Pommes de terre : de fortes hausses des charges à attendre
La réduction des surfaces de la récolte 2021 a permis d’assainir les marchés des pommes de terre. Dont la demande est dynamique, tant à l’export que pour la transformation. Mais les fortes hausses des charges augmentent les prix de revient des pommes de terre. Dont la rentabilité va être comparée aux autres productions, en particulier en fécule.
Face au Covid, la production européenne a fait une pause de croissance
La production mondiale de pommes de terre est voisine de 380 Mt par an. Les pommes de terre sont consommées à 80 % en frais, mais la part des produits transformés augmente. Les échanges de ce produit pondéreux se font surtout à une échelle « régionale ».
L’Union Européenne est le leader mondial des exportations de pommes de terre
L’Union Européenne (UE) est le leader mondial des exportations. Le commerce européen est assuré par quatre grands pays producteurs regroupés au sein du NEPG (North – western European Potato Growers : Allemagne, France, Belgique, Pays-Bas). La France est le second pays producteur de l’UE, derrière l’Allemagne. Le Royaume-Uni (production moyenne de 5 Mt par an) a quitté le groupe dont les références historiques ont été actualisées.
Entre 2016 et 2020, les surfaces cultivées en pommes de terre de conservation par les 4 pays du NEPG ont connu une hausse régulière de 3,5 % par an, avec 522 000 ha en 2020. La France est le pays qui a le plus augmenté ses surfaces (+ 34 000 ha). L’Allemagne suit de près (+ 25 000 ha).
La fragilité de la filière pommes de terre tient à la forte variabilité des rendements : +/- 10 % autour de la moyenne 5 ans, qui est de 45 t/ha (de 41 à 50 t/ha).
En conséquence, la production de la zone NEPG (à 4 pays) fluctue entre 20 et 25 Mt par an selon les conditions climatiques (pour une production moyenne de 22 Mt).
La récolte 2021 marque une rupture dans la hausse des surfaces en pommes de terre de consommation
La récolte 2021 marque une rupture dans la hausse des surfaces en pommes de terre de consommation. Face au contexte covid incertain et au déséquilibre créé entre l’offre et la demande, le NEPG avait conseillé en 2020 de réduire les surfaces. Les emblavements se sont réduits de 4,6 % en 2021, à 498 000 ha. L’Allemagne et la France ont limité la baisse (- 3,5 et – 3,0 %). Tandis que la Belgique et les Pays-Bas, déjà baissiers en 2020, ont chuté de 7,5 et 7,3 %.
Pour mémoire, l’Ukraine produit environ 20 Mt de pommes de terre par an. Elles sont pour la très grande majorité autoconsommées.
NEPG : zoom sur la production de pommes de terre des dernières récoltes
Les chiffres du NEPG concernent les pommes de terre de conservation, hors plants et fécule.
Récolte 2019 : 22,6 Mt. La relative faiblesse des rendements limite la récolte à la production moyenne. La qualité de conservation est bonne.
Récolte 2020 : 23,5 Mt. La production est supérieure à la moyenne 5 ans. Du fait du Covid, les besoins des industriels de la transformation sont moindres.
Récolte 2021 : 22,9 Mt. La réduction de la production s’explique par la diminution des surfaces. Les rendements sont en légère hausse. L’été est humide.
En France : une production de pommes de terre dynamique
La production nationale de pommes de terre est en hausse, en tendance. De 2016 à 2020, les surfaces en pommes de terre de conservation ont augmenté de + 4 % par an (+ 6 000 ha par an en moyenne).
Les rendements subissent en France la même variabilité interannuelle que dans l’UE : +/- 10 % autour de la moyenne 5 ans de 43,5 t/ha(entre 41 et 47 t/ha). Sécheresses et canicules ont amputé les rendements 2016 et 2018 de 5 à 6 t/ha.
Selon les années, la production française de pommes de terre de conservation se situe ainsi entre 5 à 7 Mt /an.
La récolte 2021 est la première année de baisse des surfaces en pommes de terre depuis 2015.
En France, zoom sur les dernières campagnes commerciales
La pandémie de Covid a profondément bouleversé les équilibres des filières pommes de terre. Les mesures de confinement et les restrictions d’ouverture des restaurations commerciales et collectivesappliquées au printemps puis à l’automne 2020 ont modifié les demandes des consommateurs. Pour les :
- Ménages : hausse de la consommation à domicile et baisse de la consommation en restauration commerciale ou collective.
- Industriels : réduction globale des activités de transformation.
- Producteurs : prix des contrats industriels respectés. Pour les ventes en libre (marché français ou export), prix variables selon l’équilibre entre l’offre et la demande.
Récolte de pommes de terre 2020
La récolte française de pommes de terre de conservation a battu en 2020 un record de production à 6,9 Mt grâce à une nouvelle hausse des surfaces (159 000 ha, + 4 % par rapport à 2019), et un rendement moyen proche de la moyenne 5 ans (43,6 t/ha, +3% / 2019).
Les Hauts-de-France représentent 64 % des surfaces françaises de pommes de terre de conservation. Les surfaces additionnelles sont surtout situées dans les ex-régions Haute-Normandie (+ 900 ha) et Champagne-Ardenne (+ 550 ha). Les rendements sont hétérogènes, selon les conditions météorologiques locales et la présence ou non d’irrigation.
Campagne 2020/21 : une année encore marquée par la crise sanitaire
La campagne 2020/21 a été impactée par le second confinement (automne 2020). Puis la réouverture progressive des restaurants, à partir de mai 2021, a permis un retour à la normale.
Le transfert des actes de consommation de pommes de terre
Le transfert des actes de consommation du « hors domicile » vers le « domicile », initié par le confinement du printemps 2020, a perduré mais dans une moindre mesure. Les achats de pommes de terre en l’état par les ménages se replient un peu (- 1 % en volume), après avoir augmenté de 8 % sur 2019/20. Ils restent nettement supérieurs à la campagne 2018/2019 (+ 7 % en volume).
La consommation à domicile des produits transformés poursuit sa hausse. Les frites et spécialités surgelées (74 % des volumes transformés) progressent de + 5 % en volume (+ 8 % en valeur). Les chips (18 % des volumes) sont également dynamiques : + 2 % en volume (et en valeur). Alors que purées déshydratées et produits sous vide voient leurs ventes baisser.
La hausse de la consommation de produits transformés par les ménages ne compense pas la baisse de la consommation hors domicile.
La transformation des pommes de terre
Les volumes transformés dans les usines en France baissent de nouveau (- 1 %, après – 8 % en 2019/20). La consommation globale de produits transformés en France est de 2,0 Mt d’équivalent pommes de terre.
La demande des industriels, couverte à plus de 80 % par des contrats, aplafonné. Les prix des contrats ont été honorés (100 à 150 €/t). Mais les excédents ont été payés à bas prix (30 à 60 €/t). Et il y a eu peu d’achats hors contrats.
Les prix des pommes de terre vendues sur le marché libre sont inférieurs à la récolte 2019. À noter : selon une étude Kantar, la vente des pommes de terre en petits formats (filets de 1 à 2 Kg) progresse. Cet type de vente permet de recruter de nouveaux acheteurs.
Récolte de pommes de terre 2021
La récolte française 2021 se stabilise au niveau élevé de 2020 avec 6,8 Mt de pommes de terre de conservation.
Pour la première fois depuis 2015, les surfaces ont baissé (- 3 %) à 154 000 ha. La hausse du rendement moyen (44,1 t/ha) permet de limiter la baisse de production par rapport à 2020.
La région des Hauts-de-France totalise toujours près des deux tiers de la récolte nationale (- 4,5 % de surface, 45,5 t/ha). Elle produit à elle seule autant que la Belgique. Les ex-régions Champagne-Ardenne et Haute-Normandie stabilisent leurs surfaces. Elles contribuent alors respectivement pour 9 % et 7 % à la récolte française 2021.
Campagne 2021/22 : l’export et la transformation tirent les marchés
Mi-avril 2022, la consommation de pommes de terre en l’état achetées par les ménages baisse fortement. Cette baisse indique alors un retour probable aux tendances structurelles de réduction de la consommation des pommes de terre en l’état (- 13 % / campagne 2020/21, et – 7 % / campagne 2018/19 avant Covid). Sur le marché du frais, les cotations se tiennent bien. Les exportations de pommes de terre en l’état sont dynamiques. Elles atteignent un niveau record (+ 14 % en mars par rapport à la campagne 2020/21). Ce niveau est tiré par l’Europe de l’est (multipliées par 2) ainsi que par la demande des industriels belges de la frite (+ 20 %). Concernant les produits transformés, la réouverture des restaurations collectives induit une forte dynamique de reprise de la transformation dans les usines françaises (+ 14% par rapport à avril 2021).
Sur le marché de l’industrie, les cotations se positionnent légèrement au-dessus des contrats. Il s’agit donc d’un changement par rapport aux dernières campagnes. Début 2022, le marché à terme était alors haussier. La guerre en Ukraine a ponctuellement fait baisser les cotations. Ces dernières ont depuis repris leur tendance haussière. L’échéance juin 2022 se situe autour des 250 €/t.
Zoom sur la Fécule : un contexte défavorable…
La faiblesse des rendements liée à une succession de saisons sèches depuis 2018 (moins de 45 t/ha) a limité la production française de pommes de terre de fécule à moins de 1 Mt ces dernières années ainsi que la rentabilité de cette culture.
En outre, la filière fécule subit en 2021 le contrecoup du Covid. Alors qu’en mars 2020, les deux féculeries françaises (Roquette et Téréos) étaient fermées. Les Pays-Bas et l’Allemagne ont pu travailler des pommes de terre gratuites. Une hausse de la production associée à une baisse de la demande a alors induit des surstocks européens. La situation a donc conduit à une baisse des prix de la pomme de terre féculière.
Les meilleurs rendements de la récolte 2021 font remonter les volumes produits. Mais la fécule a du mal à rester attractive en terme de rémunération. Ce qui fait donc craindre un désengagement des producteurs auprès des deux industriels du secteur ainsi qu’une baisse des surfaces 2022 et 2023.
Récolte 2022 et suivantes : quelles perspectives ?
Les perspectives pour la récolte 2022 tablent sur une reprise de la demande ainsi qu’un équilibre entre offre et demande. Cet équilibre oriente alors favorablement les prix.
Des dynamiques variables selon les débouchés des pommes de terre
Marché du frais :
La tendance structurelle à la baisse de la consommation pour les pommes de terre en l’état a été occultée lors des confinements par les modifications de consommation. Les signes de reprise de cette baisse de consommation semblent nets en France. Tandis que l’exportation des pommes de terres en l’état reste dynamique, en particulier vers l’Europe du sud et de l’est.
Marché de la transformation :
La France est déficitaire en outils de transformation. De nombreux projets de construction d’usines de production de frites surgelées sont donc engagés, souvent à proximité des ports pour viser l’export.
L’industriel néerlandais Aviko a ainsi ouvert une nouvelle usine au sud Belgique (Poperinge), pour produire 175 000 t de frites surgelées par an. De plus, Aviko recherche des producteurs en France. L’industriel belge Clarebout Potatoes doit construire en 2022 une nouvelle usine à Dunkerque. Tandis que le producteur belge Ecofrost a l’intention d’installer sa future usine de frites surgelées à Péronne (Somme).
Des transferts de surfaces de pommes de terre sont ainsi probables dans les années à venir, avec moins de surfaces consacrées aux marché du frais et davantage de surfaces destinées à l’industrie de la transformation, sous réserve d’une rémunération suffisante des producteurs.
Marche de la Fécule :
Suite à un manque de rentabilité de cette culture, il existe alors un risque fort de désengagement des producteurs. Une baisse des surfaces est donc attendue sur 2022 et 2023.
Des contraintes grandissantes pour la production de pommes de terre.
L’UNPT liste un certain nombre de contrainte qui jouent sur la rentabilité et les dynamiques de production :
- le Plan pollinisateur,
- la perte de solutions phytosanitaires,
- l’accès à l’eau,
- les distorsions avec les autres pays européens,
- l’augmentation des risques,
- les exigences qualitatives croissantes sur le marché du frais, etc.
L’attractivité et la rentabilité de la pomme de terre en question
La demande mondiale en pommes de terre repart à la hausse, et les prix augmentent. Mais les coûts de production atteignent des niveaux records. Dans le cadre de la hausse des prix et des charges, la concurrence entre les productions sera-t-elle en faveur des pommes de terre ?
Fin 2021, l’UNPT a milité pour conforter l’attractivité de la culture de pommes de terre. Et elle a obtenu une revalorisation de certains contrats d’industriels de la transformation (+ 20 à 25 €/t chez Mac Cain par exemple).
Depuis, la guerre en Ukraine a renforcé le phénomène, et les prévisions deviennent hasardeuses. En mars 2022, selon Agreste, le prix des intrants a augmenté de 28,5 % sur un an. Les plus fortes hausses concernent les engrais (+ 100 %) et l’énergie (+ 68 %). En pommes de terre, la hausse des charges de la récolte 2022 pourrait ainsi se situer entre 700 et 1 000 € /ha, soit + 15 à 25 €/t. Dans le même temps, le prix du blé a quasiment doublé…
Le niveau réel des prix de vente 2022 et les perspectives de charges pour les récoltes suivantes orienteront alors les dynamiques de production de pommes de terre pour les années à venir.
Retrouvez sur notre site internet toutes nos publications sur la conjoncture des cultures végétales de type industrielles : lin, sucre, pommes de terre…