification : Marc Fesneau annonce un milliard d’euros pour l’agriculture en 2024
Terre de liens : Mobilisez-vous pour la nouvelle Loi d’Orientation Agricole