Le lin : une crise conjoncturelle dans un marché porteur
Le lin est très impacté par les aléas économiques et sanitaires. La pandémie de la Covid pénalise la valorisation de la bonne récolte 2019 et de la très mauvaise récolte 2020. A court terme, les trésoreries des exploitations linicoles vont être nettement moins favorables que les années passées. Les surfaces 2021 doivent baisser pour rééquilibrer les marchés, et permettre à la filière lin de franchir cette crise conjoncturelle.
Le Lin : une filière de gamme mondialisée qui a confiance en son avenir
Le lin est une micro-niche qui représente moins de 1 % de la production des fibres textiles dans le monde. Sur cette niche, le lin se porte bien.
L’UE produit 75 à 80 % du lin à fibre mondial. Il est ensuite exporté en Chine (70 %) et en Inde (10 %) pour y être filé et tissé. Le lin est enfin exporté à
travers le monde, selon les besoins des clients.
La France détient 85 % des surfaces en lin de l’UE, largement devant la Belgique et les Pays-Bas. Elle produit donc, à elle seule, 60 à 65 % de la production mondiale de lin.
La demande mondiale est dynamique
Les vêtements en lin sont à la mode tant dans les pays occidentaux (UE, Etats-Unis), qu’en Asie (Japon, Inde, Chine). Pour satisfaire cette demande, les surfaces en lin de l’UE ont augmenté de +11 % par an en moyenne sur ces 5 dernières années.
La Chine est un maillon essentiel de la filière lin. Elle est le principal importateur de fibres de lin, le principal producteur et exportateur de fils et de tissus à travers le monde.
En 2019, la production de lin de l’UE a augmenté pour atteindre 182 000 t de fibres longues (+ 27 %). Les échanges commerciaux ont porté sur 172 000 t (+ 22 %). Signe d’une demande mondiale soutenue, cette hausse des échanges a été accompagnée d’une stabilisation du prix des fibres longues à un niveau élevé (entre 3,30 et 3,50 €/kg).
La très bonne valorisation des fibres a porté essentiellement sur le lin récolté en 2018. En 2020, les marchés ont été très perturbés au printemps par la pandémie de la Covid. Le commerce mondial a plongé, entrainant la chute du prix des fibres. La mauvaise récolte 2020, puis la reprise progressive du marché
depuis l’été 2020 font penser à la filière lin que la crise de la Covid est conjoncturelle. Elle va s’attacher néanmoins à améliorer sa résilience.
La pandémie de Covid : la filière lin très directement impactée en 2020 !
Fin 2019, les cours du lin avaient commencé à refluer, face à l’offre importante en fibres. La valorisation de la récolte 2019 était alors attendue en légère baisse par rapport à la récolte 2018.
Un marché stoppé net par la pandémie
Début 2020, la pandémie de Covid conduit la Chine à se confiner. La fermeture des ports chinois et des usines de tissage, puis le confinement en France contraignent les teilleurs français et européens à fermer à leur tour leurs usines au printemps 2020 (mimars à fin avril).
Le secteur de l’habillement est très impacté par la crise de la Covid. Le report d’un an des collections printemps-été 2020 et l’arrêt brutal du teillage de la
récolte 2019 déstabilisent le marché du lin. Les échanges de lin sont interrompus pendant plusieurs semaines.
La nouvelle hausse des surfaces emblavées en 2020 a fait alors craindre le pire à la filière lin. En quelques semaines, le prix des fibres longues chute de 35 %.
Face au risque d’une très forte hausse des stocks de lin, la filière dans son ensemble envisageait alors de réduire drastiquement les surfaces en lin 2021 (- 50 à – 66 %), pour rééquilibrer l’offre mondiale, et éviter un effondrement durable des prix.
La mauvaise récolte 2020 : une bonne nouvelle…
Paradoxalement, la très faible récolte 2020 va permettre de limiter l’excédent de lin au niveau international. D’autant que la commercialisation de la fibre a retrouvé du dynamisme depuis l’été 2020. L’économie chinoise est repartie. Les usines ont pu reprendre leur
activité (à 60 ou 70 % de leur capacité) et les filateurs semblent faire des achats de précaution.
Le prix des fibres longues s’est ainsi stabilisé autour de 2,0 €/Kg depuis juin 2020. Sur l’année 2020, le commerce mondial du lin sera en forte réduction (- 23% à fin septembre 2020), et les stocks en hausse.
Le teillage de la récolte 2019 s’étire dans le temps. La fin du teillage est ainsi prévue dans le courant du premier semestre 2021, donc juste avant la récolte 2021. Mais face à la très mauvaise récolte 2020, les stocks 2019 deviennent presque un atout pour poursuivre l’approvisionnement du marché en quantité et en qualité.
Début 2021, les teilleurs et l’AGPLin sont ainsi plus optimistes qu’au printemps dernier. L’AGPL préconise maintenant de réduire les surfaces de lin 2021 de
seulement 30 % par rapport à 2020. Un retour à 100 000 ha de lin permettrait en effet de limiter la production à 150 000 t de fibre (en année moyenne). Les stratégies des teilleurs peuvent ici varier, selon leurs propres stocks.
La reprise des marchés semble rassurer la filière lin qui dispose de solides atouts structurels. Elle reste malgré tout sous la menace d’un nouveau confinement, dont on ignore encore les conséquences …
Sur les exploitations, un déficit de trésorerie lin à anticiper !
Le décalage de la commercialisation de la récolte 2019, la baisse des cours et la mauvaise récolte 2020 ont (et vont avoir) des conséquences négatives sur les résultats des exploitations et sur l’évolution des trésoreries qu’il convient d’anticiper.
La baisse du chiffre d’affaires lin sera surtout sensible sur la récolte 2020. Mais les décalages de paiement concernent déjà la récolte 2019, dont le solde ne
devrait être versé qu’à la récolte 2021.
Sur 3 ans, il pourrait manquer 45 000 € à l’exploitation linière moyenne de Haute Normandie, par rapport à la moyenne des années précédentes, soit 60 %
environ du chiffre d’affaires annuel.
Faire face au manque de trésorerie.
Si le lin a permis ces dernières années de conforter les trésoreries ou de réaliser des prélèvements exceptionnels, cette situation peut être compromise pour les récoltes 2019 et 2020. Et si un prévisionnel démontre un besoin de trésorerie, plusieurs solutions peuvent être mises en place : utiliser de l’épargne de précaution, reporter certaines échéances de prêt ou restructurer l’endettement de l’exploitation.
Reporter des investissements peut aussi s’avérer pertinent. Chaque solution doit bien sûr être adaptée à la situation spécifique de l’agriculteur.
La filière lin croit en son avenir
Malgré la crise, les acteurs de la filière lin restent confiants dans la solidité de cette filière.
Retour d’une filature en Normandie en 2021.
Le groupe normand NatUp va créer une filature de lin dans l’Eure. L’objectif de la coopérative est de valoriser environ 500 ha de lin textile au travers d’une production de tissus 100 % made in France.
Ce projet est soutenu par des marques françaises de l’habillement. Il doit créer 25 emplois. Il est en partie subventionné par l’Etat et la Région, après avoir été
désigné lauréat d’un appel à projet « Innov avenir filière » lancé en 2018 par la Région Normandie.
Un nouveau teillage en 2022 dans l’Eure.
Le teilleur privé Depestele, qui dispose déjà de 2 usines dans la Seine Maritime et le Calvados, va construire une nouvelle usine de teillage de lin dans le Vexin. Elle valorisera alors environ 3 000 ha de lin sur les 13 000 ha teillés par le groupe.
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