Fourche à la Fourchette | Décembre 2021

Temps de lecture : 7 minutes

Décembre 2021 | De la Fourche à la Fourchette – Evolution de la consommation locale, risque de baisse de production et réduction de consommation de viande pour la neutralité carbone

Retrouvez au sommaire :

  • les Français veulent manger local,
  • le crainte d’une baisse de la production européenne,
  • la réduction de la consommation de viande pour atteindre la neutralité carbone.

Les Français veulent manger local

Le lien de confiance entre les Français et les agriculteurs est extrêmement solide. La crise du Covid a même conforté cette relation. Les agriculteurs ont été en première ligne pour garantir leur approvisionnement pendant le confinement. 72 % des personnes interrogées estiment que les agriculteurs sont respectueux de la santé des consommateurs.

Une très large majorité des Français consomment désormais au moins de temps en temps des produits bios : 84 % contre 61 % en 1998. Le bio s’est installé dans le paysage. Néanmoins, alors que ce secteur avait le vent en poupe depuis des années, on assiste à un tassement inédit. La part de ceux qui en consomment régulièrement est passée de 21 % à 16 % en un an. Le bio semble donc être victime de son succès. Les Français s’orientent vers une alimentation plus saine.

C’est le local qui semble le mieux tirer son épingle du jeu.

Le Covid amplifie l’engouement pour les produits locaux. L’absence de sites de production de masques et la pénurie de certains
médicaments pendant la pandémie ont marqué les esprits. Ceci a fait apparaître la nécessité de disposer et de privilégier des approvisionnements locaux.

La question de l’impact carbone impact ce mouvement. En effet, les distributeurs surfent tous sur cette tendance. Sur le plan alimentaire, cette dernière est particulièrement marquée. Après le bio, le local va constituer une nouvelle locomotive sur ces marchés. Les Français sont vigilants sur la question des pesticides et la santé environnementale. Ils sont aussi attentifs à leur santé.

C’est l’autre tendance qui émerge de cette étude avec le nutriscore et les notations alimentaires des produits.

66 % des Français sont attentifs au nutriscore et aux notations alimentaires des produits. Ce mouvement est encore plus marqué chez les jeunes. Les moins de 35 ans sont 44 % à le faire régulièrement. Avec le retour à la normale, il y a une réelle motivation des Français à consommer responsable. La consommation responsable se maintient malgré un tassement des achats de produits Made in France, locaux, bio, équitable, sans emballages, avec des achats hauts comparés à la pré-crise.

Crainte d’une baisse de la production européenne de 10 à 20 % ?

Réduire de moitié l’usage de pesticides, de 20 % celui des engrais et baisser de 50 % les antibiotiques pour les animaux d’élevage. Voilà quelques-uns des objectifs de la stratégie agricole européenne « De la ferme à la fourchette » validée par le Parlement européen mardi 19 octobre 2021. Cette stratégie vise alors à augmenter la part de terres cultivées en agriculture biologique et lutter contre le gaspillage alimentaire.

Toutefois ces stratégies environnementales du Pacte Vert entraîneraient une baisse de 10 à 15 % de la production agricole européenne à l’horizon de 2030. Positif sur l’environnement, l’impact serait négatif sur les revenus.

Des chercheurs ont étudié l’impact de la stratégie « de la ferme à la fourchette » et « Biodiversité » du Pacte vert sur les cultures de blé, colza, maïs, betterave.

Les objectifs environnementaux conduiraient à des modifications dans l’utilisation des terres, du cheptel, des volumes produits et de la position commerciale de l’Union européenne à l’horizon de 2030, pointe l’étude.

Pour les cultures, la baisse des rendements liée à l’augmentation de l’agriculture biologique et à la réduction des pesticides, entraînerait un recul des surfaces ainsi que des volumes produits. La chute de la production européenne serait de :

  • 13 % en céréales,
  • 12 % en oléagineux
  • 7 % en fruits et légumes.

Une diminution du cheptel serait aussi notable :

  • -12 % des effectifs de vaches laitières
  • -17 % des troupeaux allaitants.
  • -15% des effectifs porcins et de volailles.

Les productions animales chuteraient de 12 % (pour le lait) à 15 % (bœuf, porcs, volailles).

Une réduction des volumes produits entraînerait des augmentations de prix pour les consommateurs

Une réduction des volumes produits entraînerait des augmentations de prix pour les consommateurs (10% en moyenne à l’horizon 2030), une baisse des exportations ainsi qu’une hausse des importations.

Les effets seraient positifs sur l’environnement avec une réduction de près de 30% des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’une réduction des pertes
d’engrais.

Les auteurs apportent une précision. En effet, les avantages de ces stratégies, en termes de climat et de biodiversité, ne sont pas mesurés dans cette étude. C’est la cas également de la réduction du gaspillage, des changements de comportements alimentaires des consommateurs, de l’innovation, et des soutiens de la future PAC.

Restons donc prudents sur la façon d’interpréter ces résultats ! Quoi qu’il en soit, le secteur agricole devra traverser cette transition vers un système alimentaire durable, un défi de grande ampleur !

Réduction de la consommation de viande pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

Face à l’urgence climatique, l’Ademe a travaillé sur quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 dans une étude intitulée
« Transition(s) 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat »
. Le spectre va donc d’une approche « frugale », de notre assiette à notre mobilité, à un scénario privilégiant l’innovation technologique qui induit, à la clé, de vrais choix de société.

Dans le premier scénario nommé « Génération frugale », tout change ou presque.

La nature est sanctuarisée, ce qui conduit à une exploitation raisonnée. Les habitudes alimentaires sont profondément transformées : « l’évolution des systèmes agricoles (70 % de production à très bas niveau d’intrants) suit celle des régimes alimentaires, à savoir une division par trois des quantités de viande
avec des cheptels plus extensifs mais moins nombreux
». Nous retrouvons dans nos assiettes beaucoup moins de viande (les quantités sont divisées par trois) et de produits exotiques. La part du bio dans l’alimentation serait de 70 %. Au total, l’effectif de bovins viande diminuerait de 85 % et celui de porcs charcutiers de 65 %, alors que celui de volailles de chair baisserait de 30 %. Selon l’Ademe, la fertilisation serait également en baisse de 40 %, avec des rendements réduits
de 25 %.

De quoi augmenter les espaces naturels non productifs, et donc les puits de carbone. Nous bougeons moins, en misant alors sur les villes moyennes, le télétravail et en rapprochant lieux de vie et professionnels. Les kilomètres parcourus baissent de 26 % d’ici à 2050. Le vélo et la marche y sont rois. Enfin, la voiture et l’avion régressent.

Nos logements sont massivement rénovés. 80 % des bâtiments deviennent basse consommation, contre 1 % en 2015. L’industrie doit donc adapter ses modèles d’affaires. Et le « made in France » est encouragé.

Dans le deuxième scénario nommé « Coopérations territoriales » l’Ademe imagine une gouvernance partagée et des coopérations territoriales.

ONG, institutions publiques, secteur privé et société civile trouvent des voies de coopération pragmatique qui permettent de maintenir la cohésion. On
retrouve les fondamentaux du premier scénario, mais avec des contraintes allégées en matière de consommation et de déplacements. On y allie le partage (les logements vacants sont réinvestis, les appareils mutualisés, etc.) et l’efficacité énergétique. Les bâtiments sont rénovés, mais à un rythme moins soutenu. L’industrie est poussée à économiser l’énergie et les matières, grâce à l’économie circulaire. La prise en compte de l’empreinte « matières » est d’ailleurs une spécificité du rapport.

Comme dans le premier scénario, le vivant n’est pas considéré uniquement comme un « moyen ». De plus, on veille à le préserver, en modifiant les pratiques agricoles et sylvicoles.

Pour ce qui est de l’alimentation, elle « devient plus sobre, plus végétale, avec des productions durables et fortement relocalisées ». L’Ademe estime que l’impact environnemental de l’assiette diminuerait fortement et que la consommation de viande diminuerait de 50 % par rapport à la consommation actuelle, ce qui permettrait une extensification des productions et une alimentation animale produite localement. Il y aurait plus de complémentarités entre élevage et cultures, et un fort développement du maraîchage et de l’arboriculture. Les effectifs de bovins viande, de porc et de volaille diminueraient
respectivement de 60 %, 53 % et 20 %. Les pertes et gaspillages seraient alors réduits de moitié. Les circuits de proximité deviendraient la principale voie de
commercialisation.

Les scénarios 3 et 4 découlent d’une autre philosophie.

S’il s’agit bien d’atteindre la neutralité carbone, ceux-ci s’appuient sur la technologie plutôt que sur nos comportements. L’effort porte notamment sur
la décarbonation du transport : on électrifie en masse les voitures, on diversifie le mix pour les marchandises. Le recours à la biomasse est majeur pour
répondre aux besoins – biocarburants méthanisation, filière bois, etc. L’exploitation des espaces naturels s’en trouve intensifiée, avec plusieurs conséquences : il y a moins de puits de carbone et moins de co-bénéfices pour l’environnement. Le quatrième scénario mise en outre sur le captage et le stockage de carbone (CCS). Ces derniers sont eux mêmes énergivores.

Scénario 3 « Technologies vertes », c’est plus le développement technologique qui permet de répondre aux défis environnementaux que les changements de comportement vers plus de sobriété

Les régimes alimentaires évolueraient significativement sous l’effet d’un compromis entre des enjeux de santé et d’environnement et la recherche de plaisir individuel.

Il y aurait une réduction de 30 % de la consommation de viande et une hausse de 30 % de la consommation de produits locaux. Ce scénario mise avant tout sur les performances des filières pour réduire l’empreinte environnementale de l’alimentation. La forte demande en énergie décarbonée créerait des
tensions sur le marché de la biomasse et cela favoriserait une intensification de l’agriculture avec un usage important des intrants de synthèse, une augmentation des surfaces de cultures énergétiques, une plus grande spécialisation des régions et une intensification de l’exploitation forestière pour les besoins énergétiques.

Scénario 4 « Pari réparateur », les modes de vie du début du XXIe siècle sont sauvegardés

Les maisons sont suréquipées et les applications sont très développées. Ils entraînent donc une consommation importante d’énergie avec des impacts potentiellement forts sur l’environnement. La mondialisation s’accélère, avec une amélioration des aides au bénéfice des pays les plus en difficulté.

L’agriculture et les industries agroalimentaires seraient fortement spécialisées et compétitives. La principale évolution des régimes alimentaires reposerait sur l’inclusion de protéines alternatives comme les viandes de synthèse ou les insectes et la consommation de viande baisserait de 10 %.

L’élevage et les systèmes agricoles intensifs, dominées par les systèmes conventionnels raisonnés (70 % des exploitations) seraient majoritaires. L’agriculture utiliserait toutes les technologies pour optimiser sa production et limiter ses impacts mais consommerait environ 65 % d’eau d’irrigation de plus
qu’aujourd’hui.

À chaque scénario son risque : le premier sera difficile à faire accepter socialement, tant il « bouscule nos pratiques quotidiennes » et porte de « contraintes », Le quatrième, lui, est d’autant plus incertain que les technologies CCS sur lesquelles il repose sont immatures et non encore maîtrisées à grande échelle. Dans cette hypothèse, nous continuerions à émettre trop de CO2 jusqu’en 2040, sans respecter l’objectif européen de réduction de 55 % des émissions en 2030.

Pour tous les scénarios, l’Ademe rappelle qu’il est impératif d’agir rapidement car l’ampleur des transformations socio-techniques à mener est telle qu’elles mettront du temps à produire leurs effets. Derrière ces projections et graphiques, l’avenir du pays se dessine. Ou plutôt de grands choix de société, désormais aux mains des citoyens et de leurs dirigeants.

Fourche à la fourchette : consommation locale, risque de baisse de production et réduire la consommation de viande pour la neutralité carbone
Fourche à la fourchette du mois de Décembre 2021 : consommation locale, risque de baisse de production et réduire la consommation de viande pour la neutralité carbone

Sources

Les Français veulent manger local :

Ouest France : https://www.ouest-france.fr/societe/alimentatio/agriculture-et-alimentation-lesfrancais-
veulent-manger-local-68f4887e-5297-11ec-bfae-9f51653fbe56

Réussir Fruits et légumes : https://www.reussir.fr/fruits-legumes/malgre-le-retour-a-la-normale-laconsommation-
responsable-se-maintient

La ferme à la fourchette baisserait la production de 10 à 20% ?

Université Wageningen : https://www.wur.nl/en/news-wur/Show/Green-Deal-probably-leads-tolower-
agricultural-yields.htm

La France Agricole : https://www.lafranceagricole.fr/actualites/gestion-et-droit/etude-dimpact-le-pacte-vert-et-la-pacferont-
chuter-la-production-agricole-1,0,4238357819.html

Commission européenne : https://ec.europa.eu/food/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en

Réduction de la consommation de viande pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

ADEME :

https://transitions2050.ademe.fr/

https://librairie.ademe.fr/cadic/6529/transitions2050-synthese.pdf?modal=false

https://presse.ademe.fr/2021/11/transitions-2050-lademe-devoile-ses-scenarios-pour-atteindre-laneutralite-
carbone.html

Réussir : https://www.reussir.fr/lademe-prevoit-une-importante-reduction-de-la-consommation-de-viandepour-
atteindre-la-neutralite

Vous pouvez retrouver toutes nos publications « Fourche à la Fourchette » sur notre site internet.

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