Pommes de terre restructurations en cours

Temps de lecture : 8 minutes

Pommes de terre : les restructurations sont en cours

La récolte 2023 a été bien meilleure que celle de 2022. La campagne 2023-24 se déroule bien, tirée par l’export.

La réindustrialisation du secteur de la transformation va renforcer la valeur ajoutée créée en France. La fécule souffre. Deux très bonnes années permettent aux producteurs d’afficher leurs ambitions : + 30 000 ha. Mais le plant pourrait être limitant.

Dans l’UE, retour de la croissance des surfaces et rendement 2023 moyen

L’UE est le leader mondial des exportations de pommes de terre. Le commerce européen est assuré par quatre grands pays producteurs regroupés au sein du NEPG (North – western European Potato Growers : Allemagne, France, Belgique, Pays-Bas). La France est le second pays producteur de l’UE, derrière l’Allemagne.

Entre 2016 et 2020, les surfaces cultivées en pommes de terre de conservationpar les 4 pays du NEPG ont connu une hausse régulière de + 3,5 % / an, avec 522 000 ha en 2020.  La France est le pays qui a le plus augmenté ses surfaces (+ 34 000 ha), devant l’Allemagne (+ 25 000 ha).

Dans le contexte Covid, la ré­colte 2021 a marqué une baisse ponctuelle des surfaces (- 5 %).

La récolte 2022 a permis un retour partiel des pommes de terre dans les assolements (+ 2 %).  Pays-Bas et Alle­magne retrouvent leurs surfaces de 2020. Tandis que la France et la Belgique sont stables.

La récolte 2023 confirme la dynamique de croissance des surfaces en pommes de terre du NEPG avec 520 000 ha (+ 2 %).  Chaque pays flirte avec ses plus grandes surfaces historiques, excepté les Pays-Bas.

Malgré un rendement 2023 inférieur à la moyenne, la hausse des surfaces du NEPG permet une production de pommes de terre au niveau de la moyenne, à 22,7 Mt. 

La fragilité de la filière tient à la forte variabilité des rendements : +/- 10 % autour de la moyenne 7 ans, qui est de 44,5 t/ha (de 41 à 50 t/ha). En conséquence, la production de la zone NEPG fluctue entre 20 et 25 Mt par an selon les conditions climatiques.

Production pomme de terre de conservation hors plants et fécule

Zone NEPG : Zoom sur les dernières récoltes

Récolte 2021 : Production NEPG : 22,9 Mt. (- 0,6 Mt, – 3 % / 2020). La baisse de pro­duction s’explique par le recul des surfaces (- 5 %). Été humide. Les rendements sont en légère hausse (46,0 t/ha, + 2 %).

Récolte 2022 : Production NEPG : 21,6 Mt. (- 1,3 Mt, – 6 % / 2021). La réduction de la production s’explique par la chute des rendements (43,1 t/ha, – 6 %) et malgré la re­prise des surfaces (+ 2 %). Été caniculaire et sec en France, sud Allemagne, Belgique et sud de l’Europe. Seuls les Pays-Bas ont une production en hausse.

Récolte 2023 : Production NEPG : 22,7 Mt. (+ 1,1 Mt, + 5 % / 2022). La hausse de la production s’explique par la hausse des surfaces (+ 2 %) et des rendements (43,7 t/ha).
En France, retard d’im­plantation au printemps, récolte tardive et ren­dement final proche de la moyenne quinquennale. Difficul­tés de récolte aux Pays-Bas (‑ 14 % de rendement). Hausse des rendements et de la production en Belgique et en Allemagne.

Récolte 2024 : Surfaces en hausse ?

France : zoom sur les récoltes récentes

La production nationale de pommes de terre de conservation (frais et industrie) s’est fortement développée entre 2016 et 2020. En cinq ans, les surfaces ont augmenté de + 27 %, et la production est passée de 5 Mt à 7 Mt, pour des rendements équivalents.

Après deux années perturbées par la pandémie de Covid, les surfaces augmentent à nouveau en 2023 à 158 000 ha (+ 2 %), et se rapprochent ainsi du record de 2020. 

Les rendements subissent en France la même variabilité interannuelle que dans l’UE.  La moyenne sur sept ans est de 43,0 t/ha +/- 10 % (entre 39 et 47 t/ha). Sécheresse et canicules ont amputé les rendements 2018 et surtout 2022.

La région des Hauts-de-France pèse pour 60 à 65 % dans la récolte nationale. Champagne-Ardenne et ex-Haute-Normandie contribuent respectivement pour 10 % et 7 % à la récolte française.

La restructuration de la filière se poursuit en 2023. Les surfaces en pommes de terre de consommation augmentent, alors que celle destinées à la fécule chutent (- 19 %) avant même la fermeture de l’usine d’Haussimont.  Les surfaces de plant ont aussi du mal à se maintenir, concurrencées par les bonnes valorisations et les moindres contraintes des pommes de terre de consommation.

Récolte 2022 : des rendements historiquement bas

La récolte française 2022 est marquée par de nombreux évènements extrêmes et déstabilisants, sur le plan du climat, des rendements et des charges. 

Les surfaces sont maintenues à 154 000 ha.

Le choc climatique estival sans précédent, sécheresse et chaleur extrême, fait s’effondrer les rendements à 39,2 t/ha (- 13 % / 2021), un niveau record depuis 27 ans. Les rendements sont hétérogènes selon les secteurs géographiques, le contexte pédoclimatique et l’accès ou non à l’irrigation.

La production de pommes de terre de conservation chute à 6,0 Mt. (- 12 %).

Une campagne 2022/23 très dynamique avec des prix de vente en hausse

Le marché du frais français  

Sur ce marché de 0,7 Mt, 90 % environ de la production est vendue en libre, sans contrat fixant un prix à l’avance. Celui-ci est donc très sensible à l’équilibre offre – demande du marché.

La consommation des ménages de pommes de terre achetées à l’état frais remonte après le creux de 2021/ 2022 (+ 5 % en volume sur la campagne). En période d’inflation généralisée sur les prix alimentaires, la pomme de terre semble être une valeur refuge. Le bon écoulement de la production laisse sa place aux pommes de terre primeurs de la récolte 2023.

Le marché à l’export est l’acteur principal de la dynamique commerciale sur le secteur du « libre ». Les exportations de pommes de terre à l’état frais ont en effet atteint le record de 3,2 Mt (+ 3 % / campagne 2021‑22). Les prix sont rémunérateurs (moyenne proche de 280 €/t).

Le marché de la transformation

Sur ce marché où la France est structurellement déficitaire (1,4 Mt transformées pour une consommation de 2,1 Mt), les industriels répondent à une forte demande en frites surgelées et en chips, poussée par une consommation européenne et mondiale dynamique. Les tarifs des contrats ont été revalorisés début 2023 autour de 200 €/t. Sur la campagne 2022‑23, la consommation française de produits transformés a été quasi stable en volume (- 3 % en frites surgelées, mais + 3 % de chips), mais en forte hausse en valeur : + 21 %.

La fin de campagne 2022-23 a été tendue avec la crainte d’une rupture d’approvisionnement des usines de transformation, et les cours du libre se sont envolés jusqu’à fin juillet 2023. Le retour de la pluie en août et le rattrapage des rendements ont calmé les marchés.

La hausse générale des prix de vente a été globalement supérieure à la hausse des charges sur les exploitations (+ 700 et + 1 000 €/ha, soit + 15 à 25 €/t.). Les revenus issus de l’activité pommes de terre sont en général satisfaisants.

Récolte 2023 : encore une campagne atypique !

La récolte 2023 est à nouveau atypique : retard à la plantation lié à un printemps humide, puis rattrapage des rendements avec les pluies de l’été.

Le rendement moyen national de 43,6 t/ha sera finalement dans la moyenne 5 ans.

Les surfaces 2023 en hausse (158 000 ha, + 2 %), tout proche du record de 2020, permettent une production de pommes de terre de conservation au niveau élevé de 6,8 à 7,0 Mt (+ 13 à + 17 %).

Campagne 2023/24 :  la forte demande maintient les prix élevés

Selon l’UNPT, il n’y aura aucune pomme de terre en trop pour alimenter le marché français et européen jusqu’à la récolte 2024.

Le marché du frais

Le marché intérieur français est relativement calme face à la forte demande à l’export.  La hausse des prix d’achat des pommes de terre à la production (300 à 350 €/t) peut faire craindre une baisse de la consommation de pommes de terre fraiches par les ménages dans un contexte toujours inflationniste.  

Le marché à l’export est très dynamique, vers l’Europe du sud (Espagne, Italie) et de l’est (Hongrie, Roumanie). Sur les 6 premiers mois de la campagne 2023-24, les exportations de pommes de terre à l’état frais sont en hausse : + 5 % en volume et + 17 % en valeur. Les prix du printemps 2024 sont rémunérateurs : 300 à 350 €/t en variété fritable, et entre 400 et 450 €/t pour le marché du frais.

Le marché de la transformation

Le marché français des pommes de terre destinées à la transformation industrielle est en croissance. Les tarifs des contrats signés début 2023 sont à nouveau en hausse, autour de 250 €/t. Les volumes transformés en France sont en hausse, aidés par la mise en service de l’usine Clarebout de Dunkerque. Pour la fin de campagne, les cotations sur le marché à terme sont stabilisées autour de 370 €/t (échéances avril et juin 2024).

Globalement, les prix de vente des pommes de terre de la récolte 2023, tous marchés confondus, pourraient donc être supérieurs à ceux déjà bons de la récolte 2022. Les chiffres d’affaires par hectare élevés rassurent sur la pérennité de la filière, malgré la variabilité très forte des résultats entre les années.  

Campagne 2023 24 la forte demande maintient les prix élevés

Le plant : un facteur limitant de la filière, et un enjeu majeur

La faible revalorisation des prix d’achat des plants 2022 et la complexité du métier confronté au retrait de molécules phytosanitaires ont pu démotiver des producteurs. Résultat : une baisse de 15 % des surfaces de plant en 2023, et près de 100 000 t de plant certifiés en moins pour 2024.

L’implantation de la campagne 2024-25 se fait donc sous tension. Avec en particulier la tentation de couper les plants de gros calibre, et le risque associé puisque le plant perd alors sa certification.

L’enjeu de moyen terme pour la filière est bien de sécuriser l’approvisionnement en plant français.

La Fécule : la réduction de production est engagée

La production française de pommes de terre de fécule chute autour de 0,7 Mt en 2023 avec une nouvelle forte baisse des surfaces (- 19 %).

Face à la baisse des rendements 2022 et la hausse des charges, un soutien ponctuel à la filière fécule a été obtenu à l’été 2023 : aide forfaitaire de 256 €/ha de 2022 engagé en 2023 (enveloppe de 5 M€).

La fermeture de l’usine d’Haussimont après la récolte 2023 va renforcer la baisse de cette production qui sera concentrée sur l’unique site de Roquette, en Picardie. 

Récolte 2024 : un rappel, en pommes de terre, l’année normale n’existe pas !

Le besoin de pommes de terre est bien là

La demande des industriels est forte.  Les surfaces implantées au printemps 2024 devraient augmenter ; avec quelques éléments contraires. La difficulté d’approvisionnement en plants, et les conditions climatiques très humides retardent les plantations et menacent (à nouveau) le potentiel de rendement 2024.

La récolte 2024 dépendra bien sûr de l’évolution climatique à venir.

Côté prix, les contrats engagés début 2024 par les industriels de la transformation sont assez proches de l’an passé. La hausse constatée est sensée couvrir la nette hausse du coût des plants.

Les prix des pommes de terre non contractualisées seront liés, bien sûr, à l’équilibre offre – demande.

La réindustrialisation est en marche !

Plusieurs projets industriels significatifs sont en cours, et ils dynamisent les territoires. La création de nouvelles usines va enfin permettre à la France de créer davantage de valeur ajoutée sur son sol, plutôt que d’exporter ses pommes de terre en Belgique pour en importer des chips et frites surgelées.

Clarebout à Dunkerque

Le groupe familial belge Clarebout Potatoes a construit sa première usine hors de Belgique, à Dunkerque (Nord). C’est un investissement de 140 M€, avec 320 emplois à la clé. L’usine est entrée en production en 2023. Elle pourra produire 1 200 tonnes de frites surgelées par jour.

Ecofrost à Péronne

La PME familiale belge Ecofrost transforme déjà 500 000 t de pommes de terre en frites surgelées. Elle construit à Péronne (Somme) une usine de transformation pour 140 M€. Objectifs 2026 : 200 000 t de pommes de terre traitées et 90 emplois ; puis 400 000 t à l’horizon 2030. 50 % du volume sera destiné au marché français, et le reste ira à l’export sur l’Europe.

Agristo à Escaudœuvres

Le groupe agroalimentaire belge Agristo, spécialisé dans la pomme de terre surgelée, a racheté à l’été 2023 la sucrerie d‘Escaudœuvres (Nord), fermée en mars par le groupe Téréos. Agristo prévoit un investissement de 350 M€ pour construire une usine neuve et y transformer à partir de 2027 500 000 t de pommes de terres par an en frites, röstis et autres galettes congelées. L’usine sera approvisionnée par 200 à 250 agriculteurs situés à moins de 150 km de l’usine. 350 emplois seront créés.

Les défis de la filière et les enjeux d’une recherche collective de solutions

D’un côté, le réchauffement climatique rend la culture de la pomme de terre de plus en plus risquée, avec une baisse du potentiel de rendement. Et de l’autre, la demande en pommes de terre à l’export se renforce. L’UNPT souhaite donc relever le défi de développer la production en France. Objectif : + 30 000 ha en quelques années.

La réindustrialisation en route va y aider. Et pour les producteurs, la nécessaire transition climatique devra satisfaire aux points suivants :

  • avoir des semences saines ;
  • développer des variétés résistantes ;
  • trouver des solutions alternatives aux produits phytosanitaires ;
  • utiliser les technologies : outils d’aide à la décision, possibilités offertes par les NBT (New Breeding Technologies) ;
  • favoriser une agriculture de régénération des sols ;
  • construire un référentiel environnemental commun ;
  • rémunérer le travail et les risques pris ;
  • accéder à la ressource eau.

Ce seul thème peut être détaillé avec la stratégie des 7 « R » :

  • Résistance des plantes ;
  • Réserve utile du sol ;
  • Retenues d’eau et régulation hydraulique ;
  • Remplissage des nappes ;
  • Réduction des quantités d’eau ;
  • Réutilisation des eaux usées ;
  • Reconception des assolements.
Un programme ambitieux.

Retrouvez notre veille économique sur les restructurations du marché des pommes de terre en PDF :

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Le chiffre du mois

C'est la hausse attendue des surfaces de betteraves à sucre en France à la récolte 2024
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